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éclairage - Ligue maronite : les conditions d’une renaissance

En nommant un conseil de sages pour superviser la refonte des statuts de la Ligue maronite et en moderniser les structures, le patriarche maronite demeure cohérent avec les orientations générales qui sont les siennes depuis la tenue de l’assemblée spéciale du synode sur le Liban. Repenser l’Église maronite, son identité et son rôle, entraîne automatiquement la révision de toutes les institutions communautaires. Le tour de la Ligue maronite est venu.
Les premiers commentaires de l’ancien ministre Michel Eddé, qui doit présider aux destinées de la Ligue maronite, à la tête d’un conseil restreint de quatre magistrats, et pour une période transitoire, laissent deviner le sens qu’il entend donner à son action.
M. Eddé a fait référence au concile Vatican II, qui a projeté en avant le rôle des laïcs au sein de l’Église ; il a cité l’Exhortation apostolique qui confie aux musulmans et aux chrétiens la tâche d’édifier le Liban et il a redit ce qu’il avait affirmé en juin dernier au synode patriarcal maronite : « Ce qui est bon pour le Liban est bon pour les maronites. » Sous-entendu, l’inverse n’est pas nécessairement vrai. Et l’inverse, c’est l’intégrisme, la suffisance, l’arrogance. M. Eddé l’a dit hier : « Notre ennemi commun, c’est l’extrémisme. »
C’est dire combien l’action du nouveau président de la Ligue maronite, un organisme qui est en principe une institution apolitique, est placée sous le signe de la pensée de l’Église.
Le patriarche demande le renforcement des liens entre le patriarcat et la Ligue maronite. Au-delà d’un rapprochement purement mécanique, l’une des premières tâches que la Ligue maronite devrait s’assigner est de réconcilier l’élite maronite avec la hiérarchie ecclésiastique. C’est-à-dire rapprocher la culture de la foi. Élever le niveau de culture des uns, élever le niveau de foi des autres. Et dans ce domaine, la Ligue maronite devrait avoir un rôle important à jouer, en conjonction avec l’élite universitaire et les universités catholiques, et en contact avec toutes les forces vives et les ferments de renouveau au sein de la société.
L’un des autres objectifs prioritaires devrait être de réagir contre le déclin moral qui affecte la société maronite. Ce déclin se manifeste partout, mais puisque la Ligue est une institution regroupant une partie de l’élite de la société maronite, c’est d’abord par cette élite – ministres, députés, professions libérales, hauts fonctionnaires, officiers supérieurs – que ce déclin moral devrait être combattu.
Outre la culture de la violence dont nous sommes toujours imprégnés, comme le constate M. Eddé, et dont nous devons nous corriger, il nous faut aussi lutter contre la culture de la servilité et de la corruption des années d’après-guerre, dont nous avons un exemple autour de nous.
La lutte contre ce déclin moral peut prendre aussi la forme d’une approche critique de certains modèles occidentaux de sociétés, de systèmes juridiques ou d’économies qui nous sont proposés comme des vérités universelles. La Ligue maronite peut ainsi être appelée à servir de forum aux divers corps constitués qui en composent les membres.
Pour en revenir au climat de la guerre qui continue de nous imprégner tous, l’une des grandes tâches à laquelle pourrait aussi contribuer la Ligue maronite consiste dans ce que Jean-Paul II appelle « la purification de la mémoire historique », en l’occurrence celle de la communauté maronite, de toutes les actions qui ont pu être à l’origine des malheurs de la guerre qui a ravagé le Liban de 1975 à 1990.
Il devrait être possible de considérer cette période avec suffisamment d’objectivité et de courage pour en écrire l’histoire dans un esprit de vérité, de conciliation et de paix, et la Ligue maronite pourrait jouer un rôle moteur pour mobiliser les énergies nécessaires afin de mener ce travail à bien.
Enfin, on ne peut plus parler de l’Église au Liban sans parler de son rôle national. Et dans ce rôle national, la Ligue devrait avoir une place de choix, à l’écart des prises de position politiques ponctuelles. Après tout, c’est au sein de cette Ligue que seront choisies une partie des personnalités qui devront, si l’accord de Taëf doit être appliqué sous tous ses aspects, être les représentants de la communauté dans l’assemblée chargée de penser l’abolition du confessionnalisme politique. C’est dire la hauteur de pensée qui pourrait, qui devrait être exigée des membres de la Ligue.
Ce faisant, la communauté maronite pourrait, tout comme la hiérarchie maronite est en train de le faire aujourd’hui avec le synode patriarcal, servir de modèle aux autres communautés, notamment pour l’examen de conscience collectif dont elle donnerait l’exemple.
Mais pour que tout cela soit possible, il faut un préalable. Une révolution des mentalités, ou encore une impulsion venue de ceux qui veillent à ses destinées, qui ferait prendre au sérieux tout ce travail et doterait la Ligue des moyens de ses ambitions. À la suite du patriarche, le président sortant de la Ligue, Harès Chéhab, l’a bien dit : il ne faut plus compter sur le bénévolat pour faire avancer le travail à la Ligue. Le temps est venu de prendre au sérieux ce travail et de prendre les moyens financiers pour l’accomplir. C’est à cette condition, et à elle seule, que l’on pourrait avancer. C’est le défi qu’il faut désormais relever.
Fady NOUN
En nommant un conseil de sages pour superviser la refonte des statuts de la Ligue maronite et en moderniser les structures, le patriarche maronite demeure cohérent avec les orientations générales qui sont les siennes depuis la tenue de l’assemblée spéciale du synode sur le Liban. Repenser l’Église maronite, son identité et son rôle, entraîne automatiquement la révision de...