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Opposition - Retrouvailles sous le signe de la liberté au siège d’une fondation créée par Selmane Samaha Habib Younès signe son dernier ouvrage écrit entièrement en prison

Vendredi en soirée, Habib Younès, ancien secrétaire de rédaction du quotidien « al-Hayat », arrêté à l’issue de la rafle d’août 2001 et condamné à 15 mois de prison, a signé son recueil « Travail de prisonniers » (Cheghel Mahabis) dans les locaux d’une nouvelle fondation baptisée « Homme et liberté ». Cet organisme a été récemment créé par Selmane Samaha, ancien responsable estudiantin FL, arrêté lui aussi au cours de la rafle du 7 août et emprisonné durant 4 mois.

Le choix du lieu qui abrite désormais le siège de la fondation et qui a accueilli l’événement était hautement symbolique. C’est à Antélias, dans les anciens locaux où les militants estudiantins FL avaient l’habitude de se réunir et où ils avaient été arrêtés, il y a presque deux ans et demi, que Younès a signé son livre. Ces mêmes locaux avaient été placés sous scellés durant plus de deux ans – jusqu’à l’été dernier – avant qu’ils ne soient restitués à Samaha.
L’événement de vendredi avait mobilisé bien du monde. Il a été l’occasion de retrouvailles qui ont regroupé différents représentants de l’opposition, notamment l’ancien président de la République, Amine Gemayel, le chef de l’opposition Kataëb, Élie Karamé, l’ancien conseiller du chef des FL dissoutes Samir Geagea, Toufic Hindi, l’ancien député et ministre Edmond Rizk, l’un des représentants des FL au Rassemblement de Kornet Chehwane, Farid Habib, l’ancien candidat aux législatives de Baabda-Aley, Assaad Abi Raad, et Farid el-Khazen, membre du Rassemblement de Kornet Chehwane.
Étaient également présents d’anciens prisonniers, arrêtés eux aussi le 7 août 2001, notamment Élie Keyrouz, responsable FL pour le caza de Bécharré, et Tony Harb, responsable estudiantin au sein du mouvement aouniste. Le père Élie Nasr, chargé des aumôneries des prisons au Liban, n’a pas manqué le rendez-vous. C’est que Habib Younès a surtout pensé à ses anciens camarades de cellule en éditant son recueil. Le produit des ventes de son ouvrage, écrit en libanais et contenant 1 258 poèmes rédigés en 459 jours de détention, ira aux prisonniers, notamment ceux de Roumieh.
C’est notre collègue d’an-Nahar, Marlène Khalifé, qui a présenté la cérémonie.
Prenant la parole, Selmane Samaha a indiqué que la fondation, qui vient de voir le jour, est l’essence et l’âme de la cause libanaise, « une cause pour laquelle des milliers de personnes ont lutté et se sont sacrifiées, parmi elles le président martyr Béchir Gemayel et le chef des FL Samir Geagea ». Les changements effectués donc dans ces locaux, qui ont abrité au cours des années précédentes les réunions des militants FL et qui deviendront le siège de l’association Homme et liberté, « relèvent uniquement de la forme », a-t-il dit, ajoutant que « la foi que nous avons, les buts que nous nous sommes fixés et notre engagement restent les mêmes ».
Samaha, qui s’est demandé « comment peut-on regarder vers l’avenir sans s’inquiéter », a évoqué la rafle du 7 août, notant : « Notre présence pour l’événement ce soir prouve que nous avons toujours la même volonté, nous ne perdrons jamais espoir. »
À L’Orient-Le Jour, l’ancien responsable estudiantin a indiqué que « la fondation qui devrait, entre autres, parrainer des recherches et organiser des congrès ne constitue pas un paravent à une autre activité ». « Elle ne forme pas un nouveau mouvement politique et ne remplace en aucun cas les Forces libanaises », a-t-il ajouté.
