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VIENT DE PARAÎTRE - «Lebanon Shot Twice», éditions Dar an-Nahar L’avant-après de Zaven Kouyoumdjian(photos)

L’impact de la guerre sur les gens ordinaires, ses stigmates sur les visages, les lieux, quelque vingt - trente ans plus tard, ses traces cachées derrière le changement de paysage urbain, ses fantômes qui rôdent dans l’inconscient collectif... C’est cela qu’a voulu saisir Zaven Kouyoumdjian dans un album d’images qui montre, par un jeu de photos traitées en avant-après, le vrai visage de la guerre. Avec Lebanon Shot Twice (Le Liban mitraillé deux fois) – 240 pages, éd. Dar an-Nahar –, le producteur-animateur bien connu des spectateurs de la Future TV signe un livre construit sur le même principe qu’une émission télévisée : une juxtaposition d’images qui racontent des histoires. Des histoires au goût amer, comme celle de ces cinq jeunes combattants des Forces libanaises, que l’on voie bombant le torse en 1982 et qui ne sont plus que deux, vingt ans plus tard, dont un sur fauteuil roulant ; comme celle de cette femme du camp de Sabra que l’on voie en 1986 pleurant son mari au milieu des décombres et, en 2002, toujours dans le même camp, le visage marqué à jamais par la douleur; celle de ces miliciens en cagoule exécutant un homme accusé de meurtre et vol à Bir Hassan en 1986, sur le lieu même où, en 2002, débute la construction de l’hypermarché Spinneys. Ou encore l’histoire de la blessure réouverte de ce couple du Sud qui découvre, 23 ans plus tard, la photo parue dans la presse du corps de leur fils tué par les bombardements israéliens....
Des histoires de retour à la vie : comme celle de cette jeune femme qui, en 1989, s’agrippe aux cercueils de ses deux filles en hurlant et que l’on retrouve, en 2002, plus apaisée, célébrant avec son mari l’anniversaire de leurs deux fils, nés après le drame.
Mais aussi des histoires qui portent en elles une lueur d’espoir : celles des personnes qui, dans la tourmente des événements, sont passées à un doigt de la mort, celle de cette femme que l’on voie en 1986 courant, échevelée et ensanglantée, à la recherche de ses enfants lors d’une explosion à Tarik el-Jédideh, et que l’on retrouve, heureuse et entourée des siens, seize ans plus tard....
Et puis il y a les lieux hautement symboliques : la Quarantaine, la ligne de démarcation, le pont Barbir, la région des grands hôtels, que certains témoins de la guerre ne pourront jamais voir avec les mêmes yeux que les générations qui n’ont pas connu l’horreur. Ces endroits qui cachent, sous le vernis de la reconstruction, des façades restaurées, des routes à nouveau propres et asphaltées, des souvenirs traumatisants, des visions de cauchemar.

Duos antinomiques
Sont présentés côte à côte : à droite les images, en noir et blanc, de destruction, de mort et de chaos et, à gauche, leurs corollaires en couleurs : des clichés – signés Hayat Karanouh – montrant le retour à la normale, à la civilisation, à la paix.
De ces duos antinomiques se dégage un même constat : on peut effacer les traces visibles des événements, leurs ravages n’en sont pas moins perceptibles dans un regard, les sillons d’un visage, un sourire fragile, ou encore sous les façades trop lisses des immeubles restaurés.
Dans l’introduction, Zaven raconte que cet ouvrage iconographique est né d’une interrogation qui n’a cessé de le hanter, depuis le jour où, par hasard, il est tombé sur quelques photos jaunies datant des années de guerre :
« Qu’est-il advenu de ces personnes ? Sont-elles à jamais prisonnières de ces images, ou bien en sont-elles sorties, ne laissant captive que notre mémoire collective ? »

« Des figures qui ont
accompagné mon enfance »
Ces photos « trouvées dans un carton oublié au fond du grenier de la maison familiale » étaient en fait des coupures de presse que Zaven, adolescent, collectait quotidiennement et gardait précieusement. « Pour, dit-il, tisser un lien personnel avec la guerre. Ces figures qui m’interpellaient, ces gens, anonymes et pourtant propulsés dans l’actualité, qui ont accompagné toute ma jeunesse, j’ai voulu les découvrir». Commence alors une longue période de recherches. « Dans les archives des journaux, pour essayer de retrouver l’original, la date exacte de sa parution et, si possible, les noms des gens qui y figurent », indique l’auteur. Et sur le terrain où, aidé par Karim Fakhry et Ramy Fayad, l’animateur se rend, photo à la main, parfois à l’aventure. « On frappait à toutes les portes d’un quartier, d’un périmètre, pour tenter de recueillir, sur la base de vagues informations, les traces perdues », raconte-t-il encore. Une fois les recherches abouties, c’était au tour de Hayat Karanouh de refaire, à des années d’intervalle, la même prise photographique que celle parue dans le journal durant la guerre.
Trois ans d’un patient travail de recomposition, pour donner cet album de cent photos anciennes et cent nouvelles. « Il ne s’agit pas d’un livre sur la guerre, encore moins d’un livre d’histoire », soutient son auteur. Il ne s’agit pas non plus d’un livre, au vrai sens du terme, car les textes y sont réduits au plus strict nécessaire. Mais d’un ouvrage de mémoire plutôt, où la photo est assez éloquente, pour remuer, sous les cendres, la braise du souvenir.

Zéna ZALZAL
L’impact de la guerre sur les gens ordinaires, ses stigmates sur les visages, les lieux, quelque vingt - trente ans plus tard, ses traces cachées derrière le changement de paysage urbain, ses fantômes qui rôdent dans l’inconscient collectif... C’est cela qu’a voulu saisir Zaven Kouyoumdjian dans un album d’images qui montre, par un jeu de photos traitées en avant-après,...