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Actualités - REPORTAGE

ARTS DU FEU - Nouveauté d’un périple qui a commencé pendant la guerre Après l’émail, le vitrail et le grès, les Chéhab s’attaquent au cristal

Au plus fort de la guerre, Amale et Joseph Chéhab ont donné leurs titres de noblesse à l’émail dans un pays où cet art était mal connu. Depuis, ils ne dorment pas sur leurs lauriers et s’attaquent aux différents arts du feu qu’ils nous font découvrir, l’un après l’autre. Ils ont travaillé l’émail donc, puis le vitrail, ensuite le grès. Aujourd’hui, c’est le cristal qu’ils explorent dans ce même atelier de Hadeth où les grands moments de production ont accompagné ceux d’une guerre qui n’en finissait pas. Il fallait beaucoup de courage et de cran pour maintenir un atelier d’art sur une ligne de mort. Les Chéhab et leurs employés, qui n’étaient autres que leurs voisins, n’en ont pas manqué. Ce qui avait maintenu une vie pas comme les autres dans ce quartier de Hadeth, où le danger guettait à tout moment. « La guerre nous avait obligés à faire de l’émail pendant 20 ans. C’était alors un combat pour la survie. Par la suite, nous avions considéré qu’il fallait développer différents métiers des arts du feu pour continuer dans le même esprit. » L’innovation a commencé avec les vitraux de l’église Saint-Joseph de l’USJ, puis ceux de la faculté des lettres et des sciences humaines. Les prix pratiqués à l’étranger sont tels, qu’il était plus intéressant de les fabriquer sur place. L’atelier Chéhab s’est lancé dans l’aventure. Concluante. L’expérience des vitraux acquise, ces artisans-émailleurs se tournent vers un autre produit, le grès. « Pour nous, il était impératif de nous renouveler, le marché libanais étant très étroit pour continuer avec l’émail seulement. Nous avons alors introduit cette nouvelle matière. Nous avons travaillé le grès à notre façon et non pas de manière classique. Il ne s’agissait pas de passer une peinture sur le nouveau matériau, mais c’est un grès modelé exprès avec des figures en relief, des lignes creusées, des motifs dorés à l’or fin que nous présentons... ». Et cela dure depuis quatre ans. La nouveauté Aujourd’hui, les Chéhab s’attaquent à un nouveau créneau : le cristal. « Nous sommes revenus sur l’expérience du vitrail, où nous avons appris à émailler le verre. Travaillé, ce dernier est très beau. Le verre ordinaire peut être joli, mais il a une couleur dominante bleue-verdâtre et son toucher est moins beau que celui du cristal qui, lui, est blanc, translucide et sonore. Depuis que nous explorons cette matière, nous exécutons des pièces dans l’idée de restituer un art traditionnel bien de chez nous. D’ailleurs, avant de passer à Byzance et en Europe, l’émail s’est développé ici. Et l’âge d’or arabe a vu une floraison d’ateliers de verres. La légende dit même que le verre est né à Sarafand. Les Phéniciens de cette région ont inventé le verre soufflé appelé Nidras. Pour cette nouveauté donc, nous n’en sommes qu’au début du chemin», explique Joseph Chéhab, ce perfectionniste qui connaît déjà les différents genres de cristal, leurs origines, leurs caractéristiques et qui continue ses recherches. Aussi, les Chéhab proposent aujourd’hui des assiettes (de 25 à 30 cm de diamètre) travaillées à l’ancienne, avec de l’or et de l’argent en poudre, en feuille et en liquide. Il s’agit de dessins orientaux, de motifs d’artisanat traditionnels qui peuvent être des vide-poches ou des assiettes à exposer. Des pièces très chères à l’étranger, à un prix abordable ici. « Nous introduisons des motifs locaux sans que cela ne soit folklorique », insiste l’émailleur. Pour cette nouveauté, Joseph Chéhab a confectionné un four spécial qui lui permet de cuire de grandes pièces. Il s’est également doté d’un équipement approprié. Il lui a fallu se procurer aussi un autre type d’émail que celui utilisé pour sa production habituelle. Fondre deux ou trois plaques de verre pour les faire fusionner (à 900° au moins) et avoir une belle épaisseur (le fusing) ; donner la forme désirée (le thermoformage), polir les bords, décorer et enfin cuire sont les différentes étapes de la production. Au bout de sept à huit cuissons, le cristal est transformé. « Nous avons développé un type d’assiettes rondes au début, pour les motifs traditionnels. Puis des carrées, pour du moderne qui n’est pas pour autant agressif. » Aussi, de très beaux textes d’une actualité brûlante, d’écrivains ayant vécu la naissance du Liban (Michel Chiha, Charles Corm, etc.), enrichissent certaines assiettes carrées. C’est, en somme, un message d’espoir que ce couple d’artisans essaye de véhiculer. Car Joseph et Amale Chéhab croient en une évolution positive de la situation du pays. Et cela les réconforte. La relève Ce n’est pas tout. Profitant de leurs voyages, des contacts et des échanges établis à l’occasion des Salons des métiers d’arts auxquels ils participent régulièrement en France, ils essayent d’apprendre une foule de nouveautés qu’ils mettent au service de leur art. Le principal souci de l’artisan est d’assurer la relève. Une relève qui l’obsède. Mais « apparemment, le pays ne semble pas mûr pour cela », dit-il d’un ton déçu. Se considérant uniquement artisan, il souhaite d’autre part travailler avec des artistes libanais qui créeraient pour son atelier afin de suivre le mouvement artistique du pays et développer la renaissance d’un certain artisanat libanais. Les contacts sont encore timides. En attendant, à l’atelier de Hadeth, on continue à découper le verre, polir, dessiner, peindre, saupoudrer, enfourner et s’étonner des résultats des cuissons. Sans oublier les autres techniques déjà sur rail. Maria CHAKHTOURA
Au plus fort de la guerre, Amale et Joseph Chéhab ont donné leurs titres de noblesse à l’émail dans un pays où cet art était mal connu. Depuis, ils ne dorment pas sur leurs lauriers et s’attaquent aux différents arts du feu qu’ils nous font découvrir, l’un après l’autre. Ils ont travaillé l’émail donc, puis le vitrail, ensuite le grès. Aujourd’hui, c’est le...