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Aline Mouchantaf, rescapée de l’attentat, raconte le cauchemar

Aline Salamé Mouchantaf, rescapée de l’attentat de Ryad, sait qu’elle est une miraculée. La voiture piégée a explosé non loin de son duplex, au complexe résidentiel Mouhaya, où elle vit avec son époux Nehmé, 33 ans, ingénieur en informatique, et son fils Jad trois ans et demi. Elle est attachée de presse auprès de l’ambassade de Grande-Bretagne à Ryad.
Jointe au téléphone par L’Orient-Le Jour, Aline, toujours hospitalisée avec son époux dans la capitale saoudienne, a livré son témoignage. Elle raconte l’attentat calmement, comme si elle parlait d’un film. D’ailleurs elle le dira : « Ce n’est pas comme ce que nous avons vécu au Liban. C’est pire, imaginez simplement un film de guerre américain et multipliez-le par trois... » « C’était un cauchemar et nous avons réchappé par miracle. Nous avons été sauvés par la Providence », indique-t-elle.
« Nous dormions tranquillement au deuxième étage. Réveillés par les coups de feu, nous n’avons pas eu le temps de courir jusqu’à Jad, qui était dans l’autre chambre… Explosion. J’étais par terre, immobilisée par l’appareil d’air conditionné. J’ai appelé mon fils et mon mari, ils n’ont pas répondu. J’ai cru qu’ils étaient morts… Je pense que j’ai perdu connaissance l’espace de quelques secondes, puis je me suis réveillée. J’ai voulu me lever », dit-elle.
Aline raconte que l’appareil qui l’écrasait était chaud et lourd, mais qu’elle avait réussi à se libérer. « Je suis sûre que je n’étais pas seule à l’avoir enlevé. Cette machine a besoin de quatre hommes pour la transporter. Je sais que c’est le bon Dieu qui m’a aidée », dit-elle.
« Je voulais descendre au premier étage chercher mon fils et mon mari, mais il n’y avait plus d’escaliers, plus rien. La maison n’était plus là. J’arrive à sortir au jardin. Je vois mon fils Jad assis sur un monticule de cendres et de décombres. Il me souriait. Il n’avait pas une égratignure, comme si une main divine l’avait porté pour le poser là », raconte la jeune femme, qui voit également non loin de là son mari, par terre, propulsé du deuxième étage par le souffle de l’explosion. « Il saignait et gémissait », dit-elle.
Nehmé souffre de plusieurs contusions, aux côtes, aux bras et aux jambes. Il est toujours hospitalisé.
La jeune femme raconte qu’après l’explosion, les terroristes n’avaient pas encore quitté le complexe résidentiel et n’avaient pas cessé de tirer des rafales. « J’ai vu quatre d’entre eux en train de marcher. Je ne savais pas s’ils s’approchaient de moi. J’ai porté mon fils, je me suis couchée et je me suis dit que le mieux serait de faire semblant d’être morte », indique-t-elle.
Les terroristes s’éloignent ; elle s’approche de son époux et ils décident de partir.
Aline parle de ses voisins. « La maison des Haïdar n’existait plus (la voiture piégée avait explosé sous la résidence de Richard et Nancy Haïdar, originaires de Ibrine, qui ont péri dans l’attentat avec leur fils Jad). Nous ne les avons pas vus. Vous savez, Nancy était très heureuse ces derniers temps, elle attendait un deuxième enfant », raconte la jeune femme.
« Puis nous avons vu Charbel et Maguy (Mezher), enterrés dans les décombres jusqu’à la taille, complètement immobilisés, ils étaient en train d’appeler leurs enfants Jad et Raya qui ne répondaient pas », ajoute-t-elle. Rappelons que le couple Mezher, toujours hospitalisé à Ryad, a perdu ses deux enfants âgés de 8 et 4 ans.
Et comme quelqu’un qui se souvient des moindres détails pour survivre face aux terribles drames, Aline raconte : « Nous étions pieds nus tous les trois, Nehmé, Jad et moi ; nous avions rencontré un autre rescapé, indemne, qui nous a dit de marcher jusqu’au deuxième portail du complexe résidentiel pour trouver du secours. Partout, il n’y avait plus rien que des cendres, des décombres et des bris de vitre », dit-elle. « Mon fils a trois ans et demi, il était pieds nus, il a marché sans broncher sur les éclats de verre, on ne pouvait pas le porter. Nehmé et moi nous saignions de partout et nous grelottions de froid », ajoute-t-elle, soulignant que les médecins lui ont expliqué plus tard que la baisse de température était due aux graves blessures subies.
Aline veut rendre hommage à l’ambassade du Liban à Ryad, qui a « fait un travail parfait ». « Nous n’avons ressenti à aucun moment que nous étions négligés », dit-elle.
Aline Mouchantaf a aussi reçu la visite du fils du Premier ministre, Saad Hariri. Le président de la République Émile Lahoud et le chef du gouvernement Rafic Hariri se sont mis en contact téléphonique avec elle.
En début de semaine, la sœur de Nehmé Mouchantaf, Lina, s’était rendue de Beyrouth à Ryad au chevet des siens. Elle devrait rentrer au Liban dans les jours à venir avec Jad, le fils du couple toujours hospitalisé. « Jad était au lycée français de Ryad, nous allons essayer de le faire admettre provisoirement dans une école au Liban », raconte la jeune femme.
Hier, Aline, qui souffre de plusieurs contusions et qui a « plus de 200 points de suture au dos », a réussi à marcher « un peu ». Enceinte au troisième mois, elle indique n’avoir pas « perdu le bébé ». Elle reviendra au Liban pour sa convalescence.
Compte-t-elle rentrer définitivement avec son époux à Beyrouth ? « Il y a six ans, nous avons quitté le Liban à cause du chômage », conclut-elle, en posant une question : « Rentrer pour faire quoi ? »

Patricia KHODER
Aline Salamé Mouchantaf, rescapée de l’attentat de Ryad, sait qu’elle est une miraculée. La voiture piégée a explosé non loin de son duplex, au complexe résidentiel Mouhaya, où elle vit avec son époux Nehmé, 33 ans, ingénieur en informatique, et son fils Jad trois ans et demi. Elle est attachée de presse auprès de l’ambassade de Grande-Bretagne à Ryad. Jointe au...