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CHALLENGE - Un diplomate américain au milieu de la foule du marathon Entre la course et les échanges amicaux, des idées sur le développement

Comment un ambassadeur américain, ex-secrétaire d’État adjoint pour le continent américain, peut-il se retrouver en train de courir le marathon de Beyrouth au milieu d’une foule bariolée et bruyante ? C’est pourtant ce qui est arrivé à M. Peter Romero, qui, à 52 ans, a couru 22 kilomètres seul, sans le moindre garde du corps, sous l’impitoyable soleil de Beyrouth.
Spécialiste du continent américain, ancien ambassadeur de son pays au Nicaragua au moment de la signature des accords de paix, ayant été en mission dans la plupart des capitales d’Amérique latine, il est venu pour la première fois au Liban pour participer au marathon. Une idée folle? Peut-être, mais surtout une grande curiosité de découvir ce pays où il a beaucoup d’amis.
De par ses fonctions, M. Romero a connu Mme Ivonne Abdel Baki, actuelle ministre au gouvernement équatorien, qu’il a d’ailleurs aidée au cours de sa visite aux États-Unis, lorsqu’elle avait rencontré l’ancien président Bill Clinton. C’est à cause de la famille et des amis de cette dernière qu’il a décidé d’entreprendre le voyage, convaincu par le consul honoraire de l’Équateur en Turquie, M. Fadi Nahas, de se rendre à Beyrouth. Ce dernier avait d’ailleurs aussi convaincu un groupe de Turcs de tenter aussi leur chance pour le marathon, trouvant là un bon prétexte pour faire connaître son pays.
Les Turcs ont donc couru de leur côté et le diplomate américain s’est lancé tout seul dans la mêlée. L’ambassade des États-Unis avait proposé de lui envoyer une escorte, mais il a décliné l’offre, préférant se déplacer sans contrainte, avec des amis. Ayant démisionné du département d’État depuis un an, il se considère désormais comme un homme libre, soucieux de découvrir cette région, dans laquelle il n’avait jamais été muté, à sa propre demande, car il y jugeait la situation beaucoup trop compliquée.

Des structures parallèlles pour prendre le relais
Malgré ses muscles endoloris, M. Peter Romero s’est donc retrouvé, dimanche soir, à dîner chez M. Saïd Joumblatt, dont l’épouse est la sœur de Mme Abdel Baki, avec M. Nahas, le groupe turc et quelques invités. Assailli par un flot de questions sur la politique de son pays dans la région, le diplomate n’a pas cherché à la défendre, se contentant d’expliquer aux personnes présentes que lorsque les structures officielles sont dans l’impasse, c’est l’initiative privée qui doit prendre le relais. Selon lui, ce sont les liens entre la diaspora libanaise et les habitants du pays qui peuvent sauver le Liban en créant des institutions parallèlles œuvrant pour le développement social. Si le Liban occupe une place infime dans la stratégie américaine au Moyen-Orient et si, malgré le Syria Accountability Act, les Américains ne sont pas sur le point de mener une action militaire pour obliger la Syrie à retirer ses troupes du Liban, cela ne devra pas empêcher les Libanais de mettre la pression pour plus de démocratie, plus de développement et plus d’éducation.
Ces trois éléments sont d’ailleurs indissociables, selon lui. Puisque c’est en donnant un meilleur niveau d’éducation que l’on donne aux citoyens une plus grande conscience de leurs droits, que l’on crée plus d’emplois et que l’on aboutit à un meilleur niveau de vie, source de développement durable.
C’est aussi le meilleur moyen de desserrer l’emprise des radicaux, religieux ou autres, sur la population. Il faudrait donc créer des réseaux parallèlles, à travers des collectivités locales qui œuvreraient pour l’intérêt commun. Si une partie de l’argent envoyé par la diaspora est versé à ces collectivités locales, au lieu d’être utilisé uniquement par les familles ou peut-être par les institutions religieuses, via les dons des émigrés, cela pourra entraîner un développement direct et concret qui ne dépendrait pas des initiatives de l’État et encore moins d’une aide internationale de plus en plus aléatoire.
La vision de M. Romero tourne autour de l’importance du business, élément rassembleur entre les individus. Travailler, produire et chercher à vendre ses produits contraignent à l’ouverture, aux contacts et forcément à réduire le fossé entre les différentes composantes de la société et même entre les peuples.
Les Libanais qu’il connaît sont pour M. Romero un véritable modèle de créativité et d’esprit d’initiative. Il faudrait donc utiliser ces richesses pour améliorer le quotidien des gens, au lieu d’attendre dans une paralysie quasi totale un déblocage régional qui est loin d’être imminent. En tout cas, l’ancien diplomate est convaincu qu’une année difficile attend la région et c’est pour cela que l’initiative personnelle est indispensable. Lui-même est venu en éclaireur, dans le désir de renforcer les liens personnels avec les peuples de la région, frayer la voie aux échanges et au développement, loin des idéologies rigides, une voie visant à améliorer le quotidien des hommes, en espérant que la politique puisse suivre le mouvement. L’idée est courageuse et elle a soulevé l’enthousiasme des personnes présentes.
Reste à la concrétiser sans devoir attendre le second matrathon prévu à l’automne 2004.
Scarlett HADDAD
Comment un ambassadeur américain, ex-secrétaire d’État adjoint pour le continent américain, peut-il se retrouver en train de courir le marathon de Beyrouth au milieu d’une foule bariolée et bruyante ? C’est pourtant ce qui est arrivé à M. Peter Romero, qui, à 52 ans, a couru 22 kilomètres seul, sans le moindre garde du corps, sous l’impitoyable soleil de...