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Environnement - Quel avenir pour l’application du texte ? Une nouvelle loi sur la chasse bientôt adoptée au Parlement(photos)

Cela fait environ une dizaine d’années que la chasse est officiellement interdite au Liban par décret. Aujourd’hui, un nouveau texte de loi est à l’ordre du jour : adopté en Conseil des ministres le 4 juillet 2002, il a été examiné par les commissions parlementaires concernées et attend d’être approuvé en assemblée générale. Il s’agit d’un texte de loi moderne qui, s’il est adopté, permettra l’ouverture immédiate de la chasse cette saison. Mais a-t-il des chances d’être appliqué plus rigoureusement que l’ancienne législation, si malmenée ?

Comme l’indique Fouad Nassif, chargé des relations publiques au sein du Conseil national de la chasse (présidé par le brigadier Sami el-Khatib), dont il est membre du conseil d’administration, le texte de loi repose sur plusieurs piliers, notamment la création d’un haut comité de la chasse, l’introduction de l’examen pour le permis de chasse, l’instauration d’un système de pénalités, la création d’un corps de gardes-chasse.
Dans le haut comité de la chasse, toutes les parties ayant un lien avec le secteur seront représentées. Le texte de loi de six pages précise qu’il sera formé de représentants des ministères de la Justice, de l’Agriculture, de l’Environnement, de l’Intérieur, des Municipalités, de la Défense et des Finances, du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), du Conseil national de la chasse, du syndicat des commerçants d’armes de chasse, de la Fédération libanaise du tir et de la chasse, des associations écologiques et, enfin, d’un expert en espèces d’oiseaux et de mammifères.
Ces personnes sont désignées pour une période de trois ans non renouvelable et commenceront leur travail bénévole dès la parution du décret de leur nomination. Il reviendra à ce haut conseil, du fait qu’il regroupe toutes les parties intéressées, de faire ses recommandations au ministère de tutelle, en l’occurrence celui de l’Agriculture, concernant un certain nombre de questions, comme les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, les espèces à chasser et celles qui doivent être protégées, la liste des clubs pouvant décerner des permis de chasse après examen, la création de volières pour espèces d’oiseaux menacées. Toutefois, il convient de signaler qu’un haut comité de l’environnement était prévu dans la loi sur la création du ministère du même nom, il y a une dizaine d’années, et qu’il n’a toujours pas vu le jour. Assistera-t-on au même scénario pour la chasse ?
Pour ce qui est du ministère de tutelle, M. Nassif reconnaît que « cette mission a été confiée au ministère de l’Agriculture parce qu’il a plus de moyens et de personnel que le ministère de l’Environnement, bien que ce soit cette Administration qui est en charge de ce dossier dans d’autres pays ». Selon lui, ce point a été décidé au cours des discussions dans les commissions parlementaires. Ne peut-on soupçonner les rédacteurs du texte d’avoir éloigné le ministère de l’Environnement par peur d’une plus grande fermeté de sa part envers les chasseurs ? « Non, répond-il, parce qu’il reste représenté dans le Haut-Conseil de la chasse, ainsi que parmi les écologistes. » Il ajoute : « Il n’y a pas de rivalité entre chasseurs et écologistes comme certains veulent bien le faire croire. Nous poursuivons les mêmes objectifs : après tout, si nous chassons tout, il n’y aura plus ni chasse ni écologie. »

Des saisons
de chasse variables
Pour ce qui est de la saison de la chasse et des espèces pouvant être chassées, c’est le ministère de tutelle qui en précise la durée et en dresse une liste chaque année, suivant la recommandation du Haut-Conseil de la chasse. « Outre les espèces pouvant être chassées, il faut considérer que tous les oiseaux et les mammifères, autochtones ou migrateurs, sont des espèces protégées », précise le texte.
M. Nassif ajoute que les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse ne sont pas fixées une fois pour toutes, mais qu’elles sont décidées en fonction des espèces : pour les espèces autochtones, la durée de la saison dépend d’opérations de comptage qui vérifient la dimension des populations existantes. Pour les oiseaux migrateurs, elle doit rester en conformité avec les lois et les conventions internationales.
Comment de telles informations sont-elles transmises aux chasseurs ? C’est là qu’intervient le rôle de l’examen passé en vue d’obtenir le permis de chasse, un document renouvelé chaque année au ministère de l’Agriculture. Sur le permis se trouvent des informations personnelles sur l’identité du chasseur, ainsi que les espèces qu’il lui est permis de chasser. Les chasseurs doivent également être munis d’un permis de port d’arme. Selon M. Nassif, « les fonds récoltés par les examens de permis de chasse et par l’obtention des permis de port d’arme doivent revenir au Conseil national de la chasse, chargé d’organiser le secteur ».
Outre les informations qui seront données aux chasseurs lors de l’examen ou du renouvellement du permis de chasse, un système de pénalité constituera la principale force dissuasive qui les empêchera de tricher. Dans le texte de loi, il est précisé que toute personne qui ne respecte pas la fermeture de la saison de chasse ou qui pratique cette activité dans des endroits où elle est interdite écope d’une pénalité d’un mois de prison avec une amende de 500 000 livres libanaises, avec suspension du permis pour une période allant d’un à trois ans. Dans le cas d’un chasseur qui a enfreint les directives concernant les espèces à chasser ou qui a tué des animaux à l’aide d’instruments interdits (comme les machines d’imitation des sons d’oiseaux par exemple) ou qui a chassé sans permis, les mêmes pénalités s’appliquent, avec confiscation du matériel ou des armes. En cas de récidive, le montant de l’amende est multiplié sans nouvel emprisonnement.

