Rechercher
Rechercher

Actualités

Conférence - Georges Assaf évoque devant le Parlement roumain des aspects peu connus du diplomate Charles Malek, le Libanais qui contribua à l’élaboration de la charte des droits de l’homme

La plupart des Libanais savent que Charles Malek avait participé en 1954 à l’élaboration de la charte internationale des droits de l’homme. Par contre, rares sont ceux qui savent par exemple que Malek fera de la liberté de pensée et de croyance son cheval de bataille lors des tractations qui aboutiront à la rédaction de l’article 18 de la déclaration insistant sur la liberté de changer de croyance. Nombre des aspects peu connus de Charles Malek ont été abordés par Georges Assaf, président de l’Assemblée francophone des Instituts des droits de l’homme de la démocratie et de la paix, lors d’une conférence donnée devant le Parlement roumain, à l’occasion d’une cérémonie organisée pour saluer la mémoire des grands artisans de la pensée moderne des droits de l’homme. Voici de larges extraits de l’intervention de M. Assaf : « Ambassadeur du Liban en poste de Washington, Charles Malek se retrouva au sein de la délégation officielle libanaise à la Conférence de San Francisco qui devait aboutir à la création de l’Onu en avril 1945 alors même que la Deuxième Guerre mondiale touchait à sa fin. « Désigné pour signer au nom du Liban la Déclaration de création de l’Organisation des Nations unies, Malek ne se trompe pas, qui affirme dans son discours au département d’État à Washington, le 18 avril 1945, que l’insigne honneur fait à son pays d’être parmi les fondateurs de l’Onu ne vient pas de l’importance du Liban sur l’échiquier des puissances mais des sphères morale et intellectuelle constituées par ses compatriotes qui ont mis la puissance des idées au service de la liberté et de la démocratie à travers le Proche-Orient et au-delà, de par le monde, par le biais de leur diaspora. « En cette période de gestation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il occupera, fait significatif et dont l’importance à cet égard ne saurait être trop soulignée, la présidence du Conseil économique et social, celle de l’Assemblée générale des Nations unies, un siège (tournant) au Conseil de sécurité, le poste de rapporteur puis celui de président de la Commission des droits de l’homme (...). « La tâche d’élaborer une charte internationale des droits de l’homme était un défi que Charles Malek était particulièrement apte à relever (...). « Entre Éléanor Roosevelt, forte de la puissance éclatante des États-Unis au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, et le singulier pouvoir de synthèse reconnu à René Cassin, sans compter l’apport complice du philosophe Chang, délégué de la chine, pour jeter des passerelles entre les cultures, d’où l’affinité entre lui et Malek, ce dernier aura tout loisir de pétrir le projet de déclaration d’universalisme à partir de l’individu conçu comme microcosme de l’univers et valeur suprême. « Loin de considérer l’effet immédiat de la déclaration projetée, il ne pensait pas en juriste et se distinguait ainsi de Cassin, conscient qu’il était de la limite apportée par la Charte de l’Onu à l’effet contraignant des instruments de droit internationaux (notamment les paragraphes 3 et 7 de l’article 2, portant respectivement sur les réserves et sur la compétence nationale). « Il voulait, pour la pérennité de la déclaration, que celle-ci soit “un ferment pour la conscience du monde” selon ses propres mots (Bulletin des Nations unies 1987). « Il engagera ainsi la discussion dès la première session de la commission des droits de l’homme en janvier 1947 sur une idée charnière, celle de la dichotomie des droits individuels-droits collectifs, se frayant un passage entre l’Occident déjà consumériste et la vision totalisante du communisme soviétique, par des interventions incisives, sans rémission, telles des coups d’épée, toujours en butte aux critiques sinon à l’opposition de l’ambassadeur de l’URSS, n’hésitant pas à prendre à partie Vichynski et même Staline. « Au cœur des libertés, la liberté de pensée et de croyance. Malek en fera cheval de bataille dans les tractations qui aboutiront à la rédaction de l’article 18 de la déclaration insistant sur la liberté de changer de croyance. « Il s’en expliquera a posteriori lors de la plénière autour du rapport de la Commission des droits de l’homme, le 3 mai 1946 : « L’histoire de mon pays au cours des siècles est précisément celle d’un petit pays luttant à contre-courant pour maintenir et renforcer la liberté de pensée et de croyance (...). Si nous devions apporter une contribution, ce serait dans le domaine d’une liberté fondamentale comme la liberté de pensée et de croyance. « Du point de vue du Liban, la liberté de croyance dans son double aspect d’être et de devenir, reconnue internationalement, qui accueillerait l’adhésion de tous les gouvernements, est la plus importante. « Malek qui disait qu’un jour il révélera les “secrets” entourant l’élaboration de l’article 18 de la déclaration portant sur la liberté de religion, ira jusqu’à demander que l’acceptation de la liberté de pensée et de croyance puisse être pour les États une condition pour l’adhésion à l’Onu. « Juin 1948. Le projet de Déclaration est prêt alors que le premier épisode de la Guerre froide, le blocus de Berlin, occupe le devant de la scène, la domine devrait-on dire. Mais Charles Malek est président du Conseil économique et social et celui-ci approuvera le document à l’unanimité. Restait à faire passer le texte au crible des 58 membres des Nations unies, représentés au sein du troisième comité de l’Assemblée générale. Celui-ci est présidé par Charles Malek, élu par vote secret, accompagnant ainsi la Déclaration, sa Déclaration, étape par étape. « L’inimitié des Grands devait se répercuter sur le processus étalant les tractations des mois durant avant que l’approbation du troisième Comité ne soit acquise sans opposition quoique avec quelques abstentions. « Restait alors l’épreuve à passer devant l’Assemblée générale. « “Épreuve”, le mot n’est pas de trop car comment une Déclaration pourrait-elle être universelle si elle devait être contrée ne serait-ce que par une partie ? « Charles Malek, désormais diplomate, n’hésitera pas à monter au créneau, expliquant la longue et pénible genèse de la Déclaration et son rôle pivot pour la protection des droits de l’homme même si elle ne devait être qu’un texte de référence. « L’Assemblée générale adoptera la Déclaration sans aucune opposition. L’abstention des pays du bloc de l’Est dirigés par l’URSS, de l’Arabie saoudite et de l’Union sud-africaine paraît aujourd’hui dérisoire pour les raisons que l’on sait. « La Déclaration, trois ans après la mort de Charles Malek, sera incorporée dans le Préambule de la Constitution de son pays au terme de la guerre qui l’avait ravagée, en reconnaissance des droits de l’individu avant tout », a rappelé M. Assaf en conclusion.
La plupart des Libanais savent que Charles Malek avait participé en 1954 à l’élaboration de la charte internationale des droits de l’homme. Par contre, rares sont ceux qui savent par exemple que Malek fera de la liberté de pensée et de croyance son cheval de bataille lors des tractations qui aboutiront à la rédaction de l’article 18 de la déclaration insistant sur la...