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ÉCLAIRAGE Le président de la République propose de sérieux amendements à la loi de finances Nouveau rapport de forces en perspective entre Lahoud et Hariri

Une petite phrase lâchée hier par un ministre résume peut-être le mieux la cause de l’état de paralysie dans lequel le pays est plongé du fait des relations tendues entre Baabda et Koreytem : « Rafic Hariri souhaite lancer un projet de réforme financière dont le mérite ne reviendrait qu’à lui, ce que le général Lahoud ne permettra pas. »
La guerre froide déclarée depuis des mois entre les deux pôles de l’Exécutif, sur fond de tiraillements visant à redéfinir un rapport de forces sur le plan local, risque fort de prendre un nouveau tournant aujourd’hui en Conseil des ministres puisque le gouvernement – fait rare – est appelé à examiner deux formules pour le projet de budget 2004, reflétant les deux courants de pensée antinomiques qui commandent l’Exécutif: la première, préparée par le ministère des Finances, est réduite à sa plus simple expression, dans la mesure où elle ne fait aucune mention de la politique financière et économique que toute loi de finances est pourtant censée refléter et se contente de dresser le bilan des dépenses et des recettes prévues pour l’exercice prochain ; la deuxième, élaborée par Baabda, renferme des propositions se situant dans le prolongement de l’idée de l’État providence que préconise le chef de l’État.
Mais il ne s’agit pas de sa seule particularité: le document rendu public en fin d’après-midi, hier, par la présidence constitue en quelque sorte un désaveu de la politique du gouvernement en matière de finances dans la mesure où il accuse sans ambages l’équipe Hariri de manquer de transparence et s’en prend nommément au ministre des Finances, Fouad Siniora, pour ses commentaires, jugés déplacés au sujet du projet de budget. Il y a deux jours, M. Siniora affirmait en substance dans une déclaration à la radio qu’il avait fait en sorte que les considérations politiciennes n’influent pas sur la loi de finances comme cela s’était passé l’année dernière, ce qui avait abouti à un échec des engagements pris en vue d’un redressement politique. Et lorsqu’il avait présenté le projet de budget à la presse, le 28 septembre dernier, il avait affirmé, pour justifier l’absence de propositions de réformes structurelles dans le texte, que « le climat politique dans le pays ne permet pas d’entreprendre les réformes nécessaires ».
En réagissant vivement aux propos du ministre des Finances dans le dossier qu’elle doit soumettre aujourd’hui pour étude en Conseil des ministres, la présidence a indiscutablement pavé la voie à un débat politique qui dépasse le cadre de l’examen budgétaire.
La hache de guerre a-t-elle été déterrée ? Quelques heures avant que le dossier présidentiel ne soit rendu public, des sources ministérielles ont exclu que le conflit Lahoud-Hariri n’éclate au grand jour lors du Conseil des ministres extraordinaire, dans la mesure où la présidence reste engagée au taux prévu par le ministère des Finances pour 2004. Cet engagement s’est d’ailleurs reflété dans les amendements qu’elle propose.
En soirée, de sources proches du gouvernement, on a également exclu que M. Hariri réagisse vigoureusement aux modifications que Baabda souhaite apporter au projet de budget, le souci principal du Premier ministre, ont-elles expliqué, étant d’obtenir une réduction du service de la dette publique, conformément aux engagements pris à Paris II. De mêmes sources, on a précisé dans le même ordre d’idées que M. Hariri accorde peu d’importance à la répartition des sommes allouées aux ministères, du moment que le chiffre prévu pour les dépenses n’est pas dépassé.
Reste à savoir si le Premier ministre pourra faire le dos rond face aux amendements substantiels proposés pour le chapitre réservé au budget de la présidence du Conseil et qui, d’un point de vue politique, ne peuvent être interprétés que comme une tentative de lui rogner les ailes. En effet, le texte proposé par Baabda confie à des ministères, notamment les Travaux publics et le Tourisme, la gestion des fonds qui étaient initialement gérés par le CDR. À titre d’exemple, l’entretien de l’AIB, pour lequel 23 milliards de livres sont consacrées, sera du ressort des Travaux publics et non plus de cet organisme. Les 133 milliards de livres également destinées au CDR pour financer un plan quinquennal de développement doivent être supprimées au cas où les amendements seraient approuvés. La raison : « Nous ignorons les projets qui seront financés avec cet argent d’autant plus que le plan quinquennal dont il est question n’existe pas », indique le document de Baabda, qui ajoute: « Une somme similaire a été consacrée aux mêmes fins l’année dernière, mais nous ignorons comment et sur quels projets elle a été dépensée. »
Si les ministres interrogés ne s’attendent pas à de grands éclats durant la réunion d’aujourd’hui, il reste que l’approbation du projet de budget ne sera pas facile. Non pas parce que M. Hariri semble également déterminé à défendre son point de vue concernant la privatisation de la téléphonie mobile – autre sujet de discorde avec le chef de l’État – mais parce que la bataille qui sera menée aujourd’hui se situe autour du rapport des forces au sein du pouvoir.
Le débat risque de se prolonger au-delà des deux séances consacrées, aujourd’hui et demain, à l’examen du projet de loi de finances. Une troisième séance pourrait être nécessaire jeudi, ce qui fait que l’ordre du jour de la réunion ordinaire du Conseil des ministres, prévue ce jour-là, n’a pas été distribué hier, comme d’habitude.
Tilda ABOU RIZK
Une petite phrase lâchée hier par un ministre résume peut-être le mieux la cause de l’état de paralysie dans lequel le pays est plongé du fait des relations tendues entre Baabda et Koreytem : « Rafic Hariri souhaite lancer un projet de réforme financière dont le mérite ne reviendrait qu’à lui, ce que le général Lahoud ne permettra pas. »La guerre froide déclarée...