Rechercher
Rechercher

Actualités

Pour ou contre la peine de mort : controverse tronquée Un débat d’idées ? Plutôt un problème de société.


On pourrait croire que la controverse sur les exécutions capitales (de capita, tête) remonte aux philosophes grecs, qui ont tout inventé ou presque. Mais non, elle est toute fraiche, pour ainsi dire, deux siècles et demi à peine. Un produit de l’effervescent siècle des Lumières. Qui a débouché sur la Terreur et sur la guillotine. Comme quoi il faut se méfier des effets pervers du progrès.
Pendant six millénaires, donc, l’humanité ne s’est pas posé la question. Toutes les religions, les monothéistes comme les autres, reconnaissent à la collectivité le droit de tuer la mauvaise graine. Au nom de l’absolu ? Non, au contraire, en vertu d’un sens inné, instinctif, animal (d’anima, âme vivante) de la relativité. Parce que nous avons été des dizaines, pujis des centaines de millions et enfin des milliards. Que nous passons sur terre comme fleurs au vent quelques rares instants. Privilège miraculeux qu’il faut défendre à tout prix. Qu’il n’est pas important, dès lors, de savoir qui va s’anéantir en premier, ou gagner l’éternité. Autrement dit, aux yeux des religions comme des foules, la peine de mort pour quelques-uns, c’est le droit à la vie pour tous les autres.
Les civilisés, quant à eux, sont abolitionnistes, tout comme pour l’esclavage. Ils sont tellement contre le couperet fatal qu’ils en oublient le culte qu’ils vouent, par ailleurs, à leur déesse démocratie. L’on a vu ainsi en France, en 81 sous Mitterand et Badinter, les députés voter à 81 % la suppression de la peine de mort. Contre l’avis de 81 % des Français qui les avaient mandatés !
On peut, tout de suite, rebondir sur cet élément récent, pour relever que sans trop s’en aperçevoir, la France changeait ainsi, paradoxalement, de way of life. Finis aussi bien les exécutions dans l’aube blafarde que le béret, le petit coup de calva sur le zinc d’un bistrot, la pipelette ou le cordon à tirer pour rentrer chez soi, au cinquième d’un immeuble sans ascenseur.
Pour autant, les pays abolitionnistes (la moitié de la planète, pas plus) ne sont pas plus modernes que les tranchants. Les uns et les autres présentent grosso modo un même tableau statistique de criminalité. Ce qui tend à prouver que les arguments en faveur ou contre l’exemplarité, l’efficacité dissuasive de la peine de mort, ne sont que bulles de savon. Encore que, à la thèse qui soutient que dans les pays tueurs les récidives criminelles sont plus nombreuses, on peut répondre qu’on voit mal comment un assassin qui passe à la trappe (royaume du silence) peut récidiver.
Cela dit au titre du simple plaisir de discuter. Car, répétons-le, ces échanges de bonnes ou mauvaises raisons sont tous, d’un côté comme de l’autre, pire qu’erronés : vains, parfaitement vains.
L’essentiel est de tenter de deviner ce qui convient le mieux, à une époque déterminée, à une société déterminée. Ce n’est pas toujours facile. Ici même, l’on reste assez perplexe face à des nécessités totalement contradictoires. Si l’on prend en compte la mentalité (fondement véritable de la soi-disant éthique, simple résultante de conventions sociétales), les exécutions se justifient comme moyen de régulation collective. Mais, toujours du côté de la mentalité, qui est ce qu’elle est, la peine capitale n’a de sens que dans la stricte mesure où elle reflète l’existence d’un État. Or l’autorité du nôtre, qu’il abatte ou qu’il absolve, fera toujours sourire.
Alors autant laisser courir que faire mourir.

Jean ISSA
On pourrait croire que la controverse sur les exécutions capitales (de capita, tête) remonte aux philosophes grecs, qui ont tout inventé ou presque. Mais non, elle est toute fraiche, pour ainsi dire, deux siècles et demi à peine. Un produit de l’effervescent siècle des Lumières. Qui a débouché sur la Terreur et sur la guillotine. Comme quoi il faut se méfier des effets...