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ÉCLAIRAGE Proposition de loi de Salah Honein, revêtue du caractère de double urgence, pour amender l’article 68 Les députés pourront, s’ils le veulent, ressusciter légalement la MTV

Il y a sept mois, le jugement était tombé, comme un couperet, aucune porte de sortie n’avait été préservée : la MTV restera fermée. Totalement et, surtout, définitivement. Depuis, plus rien. Sauf qu’hier, Salah Honein a rallumé une toute petite flammèche d’espoir, avec sa proposition de loi, revêtue d’un caractère de double urgence, visant à l’amendement de l’article 68 de la loi électorale.
Quelques semaines avant ce jugement sans appel, le député de Baabda avait trouvé la solution imparable, qui aurait permis la réouverture immédiate du média prohibé pour des raisons clairement politiques : retirer l’affaire des mains de la justice et la déposer dans celles du Législatif. Il avait entendu le patriarche maronite, qui voulait un résultat concret « sans vainqueur ni vaincu », il avait écouté ses collègues place de l’Étoile – les baassistes, les KC, les RPC, les hezbollahis, les joumblattistes, les lahoudiens, les berryistes, les haririens et les autres – assurer jour après jour, sans se mouiller plus que cela, qu’il était « plus que nécessaire » d’amender l’article 68 de la loi électorale.
Le député de Baabda avait ainsi fait une proposition de loi visant à amender cet article 68, « avec effet rétroactif, tel que le stipule le code pénal ». Si le chef du Législatif l’avait voulu (ou pu ?), à l’époque, si cette proposition de loi avait été acceptée, l’effet rétroactif en question aurait entraîné la réouverture immédiate et inconditionnelle de la chaîne de télévision de Gabriel Murr. Mais Nabih Berry s’était engoncé dans son confortable et assourdissant silence, et le jugement définitif avait vite fait d’enlever tout espoir aux 500 familles mises au chômage forcé par l’État, et qui avaient vu dans la proposition Honein l’ultime recours. Simplement parce que l’article 3 du code pénal stipule que « toute loi qui modifie les conditions de l’incrimination dans un sens favorable au prévenu s’applique aux infractions commises antérieurement à sa mise en vigueur, sauf dans le cas où une condamnation définitive a été prononcée ».
Cela n’a pas empêché Salah Honein, membre du bloc Joumblatt et de Kornet Chehwane, de revenir, sept mois plus tard, à la charge. Pour que 500 familles puissent de nouver toucher un salaire à la fin de chaque mois et pour tenter de ressusciter, au Liban, les libertés publiques et la démocratie, galvaudées de jour en jour un peu plus. Le député a ainsi repris sa proposition de loi visant à l’amendement de l’article 68 de la loi électorale – une proposition modifiée (jugement définitif oblige) et revêtue, cette fois, du caractère de double urgence.
Que dit la proposition Honein ? Son article premier souligne que durant la campagne électorale exclusivement comprise entre la convocation dominicale des électeurs et le déroulement des élections jusqu’à l’annonce des résultats définitifs, l’ensemble des médias audiovisuels ainsi que la presse écrite non politique n’ont absolument pas le droit de faire de la publicité électorale pour tel ou tel candidat. Et s’ils passent outre, ils risquent une interdiction de diffusion ou de parution pendant trois jours au maximum, sur décision du tribunal des imprimés. L’article 2 de la proposition Honein concerne les jugements prononcés avant l’entrée en vigueur de la loi, et qui ont imposé à un média donné une fermeture dont la durée n’a pas été déterminée. « Cette durée ne doit pas dépasser le mois, à partir de la date de fermeture décidée par le tribunal », dit l’article 2.
Dans son exposé des motifs, le député de Baabda évoque d’abord le préambule de la Constitution : « Le Liban est une république démocratique parlementaire, basée sur le respect des libertés publiques, à commencer par la liberté d’opinion... » Il s’intéresse ensuite à l’article 13 de la Loi fondamentale : « La liberté d’opinion – que celle-ci soit orale ou écrite –, la liberté d’imprimer, la liberté de se regrouper et de créer des associations sont toutes garanties dans le cadre de la loi. » Salah Honein rappelle ensuite que la sanction se doit d’être proportionnelle à la faute commise : « On ne condamne pas à mort un voleur, par exemple », précise-t-il, avant de souligner que la fermeture totale dont parle l’article 68 « ne signifie aucunement une fermeture définitive ». Pour preuve, le député cite l’article 35 de la loi sur l’audiovisuel, « qui ne fait absolument pas état d’une sanction dont écoperait un média et dont la durée ne serait pas prédéfinie ». Enfin, le député remet au bon souvenir de tous que les pouvoirs au Liban ont une mission fondamentale : « protéger le citoyen, ses libertés, et assurer son quotidien ». Ce qui veut dire qu’il serait totalement inadmissible qu’un pouvoir, quel qu’il soit, « puisse disposer à sa guise du revenu de plusieurs centaines de Libanais ».
La proposition Honein, revêtue du caractère de double urgence, a été inscrite au secrétariat de la Chambre. Elle doit être en principe examinée au cours de la prochaine séance parlementaire plénière, prévue – toujours en principe – fin mars, après le débat budgétaire. À condition, bien entendu, que Nabih Berry ne décide, d’une façon ou d’une autre, de conserver cette proposition dans les tiroirs de la place de l’Étoile, ad vitam aeternam. Ou qu’« on » ne lui « conseille » de le faire. Sauf que pour aller jusqu’au bout, pour contribuer à la résurrection des libertés publiques et permettre à des centaines de personnes de retrouver un travail, la proposition Honein a besoin non seulement d’un indispensable battage et lobbying médiatico-populaire, mais aussi, et surtout, de la bonne volonté des décideurs – fussent-ils libanais ou syriens. Les députés trouveront là une belle (et rare) occasion d’assumer – devant les écrans de télévision, devant celles et ceux qui les ont élus – leurs responsabilités – à commencer par le premier d’entre eux, qui se mêle depuis des années, sans même plus se cacher, bien plus d’Exécutif que de Législatif.
En votant cette proposition, entre autres, ils prouveraient qu’ils sont capables de faire autre chose que d’assister à des enterrements et à des mariages, autre chose que d’approuver des projets de loi élémentaires à la simple marche d’un pays. Sans compter qu’ils auront de nouveau une antenne de plus – ultrapopulaire – pour faire les paons de pacotille.

Ziyad MAKHOUL
Il y a sept mois, le jugement était tombé, comme un couperet, aucune porte de sortie n’avait été préservée : la MTV restera fermée. Totalement et, surtout, définitivement. Depuis, plus rien. Sauf qu’hier, Salah Honein a rallumé une toute petite flammèche d’espoir, avec sa proposition de loi, revêtue d’un caractère de double urgence, visant à l’amendement de...