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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB L’affaire de tous

Ce premier éditorial de l’année n’en est pas véritablement un, puisqu’il ne traite ni du consternant état de santé de notre pauvre république ni de la Palestine, de l’Irak ou de quelque autre point chaud de l’actualité. C’est de ce journal – votre journal – qu’il va être, très exceptionnellement, question ici : question et même questions, celles-ci appelant des réponses claires tant il importe de faire un sort à toutes les interrogations, à toutes les rumeurs pas toujours innocentes qui ont circulé ces derniers temps à propos de changements intervenus dans la structure de L’Orient-Le Jour. Dans sa nature et son identité. Dans son actionnariat, ses orientations politiques et ses choix fondamentaux, dans les idéaux qu’il a toujours défendus. Tout organe de presse ne peut qu’être pénétré du rôle spécifique et singulier qu’il est appelé à jouer dans le concert des médias, car autrement quelle donc serait sa raison d’être ? Ce n’est certes pas sur ce plan-là que le journal que vous tenez en main risque d’être pris en faute. Car L’Orient-Le Jour, dont l’un des titres constitutifs va allègrement sur ses 80 ans, n’est pas seulement le doyen de la presse locale qui s’est gagné l’estime, le respect et la fidélité de plusieurs générations de lecteurs et de lectrices, de même qu’une très flatteuse reconnaissance internationale. Ce n’est pas seulement un quotidien qui, même dans les plus périlleuses des circonstances, n’a cessé de se battre afin que triomphent la vérité et le droit. Pour ses lecteurs et même pour tous les autres, pour ceux et celles qui en vivent et lui dédient leur vie, ce journal est une icône, une institution aussi précieuse, aussi essentielle que toutes celles qui, vaille que vaille, crise après crise, dérive après dérive, contribuent à faire du Liban ce qu’il est, ce qu’il doit continuer d’être : un pays de traditions démocratiques ouvert au grand large, un havre de convivialité, de diversité de langues et de cultures. Dans cet improbable paradis libanais où les plus fondamentales des institutions sont continuellement bousculées, malmenées, il serait malhonnête et bien puéril de nier les épreuves qu’a dû et que doit affronter lui aussi L’Orient-Le Jour. Sous la pression du marasme économique, le journal a dû, comme tant d’autres entreprises, procéder ces dernières années à des coupes budgétaires suivies de mesures telles que l’introduction de la règle de la limite d’âge. Que l’on se rassure cependant : contrairement aux ragots colportés un peu partout et qui ont suscité un légitime et généreux émoi parmi nos lecteurs, notre quotidien, jaloux adepte de l’autofinancement, n’a été ni revendu, ni racheté, ni renfloué par de tierces parties, même si certains rééquilibrages sont apparus au sein de son club très fermé d’actionnaires. Sa grande famille ne change ni de vocation ni de ligne politique même s’il peut très bien changer de style, comme le veut tout naturellement la loi de l’évolution. C’est dire que la restructuration de notre quotidien annoncée dans l’édition du 31 décembre 2003, si elle comporte hélas le départ à la retraite de chers et vaillants compagnons de route dont on ne saluera jamais assez le mérite d’avoir assuré une rigoureuse continuité même au plus fort de la guerre, n’est pas pour autant le coup d’État ou la révolution de palais que s’est empressé de claironner plus d’un organe d’information, décidément mal informé. Le réalisme commande certes d’appréhender le poids de certains impératifs économiques, de reconnaître qu’un quotidien ne vit pas seulement de passion et d’eau fraîche, que les prises de participation à son capital ne peuvent éternellement découler d’un esprit de mécénat. Et dans le même temps, notre condition de journalistes nous enjoint de clamer inlassablement qu’un quotidien d’information n’est pas une entreprise commerciale comme les autres. Débat vieux comme le monde, débat universel tout comme celui portant sur les influences financières et publicitaires et autres contraintes ou tentations qu’abordait récemment Le Nouvel Observateur sous le titre « La face cachée du journalisme ». Débat que seul peut trancher, en définitive, un lectorat particulièrement exigeant en termes de qualité, de transparence, d’intégrité et de crédibilité comme l’est celui de L’Orient-Le Jour. Pour son honneur, pour le nôtre. P-S : Il me reste à préciser, dans le même souci de transparence et de clarté, que, depuis près de deux ans déjà, j’avais émis le souhait d’être déchargé de la rédaction en chef que j’assumais depuis 1977, pour me consacrer essentiellement à mes chers éditoriaux, trop souvent délaissés pour des tâches plus pressantes. Plus d’un quart de siècle c’est bien long, raison pour laquelle j’ai d’ailleurs décliné le poste de responsabilité directe qui m’a été aimablement proposé ; la plus compétente des relèves était là ; et, foi de journaliste, c’est formidable de revenir à ses premières amours. I.G.
Ce premier éditorial de l’année n’en est pas véritablement un, puisqu’il ne traite ni du consternant état de santé de notre pauvre république ni de la Palestine, de l’Irak ou de quelque autre point chaud de l’actualité. C’est de ce journal – votre journal – qu’il va être, très exceptionnellement, question ici : question et même questions, celles-ci appelant...