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Environnement - Une campagne nationale lancée par plus de 75 ONG Le Conseil des ministres entérine la gestion des déchets par caza

Le gouvernement a-t-il adopté hier un plan « réaliste » pour le traitement des déchets, ou baigne-t-il en pleine confusion comme l’assurent certains, notamment les ONG qui ont lancé hier une campagne en faveur d’une gestion efficace de ce dossier ? Après les multiples protestations déclenchées par un premier plan, préparé par le comité technique regroupant les diverses parties intéressées, et qui prévoyait sept décharges sanitaires et treize stations de transfert des ordures, le Conseil des ministres avait chargé, jeudi dernier, une commission ministérielle d’étudier le dossier. Celle-ci a recommandé que chaque caza s’occupe de ses déchets, et que des décharges soient donc prévues dans chacun d’entre eux. Beyrouth, trop densément peuplée, devra distribuer ses ordures sur les autres décharges, en attendant une solution qui lui sera propre. L’incinération n’est pas écartée.
Ce faisant, la commission a totalement bouleversé le plan initial proposé par le comité technique, vu l’impasse dans laquelle s’est trouvé le gouvernement après les protestations quasi-systématiques dans les régions choisies pour accueillir des décharges. Mais le nouveau plan de découpage par caza est-il mieux étudié que le précédent ? Les autorités ne se cantonnent-elles pas dans l’improvisation, prenant des décisions d’urgence alors qu’elles ont gaspillé un temps précieux à éviter le vrai débat ? D’aucuns pensent que c’est le cas et que des décharges aussi nombreuses risquent de transformer le Liban en un grand dépotoir si ce nouveau plan, qui prévoit le compostage des déchets organiques et le recyclage de plusieurs produits, n’est pas rigoureusement appliqué. Pour les sceptiques, les mauvaises expériences passées semblent le confirmer.
Le Conseil des ministres a donc entériné hier les recommandations de la commission ministérielle. Le ministre Jean-Louis Cardahi, qui faisait partie de la commission, explique que « le comité technique a trois semaines pour soumettre un plan complet correspondant aux recommandations ». La décision finale « doit être prise avant la fin de l’année, ou au plus tard le 4 janvier », poursuit-il.
M. Cardahi souligne que le découpage par caza ne sera pas systématique, mais sera surtout adopté dans les régions les plus peuplées, comme le Mont-Liban notamment. Ces décharges seront accompagnées d’usines de compostage et d’un système de tri. Un tel plan ne risque-t-il pas de généraliser la pollution ? « Avec le compostage, le tri et le recyclage, il ne parviendra à la décharge qu’une proportion de 20 % des déchets », estime le ministre.
Mais il paraît qu’un tel revirement ne fait pas l’unanimité au sein du Conseil des ministres, puisque certains se plaignent des coûts supplémentaires que génèrera l’adoption d’un tel plan, même s’il devait résoudre le problème social.

