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Ghassan Ghosn : À la veille de l’explosion sociale et de la banqueroute (PHOTO)

Depuis l’an 2000, il est à la tête de la CGTL. Ghassan Ghosn, qui a remplacé Élias Abou Rizk à la présidence de la centrale syndicale, use de propos nuancés pour reconnaître que l’organisme qu’il représente a subi des changements après les accords de Taëf. Niant en bloc toutes les accusations mettant en cause l’immobilisme ou la neutralisation de la CGTL, il indique que depuis trois ans, l’action syndicale ne s’est jamais arrêtée. Au contraire, elle atteindra son apogée avec la grève et la manifestation de demain.
Pour Ghosn, la CGTL n’est pas présente sur le terrain comme par le passé, à cause d’« un problème de culture ». « Les Libanais ont perdu, avec la guerre, la culture des mouvements de revendication », dit-il. « De plus, aujourd’hui, il n’y a plus de partis, plus de gauchisants pour mener les manifestations », souligne-t-il, indiquant que « la structure mise en place après Taëf a modifié le rapport de forces sur le terrain et cela s’est répercuté sur les activités syndicales ».
Ghosn nie cependant le fait que c’est la politique actuelle du gouvernement qui a eu raison de la CGTL. Pour lui, la centrale syndicale n’a jamais abandonné son rôle ; elle est toujours restée à la hauteur des défis à relever, présente depuis 2000 à tous les mouvements de revendications, organisant des conférences et soutenant les ouvriers dans leur lutte.
Mais comment le gouvernement pourrait-il craindre la CGTL quand beaucoup pensent qu’il l’a complètement neutralisée ? Ghosn ne répond pas directement à la question, indiquant néanmoins que « la centrale syndicale est le miroir de la société. Comme ailleurs, la CGTL représente les tendances et les partis qui existent sur le terrain ».
Poursuivant sur sa lancée, il indique que durant son mandat, il a réussi à mettre la centrale syndicale à l’abri des tiraillements politiques. Et au bureau exécutif, 37 fédérations sont représentées. « Ces fédérations viennent de tous bords et représentent toutes les tendances dans le pays », indique-t-il, soulignant que désormais, cette instance « symbolise la structure libanaise actuelle, avec 74 membres au bureau exécutif ». Pourquoi les fédérations ont-elles proliféré au cours de ces dernières années ? « Dites smallah (qu’ils soient préservés du mauvais œil) », lance Ghassan Ghosn, notant avec un sourire ironique : « C’est que l’activité syndicale a augmenté. » « Mais depuis le début de mon mandat, le nombre des fédérations est demeuré inchangé », poursuit-il.
Et de souligner que c’est « en 1996 que 14 fédérations ont été ajoutées au bureau exécutif de la CGTL, c’est ce qui avait créé véritablement le problème (entre le pouvoir et Abou Rizk) », indiquant que « leur arrivée avait été mal comprise ». Et de se demander : « Si ces fédérations représentent des ouvriers, pourquoi ne pas les accepter ? » Ces ouvriers sont originaires « du Liban-Sud, de la Békaa et du Liban-Nord. Si vous voulez, ces fédérations avaient une couleur politique déterminée, qui n’existait pas avant la guerre », estime-t-il.
Amal par exemple ? Ghosn relève que « ce mouvement dispose d’autant de fédérations au sein de la CGTL que le PCL ou les mouvements de droite ». Il ajoute cependant, sans le préciser clairement, que le parti du chef du Parlement est majoritaire. « Il ne faut pas nier le fait que dans la mesure où un pôle – que ce soit Amal ou un autre – œuvre au sein de la CGTL pour augmenter le nombre de ses alliés et constituer un bloc, il peut faire le poids. C’est d’ailleurs l’une des règles élémentaires de la démocratie. »

