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Autorité - Sur 33 condamnés à mort, 31 pourraient être exécutés L’État semble prôner la sécurité par la potence

L’effort de réhabilitation de l’autorité de l’État est aussi général que spectaculaire, impressionnant. Après l’opération coup de poing contre la délinquance-moto, après les rafles monstres antidrogue et anticrime organisées dans la Békaa, après l’arrestation de l’ancien ministre Ali Abdallah, la justice envisage de dressser de nouveau les potences. Au pluriel, avec plusieurs charrettes. Sous Élias Hraoui, la république renaissant de ses cendres de guerre avait voulu frapper les esprits, au titre de l’argument de l’exemplarité et non moins de 14 criminels avaient été pendus. Cela après plusieurs années de suspension, la dernière exécution remontant au début des années quatre-vingt. Il s’agissait d’Ibrahim Tarraf, qui avait poignardé puis dépecé une veuve et son fils. Il avait connu son heure dernière en public, dans le jardin des Arts et Métiers. Lors de l’avènement du présent régime et du dernier gouvernement Hoss, il y avait eu litige, le président du Conseil refusant de signer l’arrêté concernant deux coupables. En avançant une objection d’ordre religieux, car à son avis personnel seul le Tout-Puissant peut disposer d’une vie humaine.
Aujourd’hui, 31 condamnés à mort sur 33 risquent sérieusement leur tête. En effet, la commission des grâces, issue du Conseil supérieur de la magistrature, vient de parachever l’examen de tous les dossiers qui lui sont soumis. Dont certains dorment depuis plus de cinq ans. Elle a ratifié en pratique tous les verdicts. La commission a été réactivée par le président du CSM, Tanios Khoury. Dès qu’il avait été nommé, ce magistrat avait alerté le président de la République et le ministre de la Justice sur le fait qu’on ne pouvait laisser en suspens une question aussi capitale, c’est le mot. Khoury avait souligné qu’il est en tout cas inhumain de laisser les condamnés, qui sont isolés dans des cellules, croupir dans l’incertitude de leur sort, au point que certains en deviennent fous, en perdent le boire et le manger. L’on a dès lors dépoussiéré les dossiers et les juges ont mis les bouchées doubles, se réunissant pratiquement tous les jours. En prenant acte, dans chaque cas, des recommandations formulées réglementairement par le parquet. Une fois les résolutions arrêtées, elles ont été, tout aussi réglementairement, communiquées au ministère de la Justice, pour qu’il les transmette aux hautes autorités. On sait en effet que le droit de grâce est détenu par le chef de l’État. Qui peut ou non prendre en compte l’avis de la commission des grâces. Avis, répétons-le, défavorable à la commutation de la sentence létale dans 25 cas sur 28. L’on va en principe procéder par fournées successives, étalées pour plusieurs semaines. Il n’est pas exclu que le chef de l’État veuille exercer son droit de grâce dans de nombreux cas. Il reste que, selon des sources judiciaires, les affaires qui ont provoqué un choc profond dans l’opinion vont passer en premier dans les jours à venir.
– En tête des condamnés qui ne bénéficient pas de la clémence de la commission, se trouve Ahmed Ali Mansour, qui avait assassiné huit de ses collègues de la Caisse des indemnités des écoles, à l’Unesco, le 31 juillet 2002. Ses malheureuses victimes étaient Maroun Nasr Touma, Maria Tabet, Huguette Féghali, Rachel Rahmé Saadé, Moussa Choueiri, Carlos Salamé, Sleiman Jamous et Sakina Morcos. Il avait blessé quatre autres personnes. Plus tard, traduit devant la Cour de justice, il avait été condamné à mort, à l’unanimité des juges.
– Le deuxième cas pendable est celui de Badih Walid Hamadé, alias Abou Obeyda. Le 11 juillet 2002, ce repris de justice traqué par les forces régulières avait abattu, dans les parages du camp de d’Aïn el-Héloué, trois militaires, le caporal Ali Hamzé, le sergent Radwan Melhem et le soldat Ali Saleh. Hamadé avait été condamné par le tribunal militaire présidé par le général Maher Safieddine, jugement confirmé par la Cour de cassation militaire présidée par le juge Torbey Rahmé.
– Le troisième condamné qui risque d’être exécuté est le conscrit Fadi Ahmed Maraach qui, le 17 octobre 1998, avait brûlé vive une adolescente de 15 ans, Aïcha Mohammed Aïcha. Après l’avoir séduite, en lui promettant le mariage, il l’avait arrosée d’essence et y avait mis le feu au lieudit Horeyché, près du couvent de Balamand, dans le Nord. Dont la Cour d’assises l’avait condamné à mort, sentence confirmée en cassation, à l’unanimité.
– Le quatrième crime qui rend son auteur passible de la potence est celui commis, à Zahlé, par Rami Antoine Zaatar. Il avait tué, après les avoir dévalisés, trois convoyeurs de fonds relevant de la Défense civile, qui venaient de percevoir auprès de la Banque centrale de Beyrouth la paie de leur section. En tout, 500 millions de livres libanaises. Zaatar s’était enfui en Australie mais avait été retrouvé.
– Jamal Dib Amine a été pour sa part condamné à mort pour avoir tué sa fille Wafa à Wadi Aba, dans les environs de la localité, au Sud, le 12 octobre 1999. Il l’avait égorgée. Écopant ensuite de la plus lourde des sentences parce que son crime n’était pas d’honneur, comme on dit, mais bel et bien crapuleux. En effet, le mobile de Jamal Amine était de faire main basse sur les 170 millions de livres libanaises et sur les bijoux que Wafa possédait. Il s’était débarrassé du cadavre en le jetant dans un ravin, où les bêtes avaient dévoré le corps.
– Le sixième cas dit prioritaire est celui de Abdo Béchir Achkar, qui avait égorgé Nawaf Ahmed Mohammed au Akkar. Les autres condamnés dont le recours a été rejeté par la commission des grâces sont le Syrien Merhef Bsiss, Midhat Ahmed, Maher Hussami, Yahia Rayess, le sous-officier Milad Mansour, Ahmed Chreyfi, Élias Gergi Habr, Mohammed Abara, Wissam Ali, Zein el-Abidine Janibeyn, Vasken Markarian, Kassem Kobeyssi, Ali Kaddour, Khaled Zaarour, Mohammed Ali et sa maîtresse sri-lankaise Layla Balkakachi, Ghazi Badr, Midhat Khalil, Noureddine Daoud.
Par contre, la commission des grâces recommande la commutation de la peine capitale en travaux forcés à perpétuité, par suite de circonstances atténuantes, pour Idriss Mohammed Chayeh, meurtrier d’Ibrahim et d’Amira Abou Hamdane dans la Békaa-Ouest. Même mansuétude relative pour Mahmoud Rida Yassine, qui avait poignardé Fatmé Khalil, à la suite d’une dispute d’ordre matériel, en 1994, il y a déjà neuf ans.
Il reste à signaler que la Cour de cassation est saisie à l’heure actuelle de 29 autres cas de condamnations à la peine de mort rendues par les cours d’assises.

Bahjat JABER
L’effort de réhabilitation de l’autorité de l’État est aussi général que spectaculaire, impressionnant. Après l’opération coup de poing contre la délinquance-moto, après les rafles monstres antidrogue et anticrime organisées dans la Békaa, après l’arrestation de l’ancien ministre Ali Abdallah, la justice envisage de dressser de nouveau les potences. Au pluriel,...