Demander des comptes et exiger la transparence
Les tergiversations de l’État ont été taxées de pur cafouillage par un groupe de plus de 75 associations civiles, écologiques et sociales, qui ont lancé hier une campagne nationale en faveur de l’adoption d’une stratégie de traitement des déchets ménagers, en collaboration avec une organisation internationale pour les alternatives à l’incinération, GAIA. Au cours d’une conférence de presse tenue hier au siège de l’Ordre de la presse, en présence d’Akram Chehayeb, président de la commission parlementaire de l’Environnement, et Mohammed Baalbacki, président de l’Ordre, les ONG ont revendiqué la mise au point d’une véritable stratégie nationale pour le traitement des déchets, davantage de transparence de la part des autorités et une enquête sur les abus passés.
C’est Habib Maalouf, président du Comité libanais de l’environnement et du développement, qui a prononcé un mot au nom des dizaines d’associations représentées dans le cadre de la campagne. M. Maalouf a considéré que « c’est l’absence d’une telle stratégie globale qui a mis le gouvernement dans l’impasse ». Il a mis les recommandations de la commission ministérielle, ainsi que la suggestion d’un incinérateur pour Beyrouth, sur le compte de « l’improvisation ».
Par ailleurs, M. Maalouf a réitéré l’exigence de transparence des ONG, qui « demandent à prendre connaissance des cahiers des charges avant leur adoption ». Il s’est d’ailleurs demandé « pourquoi le Conseil du développement et de la reconstruction a signé un contrat de gré à gré avec un bureau de consultants pour la rédaction du cahier des charges » pour le contrat avec la (ou les) compagnie(s).
Une des principales requêtes des ONG dans le cadre de cette campagne porte sur l’ouverture d’une enquête sur les abus dans la gestion passée de ce dossier, tel que l’a exprimé leur porte-parole. « Il faut enquêter sur le gaspillage qui a eu lieu lors de la mise en application du plan d’urgence dès 1997, avant de payer les indemnités à la compagnie », a-t-il soutenu, faisant référence au non-respect des contrats.
Il a cependant fait remarquer que « c’est la première fois que la société civile ne se contente pas de condamner, mais a l’ambition d’apporter des solutions ». Si l’objectif lointain est le tri à la source, les grands principes restent la réduction de la production des ordures, le compostage de la totalité des 60 % de déchets organiques, le recyclage de tous les produits qui peuvent l’être...
Pour sa part, Waël Hmaïdane, porte-parole de Greenpeace et de GAIA au sein du groupe, a rappelé les principes de GAIA, dont l’objectif est « zéro déchets », par le biais d’un système qui exclut l’incinération.
Les représentants du rassemblement d’ONG ont cependant précisé, en réponse à une question, que leur mouvement pourra entreprendre des manifestations pacifiques et qu’un comité de suivi devrait être formé juste après la conférence de presse.

Un contrôle indépendant
Le découpage par cazas, qui a par ailleurs été catégoriquement refusé par les membres de la campagne nationale, présente un désavantage majeur, notamment un surcoût considérable, comme l’indique un expert en sciences environnementales de l’AUB, Mutasem el-Fadel. « Même si le principe du mohafazat est plus viable économiquement, le caza résoud cependant un problème social aigu », reconnaît-il. « Pour ce qui est des critères, les mêmes peuvent être appliqués ici ou là. Mais si le contrôle est déficient, le potentiel de pollution est plus important quand les décharges se multiplient. »
M. Fadel considère toutefois que « le plan envisagé par l’État n’est pas mauvais, vu qu’il tient compte des principes de recyclage, de compostage et de décharge pour le reste ».
Les informations de l’expert confirment que les décharges dans les cazas seraient placées de préférence dans les anciens sites de dépotoirs ou dans des carrières désaffectées. « Pour ce qui est des anciens dépotoirs, ils doivent être réhabilités avant d’être équipés en tant que décharges », explique-t-il, précisant que l’opération est coûteuse. « En ce qui concerne les carrières, il ne s’agit évidemment pas du meilleur choix, puisque les fissures dans les rochers rendent la terre plus que perméable à leur niveau. Il faut donc prévoir une bonne couche isolante, mais il est toujours à craindre qu’elle ne suffira pas. »
Abordant le sujet du compostage, M. Fadel recommande que « les 60 % de produits organiques soient entièrement compostés ». Il révèle que dans les contrats prévus, « il sera interdit à l’entrepreneur de descendre sous le seuil de 30 % de déchets compostés ». La destination finale du compost sera, selon sa qualité, l’agriculture, un emploi comme enrichissant du sol, ou en couverture dans la décharge.
Mais le grand problème reste celui du contrôle qui, estime M. Fadel, « doit être confié à des consultants indépendants, même si leur autorité de référence est publique ». Il ne sait pas toutefois si une telle clause sera ajoutée au contrat que l’État signera avec les compagnies privées.

Suzanne BAAKLINI
Le gouvernement a-t-il adopté hier un plan « réaliste » pour le traitement des déchets, ou baigne-t-il en pleine confusion comme l’assurent certains, notamment les ONG qui ont lancé hier une campagne en faveur d’une gestion efficace de ce dossier ? Après les multiples protestations déclenchées par un premier plan, préparé par le comité technique regroupant les diverses...