L’affaire Abou Rizk
Ghosn évoque également la division de la CGTL en l’an 2000, quand Élias Abou Rizk, s’est présenté une deuxième fois aux législatives du Liban-Sud. Cette initiative avait gêné des membres du bureau exécutif de la centrale syndicale appartenant notamment aux forces présentes sur le terrain dans la zone méridionale du pays. « Abou Rizk a voulu se présenter aux élections, non seulement contre le ministre du Travail Assaad Hardane, mais aussi contre la liste qui regroupait le mouvement Amal, le Hezbollah, et toutes les forces qui font le poids, de Nabih Berry à Moustapha Saad. Et comme la structure de la CGTL fait partie de toute cette coalition, elle s’est divisée », explique-t-il, poursuivant que « la centrale syndicale est le miroir de la société, et la division des législatives l’a divisée ».
Quoi qu’il en soit, on est en droit de se demander si le mouvement de protestation lancé par la centrale ouvrière aboutira à des résultats positifs.
Demain donc, une importante manifestation est prévue devant le siège du Conseil des ministres et la grève générale sera observée.
« La CGTL tire la sonnette d’alarme. Si elle appelle à un mouvement de masse, c’est parce qu’elle sait que la situation des salariés est dans le rouge », dit Ghosn. « La centrale syndicale n’a pas d’armée, elle mène le mouvement auquel la population se doit de participer », poursuit-il. « L’ampleur du mouvement (de demain) devrait être à la mesure des besoins et des souffrances de la population », selon lui.
La grève n’est pas décidée uniquement pour appeler à un réajustement des salaires et à de meilleures prestations sociales, ni pour contester les taxes imposées par le gouvernement. C’est toute une liste de revendications qui est présentée.
La CGTL appelle à un changement majeur dans les politiques économique et sociale du gouvernement. Elle invite à la mise en place d’un véritable développement dans le pays, à la sauvegarde de la Caisse nationale de Sécurité sociale, au soutien qui devrait être accordé aux secteurs agricole et industriel et à la relance de l’économie. Un réajustement des salaires est donc de mise pour encourager la consommation.

Un mouvement
pour le dialogue
Que fera la CGTL si les salaires restent gelés, malgré la grève et les manifestations ? Ghosn rappelle que « le mouvement de jeudi ne sera pas le dernier du genre. La centrale syndicale exercera plus de pressions pour le réajustement des salaires ; nous poursuivrons la bataille ». Il promet d’autres grèves, des conférences, des manifestations, des sit-in, soulignant cependant que « quand on fait monter la pression comme c’est le cas avec la grève générale du 23 octobre, le dialogue sera entamé avec le gouvernement. À partir de cette interaction, on pourra ensuite considérer les autres mesures à adopter ».
Et Ghosn d’ajouter qu’il existe « actuellement une unanimité dans les rangs de toutes les couches sociales : la faim est à nos portes et nous sommes arrivés au seuil de pauvreté », poursuivant que « 50 % de la population vit dans l’indigence et plus de 20 % de nos jeunes sont au chômage ». « Beaucoup ont pris conscience de ces problèmes et il est temps de s’interroger vraiment », indique-t-il.
Ghosn relève encore que « l’objectif de ce 23 octobre est de brandir bien haut les revendications des salariés et de faire pression sur le gouvernement afin qu’il puise ailleurs les fonds servant à alimenter les intérêts de la dette ».
Pourquoi la CGTL a-t-elle senti maintenant seulement le besoin d’agir ? « Nous avons toujours agi. Mais l’ampleur de notre mouvement, celui qui aura lieu le 23, est proportionnel à l’ampleur de la catastrophe. Nous sommes arrivés à l’explosion sociale et notre société est au bord de la banqueroute », assène-t-il en conclusion.

Pat.K.
Depuis l’an 2000, il est à la tête de la CGTL. Ghassan Ghosn, qui a remplacé Élias Abou Rizk à la présidence de la centrale syndicale, use de propos nuancés pour reconnaître que l’organisme qu’il représente a subi des changements après les accords de Taëf. Niant en bloc toutes les accusations mettant en cause l’immobilisme ou la neutralisation de la CGTL, il indique...