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TABLE RONDE - Clôture du colloque international sur le dialogue des cultures et la résolution des conflits, à l’USJ L’Union européenne, un modèle pour les pays de la région ?(PHOTO)

Les responsables libanais ont encore de beaux jours devant eux. Car, s’il faut en croire le Dr Nasser Saïdi, plus un gouvernement est corrompu, plus il reçoit des aides internationales. Après la conférence de M. Michel Camdessus, à 10h, les personnes présentes croyaient avoir entendu ce qu’il y avait de plus intéressant dans le programme du colloque de l’USJ de ce samedi. Ils se trompaient. La table ronde qui a suivi, qui s’est d’ailleurs résumée à trois conférences et une synthèse, leur réservait encore des surprises... Et une réflexion profonde sur les perspectives de guerre qui planent sur la région et la lueur d’espoir qui, malgré tout, résiste à tous les orages.

La présidente de la dernière séance du colloque de l’USJ sur le « Dialogue des cultures et la résolution des conflits », Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l’homme, à la démocratie et à la paix à l’OIF, n’a pas eu la tâche facile. Avec les trois personnalités assises à la tribune – M. Francisco Accosta (Union européenne), le Dr Nasser Saïdi et le père Henri Madelin –, il lui a été fort difficile de trouver quelques minutes pour les questions de l’assistance et même pour son propre commentaire. Avec beaucoup d’élégance, elle a laissé la parole aux conférenciers et, pour finir, la synthèse à M. Joseph Maïla.
C’est en homme pragmatique, totalement convaincu de l’importance et de l’efficacité du modèle européen pour les pays de la région, que M. Accosta s’est adressé aux présents, à la place de l’ambassadeur de l’UE, M. Patrick Renauld.
Avec un langage direct et simple, le conseiller économique et politique près la délégation européenne au Liban a tenté de faire passer le message suivant : pour sortir du cercle vicieux de la corruption, de la misère, du chômage et de l’émigration dans lequel se débattent actuellement les pays de la région, l’accord de partenariat euro-méditerranéen représente une bonne voie. Mais pour cela, il faut une décision politique prise par les responsables et les groupes sociaux, dans chacun des pays concernés.

Les armes d’attraction massive de l’Europe
En homme lucide, M. Accosta n’a pas promis monts et merveilles, reconnaissant que huit ans après la Déclaration de Barcelone, les trois principes fondamentaux (paix et stabilité, prospérité partagée et dialogue entre les peuples) n’ont certes pas été respectés. C’est vrai aussi qu’en plus du conflit israélo-palestinien, des conflits parallèlles n’en finissent plus de miner la région, en Algérie et entre les Kurdes et les Turcs notamment, alors que les immigrés continuent de mourir sur les rivages de l’Europe, mais l’idée du dialogue est en train de faire son chemin. « Il n’y a pas seulement des rencontres bilatérales. Les réunions collectives se poursuivent, permettant l’ouverture de quelques fenêtres. Tant qu’on parle, il y a de l’espoir », a déclaré le diplomate européen, qui a insisté sur le fait que l’Union possède des « armes d’attraction massive » : la construction de ponts à la place des murs, et l’appât de sociétés ouvertes et de la libre circulation des marchandises et des personnes, en contrepartie de l’édification d’un État de droit, de la protection des droits de l’homme et des minorités et de l’instauration d’une économie de marché. Quand on voit le chemin accompli par certains pays, comme ceux de l’Europe de l’Est, ou la Pologne, on se dit que tout est possible. Il faut seulement une volonté sincère de toutes les composantes de la société.
L’ancien ministre de l’Économie, M. Nasser Saïdi, a ensuite donné une conférence magistrale au titre évocateur : « Promesses brillantes et piètres performances. » Documents et chiffres à l’appui, ce qui est rare au Liban, il a expliqué que les guerres civiles entraînent une augmentation de la pauvreté dans les pays où elles ont sévi, ainsi qu’une destruction du capital social et politique, qui, s’il n’est pas reconstruit, empêche toute tentative de redressement du pays. C’est d’ailleurs un peu ce qui s’est passé au Liban.

