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L’idylle interprésidentielle sous étroite observation

La rencontre à Baabda entre les présidents Lahoud et Hariri semble augurer de concertations cycliques. Ce qui renforcerait l’harmonie au sein du pouvoir. Mais, échaudés par d’innombrables ratages de trêves, les professionnels restent circonspects.

D’autant que les rendez-vous entre les deux têtes de l’Exécutif s’organisent généralement suivant les besoins de l’heure. Et ne sont pas réguliers comme le tête-à-tête hebdomadaire traditionnel, mettant en présence le chef de l’État et le président de la Chambre. Ou encore ce dernier et les députés. Dans le meilleur des cas, le président de la République et le chef du gouvernement se voient en aparté pendant quelques minutes avant le Conseil des ministres, pour orchestrer les débats. Comme pour éviter des heurts sur certains points. On décide alors, généralement, de geler les sujets qui peuvent fâcher. C’est ce scénario prudent qui prévalait sous nombre de régimes précédents.
Du temps du président Chéhab, fait connu, des ministres consultaient le cabinet du président de la République avant les séances. Pour savoir quelle attitude adopter par rapport à diverses questions appelées à être traitées. Mais cet automatisme d’alignement n’a plus lieu d’être. Du moment que la décision exécutive n’est plus aux mains de la présidence de la République. Ni même aux mains de la majorité des ministres, mais ailleurs. Tandis que les divisions et les querelles déchirent les gens du pouvoir libanais, livrés dès lors à de perpétuels arbitrages extérieurs au pays.
Quoi qu’il en soit, des sources dûment informées affirment avoir de bonnes raisons de croire que la lune de miel va durer cette fois au moins jusqu’à la clôture de la session parlementaire du printemps, fin mai. C’est-à-dire jusqu’au lancement de la campagne pour la présidentielle. Le répit semble garanti, car les Syriens ont mis la pression maximale. Sous leur égide, les dirigeants se sont entendus sur deux reports politiques essentiels : le changement de gouvernement et la lutte autour de la présidentielle. L’accord va pour ainsi dire de soi, dans la mesure où les empoignades sont inutiles. Car ni le départ des Trente ni le choix pour la présidentielle ne dépendent des jouteurs locaux. Donc, pour le moment, le président Hariri a la satisfaction de savoir que son équipe ne risque pas d’être déboulonnée tout de suite. Le régime de son côté peut regarder la reconduction comme une perspective qui garde ses chances. Dès lors, les frictions ne peuvent servir qu’à affaiblir l’un ou l’autre camp. Alors que l’harmonie retrouvée renforce la crédibilité du pouvoir dont ils participent. Quant aux décideurs, ils ont le temps de voir venir. Pour le moment, leurs priorités sont ailleurs.
Elles sont notamment centrées sur les pressions US. En dépêchant à Damas une importante délégation de parlementaires (quatre républicains et quatre démocrates), le jour même où le président Bush donnait corps au Syria Accountability Act, Washington montre clairement qu’il entend manier en même temps le bâton et la carotte. Imposer un début de sanctions et négocier. Or les Syriens, relève-t-on à Beyrouth, sont passés maîtres dans l’art de parer les coups, et d’obtenir par contre des avantages certains. Le président Assad souligne dans ses différentes interviews qu’il veut garder ouverte la porte du dialogue, même à l’ombre du Syria Accountability Act. Une loi qu’il se contente de qualifier d’« entrave à la coopération ». Un propos mesuré qui se justifie par le fait que, dans la réalité concrète, tout dépendra du contenu que le président Bush voudra donner à ces dispositions.
Le dossier irakien ne pose pas trop de problèmes entre Washington et Damas. Un arrangement semble facilement réalisable dans ce domaine, surtout après la capture de Saddam Hussein. Des efforts pourront être accomplis pour mieux freiner les infiltrations, et le trafic d’armes, à partir du territoire syrien. Ainsi que pour contrôler les fonds irakiens déposés en Syrie.
Pour ce qui est du conflit israélo-arabe, rien ne prouve, souligne un officiel libanais, que la Syrie finance des organisations armées. Auxquelles elle peut apporter un soutien politique, dans le cadre de la lutte pour la libération et la paix. En tout cas, Damas a fermé les bureaux des organisations palestiniennes, dont le rôle était d’ailleurs purement informationnel.
En ce qui concerne le Hezbollah, dont les USA exigent le désarmement, la Syrie répond qu’elle appuie toute résistance légitime qui se bat localement pour la libération d’un sol occupé. Elle ne soutient aucune action planifiée à l’extérieur. Répétant que l’appui accordé au Hezbollah est d’ordre uniquement politique.
Quant au retrait de ses troupes du Liban, la Syrie estime que c’est une question bilatérale qui ne concerne aucune tierce partie. L’État libanais a répété maintes fois avoir toujours besoin de la présence militaire syrienne. La qualifiant de « légale, nécessaire et provisoire ». La stabilité a été assurée pendant des années grâce au concours syrien, assurent les responsables libanais. Qui ajoutent qu’on ne sait ce qui se passerait, sur ce plan, en cas de retrait. D’autant qu’il faut compter avec le problème des réfugiés palestiniens et avec le maintien de l’occupation d’une partie du territoire par Israël.

Émile KHOURY
La rencontre à Baabda entre les présidents Lahoud et Hariri semble augurer de concertations cycliques. Ce qui renforcerait l’harmonie au sein du pouvoir. Mais, échaudés par d’innombrables ratages de trêves, les professionnels restent circonspects.D’autant que les rendez-vous entre les deux têtes de l’Exécutif s’organisent généralement suivant les besoins de...