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Actualités - CHRONOLOGIE

Peine de mort - La campagne nationale reprend de plus belle Hoss dénonce le caractère discrétionnaire de la justice

La réhabilitation de la peine capitale au Liban continue de susciter des réactions de révolte et d’indignation au sein de la société civile. Hier c’était au tour des initiateurs de la campagne nationale contre la peine de mort de mobiliser l’opinion publique autour de ce thème, en rappelant une fois de plus les dangers d’une sanction qui ne s’apparente en rien à la justice mais qui reste dans le fond comme dans la forme « un acte de pure vengeance » qui interpelle les instincts les plus primitifs chez l’homme. À tour de rôle, avocats penseurs, militants des droits de l’homme et hommes politiques se relaieront à la tribune pour réfuter les arguments plaidant en faveur de cette sanction désormais abolie ou gelée dans plus de 112 pays. Invité d’honneur, Richard Sedillot, avocat et représentant de la coalition mondiale contre la peine de mort, a été dépêché au Liban pour soutenir les militants locaux et adresser un mot aux autorités afin de les dissuader d’autoriser d’éventuelles exécutions qui viendraient « ternir la réputation élogieuse » d’un pays dont la place et le rôle sont de « siéger auprès des États qui ont fait le choix de l’abolition, manifestant ainsi leur intention de protéger, en toutes circonstances, les libertés essentielles et d’appliquer strictement les instruments internationaux ». Reprenant une phrase célèbre de l’ancien garde des sceaux et un des pères de l’abolition de la peine capitale en France, Robert Badinter, M. Sedillot a rappelé « qu’il ne peut y avoir de justice qui tue ». « Une telle proposition porte en effet en elle-même une contradiction, souligne l’avocat, qui se demande quel État pourrait sérieusement soutenir que sa justice est infaillible et qu’en conséquence il est autorisé à mettre un terme à la vie d’un condamné ? » L’intervenant ne manque pas d’infirmer au passage les arguments qui soutiennent les effets dits dissuasifs de cette sanction, en rappelant que les États qui continuent de l’appliquer connaissent en général la plus grande violence. « Le taux de criminalité est environ dix fois moindre en Italie qu’il n’est aux États-Unis, alors que la Toscane a aboli la peine de mort en 1790 », a-t-il soutenu. Autre invité d’honneur, l’ancien Premier ministre, Sélim Hoss, qui s’était distingué, en 2000, par son refus de signer les décrets d’application de la peine capitale. Cet homme continue de militer à ce jour, en faveur de son abolition. « Qui donc accepterait même avec sa plume de contribuer à la mort d’une tierce personne », s’est demandé l’ancien chef du gouvernement. « Seul Dieu le créateur a le pouvoir de donner la vie et de l’ôter », ajoute-t-il en rappelant sa position de principe sur ce sujet. Dénonçant « l’arbitraire » qui entoure les décisions d’application de la peine capitale, M. Hoss cite les exemples de ceux qui avaient été condamnés à mort et dont la sanction avait été commuée en peine de prison à vie « pour des motifs politiques ». Et l’ancien chef du gouvernement de s’indigner contre tous ceux qui ont commis, durant la guerre, « des crimes contre l’humanité et qui continuent de bénéficier d’une impunité totale soit à cause de la loi d’armistice, ou tout simplement parce qu’il s’agit de personnes intouchables, certaines ayant même acquis des positions confortables au sein du pouvoir », a indiqué M. Hoss. Il a rappelé qu’à la suite de l’attentat dont il a été victime en 1984, qui a fait deux victimes dont son chauffeur personnel, aucune enquête judiciaire n’a été entamée depuis, consacrant une fois de plus l’aspect « discrétionnaire de la justice libanaise ». Le droit à la vie Prenant la parole à son tour, Walid Slaybi, un des pionniers de la campagne nationale contre la peine de mort, a estimé que la potence était « une triple manière pour l’État de se soustraire à ses responsabilités », à savoir celle de traiter les causes du crime, de remplir ses devoirs envers les familles des victimes, et enfin de procéder à la réhabilitation du meurtrier. « La peine de mort est la solution de facilité qui consiste à substituer une corde aux obligations de l’État », a poursuivi l’intervenant, en réitérant la nécessité d’adopter une loi qui « garantisse aux victimes des compensations au lieu de les consoler avec la potence ». Il s’agit d’une initiative que tente de concrétiser l’Association des droits humains (Haraket Houkouk en-Nass) avec l’aide de quelques députés abolitionistes. Le représentant de la branche d’Amnesty Liban, Charles Nasrallah, a critiqué à son tour l’effet prétendument dissuasif de la potence en affirmant que les 14 exécutions qui ont eu lieu sous l’ancien mandat – celui d’Élias Hraoui – n’ont pas pour autant découragé ceux qui ont commis des crimes par la suite et qui sont actuellement condamnés à mort. « Notre action n’est dirigée contre personne de particulier », a relevé à son tour le député Ghassan Moukheiber. « Elle vise simplement à défendre le droit à la vie et à une vraie justice », a-t-il dit. Et le député d’insister sur le fait que les abolitionnistes ne cherchent en aucun cas à aider le criminel à se soustraire à la justice. Au contraire, « j’œuvrerai moi-même à défendre les droits des victimes », a affirmé M. Moukheiber. Le secrétaire général de l’Association libanaise des droits de l’homme Nehmat Joumaa a schématisé la situation en disant que « le fait d’éradiquer quelques individus de la société – quelle que soit la gravité de leur crime – en les éliminant avec préméditation n’est pas la solution ». « À supposer que les condamnations à mort soient exécutées dans leur totalité, cela constituerait un véritable génocide que même les parents des victimes ne sauraient supporter », a indiqué le père Hadi Aayya, coordinateur de l’association Justice et miséricorde, une ONG d’entraide aux prisonniers. « L’abolition de la peine capitale ne signifie absolument pas la clémence », a martelé le père Hadi Aayya. Interrogé par L’Orient-Le Jour, le président de l’Institut des droits de l’homme au barreau de Beyrouth, Me Georges Assaf, a rappelé la position de l’Ordre des avocats de Beyrouth sur cette question, à savoir qu’il considère que la peine capitale « constitue le summum du traitement cruel, inhumain et dégradant, indépendamment de toute autre considération ». Je.J.

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