C’est ensuite Kozhaya Sassine, poète, qui a pris la parole. Il a présenté Habib Younès, indiquant que « depuis qu’il avait 15 ans et jusqu’à la date de son arrestation, le journaliste n’avait écrit que 500 poèmes. En quinze mois de détention, Younès a rédigé 1 258 poèmes ».
Rendant hommage à Younès, Edmond Rizk a, pour sa part, indiqué que « le journaliste a refusé d’avoir peur, faisant fi de toutes les pressions et menaces ». Soulignant qu’à « chaque réunion de ce genre, il rencontre beaucoup d’anciens détenus », il a souligné « la nécessité de mettre de côté les rivalités pour laisser vaincre la cause pour laquelle Habib et les autres ont été emprisonnés ».
C’est ensuite Habib Younès qui a pris la parole. Ses quinze mois de détention et tous les changements qui en ont découlé, notamment la mort de son père et la perte de son emploi, n’ont pas eu raison de la volonté, des rêves et surtout des convictions du journaliste, qui n’est autre qu’un « militant de la liberté », comme il l’a bien expliqué dans le message qu’il a adressé aux personnalités présentes.
Ayant préservé la sensibilité des artistes malgré la dureté des geôles, Younès croit toujours en une certaine image du Liban et... à ce rêve absolu de liberté qui l’a poussé à rédiger en prison le millier de petits poèmes qu’il vient de publier.
Pour les hommes de la trempe de Habib Younès, écrire est un moyen de survivre à tout : à la perte d’un proche, aux clés des geôles, au temps qui passe au ralenti dans une cellule, à l’humiliation de la prison... à l’injustice surtout.
Écrire est aussi une façon d’être présent auprès de ceux qu’on aime, mais que les barreaux d’une geôle éloignent inéluctablement. Dans son recueil Younès a dédié des poèmes à ses proches, ses amis, son épouse Mireille et sa fille Lynn. D’ailleurs, au cours de la cérémonie, la fillette âgée actuellement de 7 ans n’a pas quitté son père même quand ce dernier s’est mis à la tribune.
Dans son message, Younès a souligné l’importance historique d’Antélias avec son pacte entre les chrétiens et les druzes et qui est « devenue le 7 août 2001 un autre chemin de croix pour les militants aounistes et FL ». Rappelons dans ce cadre que les militants des deux mouvements avaient été encerclés le 7 août en soirée dans leurs bureaux de rassemblement respectifs, situés dans cette localité, avant d’êtres conduits dans divers lieux de détention.
Younès a également rendu hommage à Samaha se souvenant que le militant FL « avait déclaré au juge “je veux qu’on mette fin aux poursuites dont je fais l’objet afin que je puisse poursuivre mon combat” ».
Et évoquant son ouvrage, il a donné lecture de quelques poèmes, soulignant que le recueil n’évoque que « l’homme qui est né libre ».
À L’Orient-Le Jour, Habib Younès a indiqué qu’au cours de ses mois de détention et après sa libération, il « n’a jamais broyé du noir ». « Je suis un résistant et je refuse de perdre espoir », a-t-il dit. À la question de savoir ce qu’il pense de tous ceux qui défendent verbalement la liberté sans rien faire sur le terrain, oubliant même la rafle du 7 août, il a indiqué que « la liberté ne devrait pas se résumer à des événements et des discours, c’est une lutte continue... C’est ainsi que moi-même je vois les choses ». « Le plus important consiste à ce que tout le monde réussisse à vaincre sa peur. Moi je l’ai fait », a-t-il souligné en conclusion.
L’une des salles du siège de la fondation Homme et liberté portera le nom de Ramzi Irani, militant FL enlevé et assassiné en mai 2002.

Patricia KHODER
Vendredi en soirée, Habib Younès, ancien secrétaire de rédaction du quotidien « al-Hayat », arrêté à l’issue de la rafle d’août 2001 et condamné à 15 mois de prison, a signé son recueil « Travail de prisonniers » (Cheghel Mahabis) dans les locaux d’une nouvelle fondation baptisée « Homme et liberté ». Cet organisme a été récemment créé par Selmane Samaha,...