Ouverture donc avec l’éblouissant Mihai Francu interprétant le concerto pour violon et orchestre en ré majeur de Johannès Brahms. Trois mouvements pour une œuvre dédiée à Joachim, virtuose en son temps qui fit parler et chanter le violon comme personne. Tout en sachant que le violon n’est pas l’instrument de prédilection de ce compositeur originaire des bords de l’Elbe et qui émigra jusqu’au Danube, ce concerto pourtant d’une grande richesse et beauté sonore, fut traité avec quelque condescendance par le public et la critique. Mais c’était oublier le génie de Brahms et l’avant-gardisme d’une harmonie qui avait besoin du temps pour triompher. Aujourd’hui, ce concerto est applaudi partout et les violonistes le programment pour ses solis permettant bavoure, maestria et chromatisme de haute voltige violonistique. Lyrique, ornée, chargée de toutes les impétuosités et rêveries romantiques, cette œuvre à la poésie ardente et dense où s’expriment une vive agitation, passion, angoisse et élans irrépressibles, est une ample narration grave, mélancolique parfois même majestueuse. Une narration où l’archet et l’orchestre ont un dialogue permanent et chatoyant, avec indubitablement une corde mettant en valeur toutes les ressources du violon. Et Mihai Francu, sabrant sans coup férir les notes sagement et prestement pincées, a absolument joué comme un dieu. Jeu magnétique, expressif, sans faille. En bis, devant un auditoire subjugué et en délire, par ce soliste exceptionnel, des Variations paganiniennes. Avec, comme un charme insoutenable, une touche (que l’on nous passe l’expression) une formidable « patte » paganinienne… Les yeux clos, la cadence, les sanglots, les rires, la vibration, la voix même du violon a ici une résonance d’une singulière éloquence.
En seconde partie, après l’entracte, voilà que, orageux et chargés de flocons de neige, soufflent les vents du Nord avec la Symphonie n°2 en ré majeur de Jean Sibelius. Loin des préoccupations et des vanités nationales qui ont pourtant empreint une œuvre entière, et tout en gardant présent un certain esprit de la terre nordique, cette symphonie de Sibelius, écrite lors d’un séjour en Italie, marque une certaine libération dans l’inspiration de ce compositeur farouchement finlandais. Quatre mouvements pour dire, dans un désordre presque dyonisiaque, toute la richesse d’une écriture portée ici jusqu’aux paroxysmes et emphases d’un Tchaikovski. Et ce n’est guère hasard si l’on évoque l’ombre du musicien russe car Sibelius, à cette époque, fut un fervent admirateur de celui qui savait réveiller, avec tant de tact et de grâce, les « belles au bois dormant »… Passage saisissant de beauté avec un basson défiant la mort au château de Don Juan pour se perdre à nouveau dans des paysages splendides et presque sauvages où la nature est d’une force écrasante. Exaltée, grandiose, d’un buccolisme parfois outrancier, cette symphonie habitée par les tempêtes glaciales nordiques, pas tout à fait conventionelle pour l’époque et peu au goût des auditeurs au début du siècle dernier, mit aussi du temps à triompher de par le monde. On l’écoute aujourd’hui en savourant ses tempi accélérés, ses phrases exubérantes marquées au second mouvement par les pizziccati obstinés du violoncelle, les cîmes coruscantes de son vivacissimo foisonnant et surtout son finale fastueux et retentissant qui clôture l’ensemble en véritable apothéose.
Edgar DAVIDIAN
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