Ouvrir la chasse cette année ?
Toutefois, l’éternelle question de la rigueur d’application de la loi demeure la principale obsession. En effet, selon certains observateurs, l’interdiction pure et simple de la chasse n’a pas été respectée, notamment par certains privilégiés « protégés » par leurs puissantes relations, un poste haut placé ou leur appartenance à une institution. Comment garantir aujourd’hui qu’une ouverture de la chasse ne provoquerait pas un chaos total ?
Sur ce point, M. Nassif reconnaît que « sans un corps de gardes-chasse bien formé et doté de vastes prérogatives, l’application de la loi n’est pas possible ». Mais selon lui, faire respecter les règles n’est pas aussi difficile qu’il y paraît. « Le contrôle était auparavant confié aux Forces de sécurité intérieure ou à l’armée, dont les membres ne sont pas formés pour ce travail ou qui ont des missions trop chargées, explique-t-il. Un corps de gardes-chasse serait mieux à même d’exécuter la tâche. De plus, avec une loi restrictive et non plus une interdiction, les chasseurs seraient facilement convaincus par les arguments des gardes-chasse qui sont là pour les orienter, pas les réprimer. »
Que pourraient faire ces gardes-chasse face aux fameux chasseurs « protégés » ? « S’ils ne peuvent, dans les circonstances actuelles, les arrêter, ils pourront toujours agir de sorte à les dénoncer, comme par exemple rédiger un rapport destiné à l’institution à laquelle appartient le contrevenant », estime M. Nassif.
Reste à savoir comment la loi pourrait être appliquée au cours de la première saison de chasse, alors que l’infrastructure nécessaire n’est pas encore en place. C’est en fait l’ancienne loi qui serait en vigueur durant cette première saison qui se limitera à la chasse à l’alouette et à la grive durant trois mois, précise M. Nassif. « Mais l’ouverture de la chasse est nécessaire afin que le Conseil puisse récolter les fonds pour se préparer à la prochaine saison », explique-t-il, estimant que les revenus de la chasse peuvent atteindre quelque 30 millions de dollars par an.
Les quelques mois qui séparent la première saison de la seconde sont-ils suffisants pour mettre au point l’infrastructure indispensable ? M. Nassif estime que c’est le cas, et que même les décrets d’application pourraient être prêts d’ici là. Il reconnaît cependant que « le personnel doit être formé », et que « nous atteindrons probablement notre vitesse de croisière d’ici trois à cinq ans ». « Mais il faut se lancer », affirme-t-il.

Quel système de contrôle ?
Cependant, l’efficacité de l’application de cette loi laisse plus d’un sceptique. Hala Achour, de l’association écologique Green Line, précise d’emblée qu’en tant qu’ONG, « nous sommes favorables à l’organisation de la chasse, vu que l’interdiction a conduit au chaos ». Mais ce sont les mécanismes d’application de la loi qui lui paraissent encore obscurs, surtout que « l’expérience passée dans le domaine des lois environnementales n’est pas encourageante ». « Comment pourra-t-on garantir que les pistons ne joueront pas un rôle dans le cadre de la nouvelle loi ?, poursuit-elle. D’ailleurs, le texte ne donne pas assez d’importance à la question du contrôle ni de l’autorité qui en sera chargée. Quant aux pénalités, elles devraient être plus dissuasives ».
Mme Achour cite des études effectuées par un bureau d’experts et par un ornithologue qui estiment que le nombre de chasseurs au Liban est très important, ce que conteste M. Nassif. « Cela pose des problèmes pratiques à l’application de la loi », souligne-t-elle. « Par quels moyens les permis anciens seront-ils tous retirés afin d’être remplacés par les nouveaux ? », se demande-t-elle. Elle ajoute que les déclarations des députés sur cette loi ont davantage reflété les intérêts d’une catégorie limitée de la population, lésée par l’interdiction de la chasse, que l’intérêt public.
« Avant de permettre la chasse, il faudrait effectuer une vaste étude sur l’impact économique et écologique d’un appauvrissement de la biodiversité, notamment dans des domaines comme l’agriculture », souligne-t-elle. M. Nassif, pour sa part, considère qu’« une chasse contrôlée contribue à rétablir l’équilibre naturel ». Il ajoute que les revenus de la chasse seront en partie destinés au repeuplement des réserves et au reboisement.
Entre enthousiasme et inquiétudes, l’adoption de la loi serait imminente, mais le litige est loin d’être tranché.
Suzanne BAAKLINI
Cela fait environ une dizaine d’années que la chasse est officiellement interdite au Liban par décret. Aujourd’hui, un nouveau texte de loi est à l’ordre du jour : adopté en Conseil des ministres le 4 juillet 2002, il a été examiné par les commissions parlementaires concernées et attend d’être approuvé en assemblée générale. Il s’agit d’un texte de loi moderne qui, s’il...