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JAZZ - La flûtiste new-yorkaise au « Bar Louie » jusqu’au 8 janvier Une perle au milieu de la grande bouffe

Entourée de Steve Phillips à la batterie, au meilleur de sa forme, ainsi que de Jack Gregg à la contrebasse, vétéran passionné, Niki Mitchell, la magnifique flûtiste new-yorkaise, a entamé vendredi sa semaine de concerts au « Bar Louie » (Gemmayzé). Grosses nattes, petit visage fin, plutôt clair et mangé par des yeux et un sourire immense, l’interprète noire américaine a la voix fluette et une flûte totalement envoûtante. Il suffit de l’entendre pour approuver ce qu’a dit d’elle un autre flûtiste de haut vol, James Newton :« Elle a créé des techniques jamais entendues jusque-là.» Issue du terreau extraordinairement fécond de Chicago, Niki Mitchell sait ce que fusion veut dire et l’applique avec une splendide énergie. Sans aucun doute, l’année musicale s’ouvre avec un panache plutôt impressionnant. Difficile, sans l’écouter, d’imaginer qu’une flûte traversière ou qu’un piccolo, les deux instruments qui accompagnent la jeune femme dans son voyage, puissent autant apprivoiser une batterie, en transformant cette dernière en simple accompagnatrice discrète. Difficile aussi de concevoir une traversière devenir flûte de pan, nay ou encore gros son sortir des instruments ancestraux du continent noir. Sauvagerie et douceur Si Niki Mitchell offre de petits exemplaires d’interprétations de standards, elle se concentre, et c’est tant mieux, sur ses créations, qui intègrent la voix, le rythme, la mélodie, la déconstruction tonale, les ellipses, bref tout un arsenal de « free jazz » qui démontre, si c’était nécessaire, la puissance surprenante de la flûte. Celle-ci, entre les mains d’une telle musicienne, n’a plus rien à prouver ou à envier au saxophone, authentique tarte à la crème jazzique. À ceux qui aiment la nouveauté, le « chien » (si l’on peut sortir le terme du strict domaine de l’allure physique et l’adapter au jeu musical), la sauvagerie mâtinée d’une douceur et d’une fraîcheur inattendues, il faut courir au « Bar Louie » et se laisser emporter par tout ce que Niki Mitchell et sa flûte ont à offrir. Une chose encore : à l’extrême opposé de cet espace passionnément dédié à la musique de concert (le « Blue Note Café » n’a qu’à bien se tenir, surtout en matière d’artistes étrangers) se trouve un public, majoritairement composé d’une espèce en pleine expansion, suivant la tendance mondiale et selon l’intitulé du dernier ouvrage de Gilles Châtelet, sociologue français, Vivre et penser comme des porcs – De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les sociétés-marchés (Éditions Gallimard, collection Folio actuel, 1999, édition augmentée). Ces bien étranges « mélomanes », puisque c’est d’eux qu’il s’agit, sont entièrement dévoués à leurs systèmes digestifs, leur téléphonie et leur technologie numérique, indifféremment issus de Sodeco, Verdun, Ramlet el-Baïda et Rabieh, se carapatant dans les salles occidentales et pétaradant du haut de leur suffisance dans les lieux nocturnes de Beyrouth acculés au sacro-saint service de bouffetance d’après 23h. Attention, en écoutant la perle qu’est Niki Mitchell, on risque de se retrouver en face de mandibules en action : celles peut-être d’un très chic voisin de palier. Diala GEMAYEL
Entourée de Steve Phillips à la batterie, au meilleur de sa forme, ainsi que de Jack Gregg à la contrebasse, vétéran passionné, Niki Mitchell, la magnifique flûtiste new-yorkaise, a entamé vendredi sa semaine de concerts au « Bar Louie » (Gemmayzé). Grosses nattes, petit visage fin, plutôt clair et mangé par des yeux et un sourire immense, l’interprète noire américaine...