Rechercher
Rechercher

Actualités

« La mondialisation ne sera que ce que nous en ferons »

Michel Camdessus est un humaniste et un visionnaire.
Samedi, lors de la conférence internationale, organisée par l’Université Saint-Joseph, sur « Le dialogue des cultures et la résolution des conflits », l’ancien directeur général du FMI a placé les thèmes du développement et du dialogue international au centre d’un discours dans lequel les références bibliques et les citations des hommes de l’Église ne manquaient pas.
« Depuis 40 ans, je me réfère aux mots de Paul VI : Le développement, nouveau nom de la paix », déclare-t-il d’emblée. Invité à expliquer la contribution de l’Europe des 25 à l’ordre économique mondial, il en profite pour dresser un réquisitoire contre la politique européenne actuelle « empêtrée dans les paradoxes et le doute ».
Tout en assurant qu’un « meilleur ordre économique mondial pourrait rapprocher les horizons de la paix », il constate que « les Européens en sont au moment de leur ultime réflexion sur leur identité, sur les institutions à mettre en place et sur leur responsabilité dans le monde ». Sur ce dernier point, il affirme que « l’Europe a des responsabilités propres qu’elle doit assumer sans attendre je ne sais quel retournement des positions américaines ».
« Les Européens prétendent faire l’histoire à l’image des constituants de Philadelphie à l’époque de l’indépendance américaine. Mais nous sommes empêtrés dans les paradoxes et le doute : fractures politique, philosophique et religieuse. Nous ne sommes pas capables de reconnaître nos racines religieuses et spirituelles communes. » Un clin d’œil au débat qui anime actuellement les Quinze sur la mention des « origines chrétiennes de l’Europe » dans la Constitution européenne en cours de gestation. « Viennent ensuite (reprenant là les critiques du secrétaire US à la Défense Donald Rumsfeld) le vieillissement et le désenchantement du continent ».
Il plaide ensuite en faveur d’une ouverture envers les pays du Sud : « Serions-nous devenus le continent du repli, alors que la puissance commerciale s’installe. On fuit nos responsabilités. On ne pense qu’à l’inégalité entre l’Est et l’Ouest, en oubliant nos autres frontières, celles qui s’étalent sur les autres rives de notre mer commune, où retentit le cri d’un monde bien plus défavorisé que le nôtre. » Et de poursuivre : « Comment faire ? Allons-nous être terrassés par le sentiment de notre propre impuissance devant tant de défis. Se coucher comme le prophète à l’ombre d’un genêt et attendre tout bonnement une mort annoncée ? Allons-nous, comme à Babel, essayer d’assurer un confort pour 450 millions d’Européens derrière la forteresse Europe ? »...
Selon lui, « ces interrogations conduisent à l’impasse, parce que l’histoire ne repasse pas les plats ». « La mondialisation ne sera que ce que nous en ferons », martèle M. Camdessus, avant d’affirmer : « L’Europe ne peut pas rester sourde au diktat de cette horloge démographique qui nous dit que, dans les 25 prochaines années, deux milliards d’êtres humains seront nés, dont 90 % dans les pays en voie de développement. Cette réalité nous est rappelée chaque matin à Lampedusa, à Gibraltar, à Sangatte ou ailleurs », en allusion aux milliers de réfugiés qui échouent chaque mois sur les rives de l’Europe.
La solution? Citant de nouveau un chef de l’Église, le pape Jean-Paul II, il déclare : « L’Europe se définit par son ouverture. » « Notre seule mission, ajoute-t-il, est de reconnaître que ce défi nous est intérieur et de tenter d’y répondre. Actuellement, les conventionnels européens ont eu l’audace formidable de dire : l’Europe, espace privilégié de l’espérance humaine », avant d’ajouter : « J’espère que cette clause sera maintenue dans notre future Constitution. »
Il rappelle ainsi l’Europe à ses engagements pour le partenariat, la solidarité et la justice mondiale, et explique sa vision à ce propos. Pour lui, « il faut aborder ce défi comme une famille humaine unique, car les problèmes actuels dépassent de loin les moyens de l’État-nation, d’où l’urgence d’une action mondiale ».
Pour cela, il préconise l’utilisation des institutions existantes à leur plein potentiel, en les restructurant et en les renforçant. « Il faut que les gouvernements cessent de les traiter en bouc émissaire, et de les rendre responsables de tous les malheurs du monde, pour justifier souvent leurs propres manquements. Il faut les respecter et les laisser faire leur travail, dit-il en rappelant : « Quand je suis arrivé au Fonds monétaire international, en 1987, il m’était interdit pendant 10 ans de m’occuper du système monétaire international ! »
Ce travail doit passer par la démocratisation des institutions, explique encore M. Camdessus en insistant sur le fait qu’il « ne faut pas chercher la flamboyance, mais plutôt la vertu ».
« Il faut rechercher le consensus. Le changement de la gouvernance mondiale ne pourrait intervenir que lorsque le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, Méditerranée, Atlantique et Pacifique travaillent ensemble », fait-il remarquer, avant de conclure : « Il nous faut les accords de tous, y compris des plus puissants. Sans désespérer des plus puissants, car ils ont un intérêt net et actuel à une organisation du monde qui réponde à leur besoin de croissance et de sécurité. »
R.B.
Michel Camdessus est un humaniste et un visionnaire. Samedi, lors de la conférence internationale, organisée par l’Université Saint-Joseph, sur « Le dialogue des cultures et la résolution des conflits », l’ancien directeur général du FMI a placé les thèmes du développement et du dialogue international au centre d’un discours dans lequel les références bibliques et...