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ANALYSE-Le Liban otage de l’impasse syrienne dans la région

«Que les Israéliens ne s’imaginent pas que s’ils parviennent un jour à régler leur contentieux avec le Hezbollah, ils peuvent isoler la Syrie et dégager le Liban du conflit régional. » Ces propos sont ceux du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui, lors d’un iftar organisé mardi, a adressé ce qui a semblé être un nouveau message aux Israéliens et à leurs alliés de l’Administration US leur signifiant que, même en cas de « règlement » du dossier de l’échange des prisonniers, ou même, utopiquement, de la question de Chebaa, le parti intégriste poursuivra « sa mission régionale », en soutenant notamment la position syrienne non seulement dans sa confrontation avec Israël mais également face à l’Irak. Cette position, qui marque une évolution certaine dans le rôle du parti intégriste – qui jusque-là était confiné à la seule libération du territoire libanais –, a coïncidé avec un autre développement tout aussi surprenant, à savoir la fermeture, lundi dernier, de 55 points de passage dits illégaux tout au long de la frontière nord avec la Syrie. Il s’agit d’une initiative qui, selon la version officielle avancée par les autorités concernées, vise à « mettre fin à la contrebande » entre les deux pays. Cette opération intervient à la suite des accusations lancées par les Américains contre la Syrie et le Liban, tenus pour responsables des infiltrations de combattants vers l’Irak.
Il s’agit là de deux développements concomitants qui illustrent clairement l’ambivalence de la politique syrienne à l’égard de l’Administration US, et qui consiste d’une part à faire des concessions, et d’autre part à durcir le ton en faisant de la surenchère, par l’intermédiaire du Hezbollah. Voilà qui explique pourquoi le parti intégriste, dont la résistance locale est devenue avec le temps moins percutante, vient d’annoncer la « régionalisation » de sa mission libératrice.
Parallèlement, le nouveau geste « syrien » (bien plus que libanais) de la fermeture des frontières doit être compris à la lumière de la ligne politique suivie par Damas depuis pratiquement le 11 septembre et qui consiste à jeter du lest dès que les pressions US se font plus pressantes. Cela a été le cas par exemple lors du vote syrien, il y a quelques semaines, en faveur de la résolution de l’Onu pour l’envoi d’une force multinationale en Irak ou encore lors de la fermeture des bureaux de Hamas et du Jihad islamique à Damas.
Ceci dit, la Syrie n’hésite pas d’un autre côté à « hausser le ton » dès que les circonstances l’exigent, comme cela a été le cas lorsque le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, a menacé de bombarder les implantations juives en Israël, en réponse à une future attaque contre la Syrie.
Ainsi apparaît de plus en plus clairement la constante qui a longtemps marqué la politique régionale syrienne consistant à prendre le Liban en otage, toutes les fois que l’étau se resserre contre Damas, qui cherche alors à faire assumer à ce pays un rôle qui le dépasse de plus en plus.
Pour Ahmed Moussalli, professeur de sciences politiques à l’AUB, la fermeture des voies de passage entre les deux pays est «une manière de faire encaisser au Liban toute la responsabilité des infiltrations en Irak », le Liban devenant ainsi un terrain de prédilection à la clandestinité, et non la Syrie. Cette attitude est d’autant plus pernicieuse et dangereuse pour le Liban que nombre de responsables libanais, soutenus par les partis politiques prosyriens, abondent dans le sens de Damas, devenant pratiquement « plus royalistes que le roi ». Bien que ce soit la Syrie qui est, depuis le 11 septembre, dans le collimateur américain et non le Liban; ce dernier a été entraîné bon gré, mal gré dans un conflit bien plus grand que ses ressources diplomatiques et ses capacités de négociations. Un conflit sur lequel il n’a aucune emprise réelle.
« Le plus inquiétant, c’est que aussi bien les Libanais que les Syriens ne réalisent pas à quel point la situation est critique. Ils n’ont toujours pas compris le sérieux et la détermination de la politique américaine dans la région. Ils continuent de penser qu’il s’agit d’un nuage passager », affirme M. Moussalli. Preuve en est l’attitude de l’administration US qui depuis la guerre d’Irak n’a pas cessé de dénoncer le rôle de la Syrie dans le conflit, estime M. Moussalli. « Plus ils font faillite en Irak, plus ils en font porter la responsabilité à la Syrie », dit-il.
Une position qui fragilise d’autant plus la Syrie que son principal allié, le Hezbollah, est aux yeux de l’Administration US appelé à être éliminé du jeu et par conséquent à disparaître. Or, le parti intégriste est bel et bien la seule carte restante aux mains des Syriens, indique le professeur. Après avoir perdu la carte irakienne, qu’ils manipulaient par le biais du parti Baas, et, par la suite, la carte iranienne – la République islamique adoptant une neutralité positive à l’égard des Américains –, la Syrie se voit obligée de s’accrocher à la dernière bouée de sauvetage que lui tend généreusement le Hezbollah.
Damas pourra-t-il lâcher un jour le parti intégriste, si les menaces US venaient à se préciser ?
La Syrie est prête à se désolidariser du parti intégriste en cas de récupération du Golan, dit l’analyste, mais certainement pas dans le dossier irakien, car cela équivaudrait à son asphyxie politique. D’où l’impasse dans laquelle elle se trouve actuellement ainsi que les relations arabo-US dans leur ensemble, notamment à la lumière du durcissement du conflit israélo-palestinien. Celui-ci ne saurait en aucun cas être séparé du problème irakien, contrairement aux souhaits de l’administration US qui tente de gérer chaque conflit à part. Pour Ahmed Moussalli, les Américains veulent que la Syrie se soumette à leurs conditions, chose qu’elle ne pourra faire qu’après la réactivation des négociations de paix. Or, conclut l’analyste, la relance du processus de paix ne pourra pas avoir lieu « tant que les trois fondamentalismes chrétien, musulman et juif » – entendre, l’actuel Administration de George W. Bush, les partis islamistes libanais et palestinien et les radicaux du Likoud – refusent tout compromis politique et la recherche d’une solution pacifique à la crise régionale.
Jeanine JALKH
«Que les Israéliens ne s’imaginent pas que s’ils parviennent un jour à régler leur contentieux avec le Hezbollah, ils peuvent isoler la Syrie et dégager le Liban du conflit régional. » Ces propos sont ceux du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui, lors d’un iftar organisé mardi, a adressé ce qui a semblé être un nouveau message aux Israéliens et à...