Les guerres, c’est l’antidéveloppement
Selon le Dr Saïdi, les guerres, surtout civiles, n’ont que des conséquences néfastes : mortalité, morbidité, fuite des capitaux et des cerveaux, mais surtout elles ne peuvent en aucun cas constituer un instrument efficace de changement et de réforme. Le meilleur exemple est l’accord de Taëf, qui, au lieu d’initier une réforme, a produit la fameuse troïka et plus de rigidité dans la division sectaire du pouvoir. Elles favorisent aussi les activités criminelles, surtout lorsque ceux qui les ont menées se retrouvent au pouvoir, comme c’est aussi le cas au Liban, pour certains responsables.
L’ancien ministre a évoqué ensuite l’aide internationale et il a démontré, chiffres à l’appui, que les pays les plus corrompus sont ceux qui reçoivent le plus d’aide internationale, celle-ci créant une relation de clientélisme, qui est aux antipodes du développement.
M. Saïdi a tiré en conclusion dix leçons de l’expérience libanaise et mondiale des dernières années. « Pour un pays en reconstruction, la priorité est à la sécurité et à la justice, avant l’économie. Il faut aussi un support international (l’Onu et les autres organisations internationales), s’occuper de l’humain, du tissu social et de l’État, avant de se pencher sur les finances, initier un processus de responsabilisation au sujet des injustices passées, salutaire dans toute tentative de démocratisation, et se donner le temps pour briser la méfiance... »
Dernier conférencier à prendre la parole, le père Henri Madelin a dû résumer son intervention, afin de respecter les délais. Il a développé le concept de démocratie, qui, se situe, selon lui, entre la liberté et la peur (d’autrui et de ce qu’on ne connaît pas ou de ce qu’on ne comprend pas) et qui est, en principe, chargée de rétablir l’égalité, là où l’économie engendre des inégalités. La démocratie, c’est aussi l’institution des pouvoirs pour régler les rapports humains. Son support, c’est la politique qui est l’art de faire vivre ensemble des gens ou des nations, par un moyen, le dialogue. « C’est un peu la parole contre la peur. C’est d’ailleurs pourquoi dans les négociations, le meilleur est celui qui essaie de trouver des alliés dans le camp adverse, afin de lutter ensemble contre les extrémismes des deux côtés. » Le père Madelin a rendu hommage à l’ancien président d’Afrique du Sud, M. Nelson Mandela (d’ailleurs évoqué à plusieurs reprises au cours de ce colloque), car il introduit la notion de pardon au cœur même de la politique...
Le mot de la fin est revenu à M. Joseph Maïla qui a suggéré que trois mots soient retenus de cette importante réflexion : l’Europe, qui, avec ses guerres et ses divisions, peut servir de modèle pour la région, en plus de sa proximité géopolitique, la prévention, qui doit rester une priorité, car au Liban, si on n’a toujours pas appris à sortir de la guerre, on n’a pas su non plus la prévenir, et enfin, le dialogue, qui reste la seule lueur d’espoir pour l’avenir et dont la démocratie est la forme institutionnelle. Enfin, la mondialisation, qui avait généré pour certains de l’optimisme, comme si grâce à elle le fossé entre les peuples de la planète allait être réduit, a été trop vite. Le droit ne suit pas et les disfonctionnements se multiplient, a-t-il conclu.
Après deux jours de travaux, le diagnostic paraît excellent. Reste à trouver les remèdes. Le Liban, avec ses chercheurs, ses experts, ses universités et son peuple avide de sortir de la crise, saura-t-il être le promoteur de nouvelles idées ?
Scarlett HADDAD
Les responsables libanais ont encore de beaux jours devant eux. Car, s’il faut en croire le Dr Nasser Saïdi, plus un gouvernement est corrompu, plus il reçoit des aides internationales. Après la conférence de M. Michel Camdessus, à 10h, les personnes présentes croyaient avoir entendu ce qu’il y avait de plus intéressant dans le programme du colloque de l’USJ de ce samedi....