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Actualités - OPINION

Le camp occidental entrevoit une mutation évolutive du Hezbollah

À quelque chose malheur est bon, serait-on presque tenté de dire. Le chaudron régional a pour effet, paradoxal, de refroidir les impétueuses, les belliqueuses ardeurs des fiers gallinacés locaux. Faisant montre d’une nouvelle lucidité, alimentée par les clairvoyants conseils des tuteurs (qui jouent pour leur propre part une partie serrée face aux pressions US), les joueurs-jouteurs du cru continuent à respecter la trêve des confiseurs, bien que la période des fêtes soit maintenant terminée. Au top niveau, les relations baignent désormais dans une paisible normalité, comme en attestent les séances du Conseil des ministres. Cela se répercute naturellement sur les échelons inférieurs que déchiraient naguère des querelles découlant des disputes présidentielles, ou ayant leur vie propre. Dans ces conditions, quasi idylliques sinon idéales, les uns, mais aussi les autres, rivalisent de vœux pieux, du moment que cela ne coûte rien. Autrement dit tout le monde se dit prêt à entamer le chantier de la réforme, et on se demande ce qu’ils attendent. Pour commencer à mettre en pratique les directives du chef de l’État, résolu à réhabiliter l’Administration, à lutter contre la corruption, le gaspillage et la gabegie. En pointant le doigt, comme première cible, sur les surnuméraires et autres parasites de la Fonction publique. Cette orientation doit du reste donner bientôt des résultats déterminés dans le traitement de dossiers qui se trouvent actuellement sous étude. La Syrie de Bachar el-Assad, jeune président lui-même novateur autant que réformateur, soutient bien évidemment le bel élan épurateur des autorités libanaises. Selon les loyalistes, les Syriens, qui ont le sens du détail, tiennent à ce que personne ne puisse laisser entendre qu’ils sont contre la réforme en gestation. Ils ne veulent pas qu’on puisse jamais les soupçonner de protéger des corrupteurs et des pourris. Les mêmes loyalistes insinuent ensuite que l’un des indices indirects de l’option correctrice syrienne peut être relevé à travers les récents rebondissements du cellulaire. Selon ces sources en effet, les avis des décideurs ne seraient pas étrangers à la remise à plat du dossier, au redépart à zéro. Et surtout, toujours d’après les mêmes, au fait qu’en définitive il a été décidé de confier le traitement de la question aux seuls soins du ministre des Télécoms, Jean-Louis Cardahi. Ce qui signifie la mise sur la touche de la partie adverse, incarnée par le Conseil supérieur de la privatisation, d’obédience haririenne présumée. Au-delà de ces considérations, une intense activité diplomatique se déploie aussi bien autour de Beyrouth que de Damas. Dans ce domaine, des observateurs avertis relèvent une amorce de changement de cap occidental. Dans la mesure, premièrement, où l’opération d’échanges de prisonniers comme de dépouilles mortelles avec Israël permet au camp occidental d’entrevoir une mutation évolutive du Hezbollah. Qui deviendrait bien plus, comme les Européens l’ont toujours souhaité, un parti politique ordinaire que le fer de lance d’une lutte à outrance contre l’ennemi sioniste. C’est là, comme la réforme, un vœu pieux, pour le moment. Car il n’y a aucune raison de ne pas croire sayyed Nasrallah quand il proclame l’attachement de sa formation à la Résistance. Sauf que rien n’empêche que ce combat, comme l’opération prisonniers l’a montré, prenne des formes tactiques diplomatiques ou politiques, plutôt que des actions sur le terrain militaire. C’est ce que souhaitent, répétons-le, les Français et les Allemands, mais aussi nombre de responsables anglo-saxons, américains ou britanniques. D’autant que par le prestige acquis avec la deuxième libération qu’il réussit, le Hezbollah devient un élément important, d’une manière générale, au niveau des relations de l’Occident avec le monde arabe, Moyen-Orient en tête. L’échange de prisonniers, acte pacifique s’il en est, a été ainsi accueilli avec fierté par les chiites irakiens, majoritaires dans leur pays. Et cela intéresse beaucoup, bien évidemment, Washington, qui compte sur cette frange pour tenter de se sortir sans trop de mal du guêpier mésopotamien. Dans ce cadre, une source informée indique que des réunions secrètes ont eu lieu dans diverses capitales entre des pôles US (des fonctionnaires, mais aussi des congressmen) et des personnalités arabes pour dégager un contexte relationnel amélioré, basé sur le traitement de la question irakienne. À Beyrouth même, l’on attend une délégation US dont Ray Lahood, député républicain d’origine libanaise, doit faire partie. Parallèlement, les Jordaniens, qui ne sont pas réputés pour être franchement antiaméricains, se rapprochent des Syriens, après une période de tiédeur marquée. Et le roi Abdallah pourrait bientôt visiter Damas. En même temps, comme les Allemands ont géré les transactions entre le Hezbollah et Israël, ce développement peut aider l’Administration Bush à normaliser ses rapports avec la vieille Europe, tant décriée naguère par Rumsfeld. Philippe ABI-AKL
À quelque chose malheur est bon, serait-on presque tenté de dire. Le chaudron régional a pour effet, paradoxal, de refroidir les impétueuses, les belliqueuses ardeurs des fiers gallinacés locaux. Faisant montre d’une nouvelle lucidité, alimentée par les clairvoyants conseils des tuteurs (qui jouent pour leur propre part une partie serrée face aux pressions US), les...