Communautés - L’ancien ministre a accepté la mission sur proposition de Sfeir et avec l’appui de Lahoud Michel Eddé président de la Ligue maronite pour une période transitoire de restructuration (PHOTO)

Restructurer profondément la Ligue maronite et repenser son rôle afin de lui insuffler une nouvelle dynamique : telle est l’essence de la mission qui incombe désormais à l’ancien ministre Michel Eddé qui assure depuis hier la présidence de la Ligue maronite pour une période transitoire consacrée à cette opération de refonte globale. C’est sur proposition expresse du patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir – appuyée en cela, avec insistance, par le président de la République, Émile Lahoud – que M. Eddé a finalement accepté, non sans quelques hésitations, à accomplir cette tâche à la tête d’un comité exécutif restreint comprenant, outre M. Eddé, les anciens magistrats Mounir Honein, Maurice Khawam, Édouard Eid et Robert Farhat. La formation de ce comité restreint, qui œuvrera en étroite coopération avec Mgr Youssef Bechara, a été avalisée au cours d’une assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue dans la matinée d’hier au siège de la Ligue, à la Quarantaine.
La nécessité d’une restructuration de la Ligue et d’une redéfinition de son rôle avaient été suggérées par une commission ad hoc qui avait été désignée en avril dernier par le patriarche maronite en vue d’examiner les moyens de donner un nouveau souffle à la Ligue, de manière à lui permettre d’adapter son action aux nouvelles réalités apparues dans le pays ces dernières années. Cette commission ad hoc, présidée par Mgr Youssef Bechara, était formée des anciens présidents de la Ligue, des anciens ministres Michel Eddé et Michel el-Khoury et des anciens bâtonniers Chakib Cortbaoui et Michel Khattar. La commission a tenu quatorze réunions et a soumis son rapport au cardinal Sfeir en août dernier. Ses recommandations ont porté sur les grandes lignes directrices suivantes : les maronites se doivent d’enclencher une opération de refonte globale de leurs institutions, dont notamment la Ligue ; il est nécessaire d’opérer une restructuration et une réorganisation de la Ligue et non pas seulement un simple amendement de son statut interne ; les relations avec Bkerké doivent être renforcées ; il est nécessaire de rechercher des solutions au problème du financement ; un rôle accru doit être accordé à la diaspora.
Sur base du rapport de la commission ad hoc, Mgr Sfeir a adressé le 12 septembre dernier au comité exécutif en exercice, présidé par l’émir Harès Chéhab, une note dans laquelle il lui demande de convoquer l’assemblée générale à une réunion extraordinaire afin de lui soumettre sa proposition de désigner un comité restreint transitoire, présidé par M. Eddé, chargé d’élaborer un projet de restructuration.
C’est donc hier que cette assemblée extraordinaire s’est tenue en présence de 287 membres sur les 320 qui ont versé leurs cotisations annuelles (et qui sont donc habilités à voter). Étaient notamment présents les députés Georges Frem, Farès Souhaid, Mansour el-Bone, Henry Hélou, Samir Azar, Robert Ghanem, Fouad es-Saad et Neematallah Abi Nasr, les anciens commandants en chef de l’armée, Ibrahim Tannous, Iskandar Ghanem et Victor Khoury, les anciens bâtonniers de l’Ordre des avocats et de nombreux magistrats.
Au début de la réunion, le président sortant de la Ligue a demandé aux membres d’observer une minute de silence en mémoire de Pierre Hélou. M. Chéhab a ensuite prononcé un discours dans lequel il a souligné que le comité exécutif sortant qu’il présidait ainsi que celui qui l’a précédé s’étaient fixé pour objectif d’amender le statut interne, datant de 1997. Trois commissions, comprenant des juristes, ont planché sur la question « mais au terme de cette étude, a précisé M. Chéhab, il nous est apparu qu’il était nécessaire de ne pas se contenter d’un simple amendement technique mais de réviser les fondements mêmes du statut interne, de la structure et des modalités d’action au Liban et à l’étranger ».
Après avoir souligné que la Ligue est formée, conformément à son statut interne, d’une élite comprenant les maronites ayant occupé des postes de responsabilité dans les secteurs public et privé, M. Chéhab a déploré la démobilisation de la plupart des membres de la Ligue. « Sur les 1 200 membres, a-t-il indiqué à ce propos, l’écrasante majorité ne joue aucun rôle et moins de 10 pour cent participent aux assemblées générales ou à l’action que nous menons. Certes, la Ligue doit demeurer une institution regroupant une élite, mais pour qu’elle puisse atteindre ses objectifs, il est nécessaire que ses membres soient engagés dans une action s’inscrivant dans le cadre de la mission qui lui est impartie. Jusqu’à ce jour, la Ligue s’est contentée de suivre les développements dans le pays et de prendre position sur ce plan. Mais à la lumière des changements survenus dans notre société, nous avons besoin de mettre sur pied une nouvelle Ligue qui puisse avoir une influence sur le cours des événements. »
En conclusion, M. Chéhab a déclaré : « Les maronites traversent aujourd’hui une phase historique. Ils possèdent un large éventail d’atouts et de potentialités qui leur permettent, s’ils sont bien exploités, de jouer à nouveau un rôle d’avant-garde avec les autres composantes du tissu social libanais. Nous avons besoin d’une refonte totale de nos institutions afin de faire face aux impératifs du moment. »

Le message de Sfeir
M. Chehab a ensuite donné la parole au secrétaire général de la Ligue, Khalil Karam, qui a donné lecture du message adressé par le patriarche maronite au comité exécutif sortant, à la suite du rapport de la commission ad hoc formée en avril dernier. Dans son message, le cardinal Sfeir avalise les recommandations de la commission, notamment en ce qui concerne la nécessité d’une restructuration globale, le renforcement des liens avec Bkerké, la recherche de sources de financement, la consolidation des liens avec la diaspora et la nécessité de tenir la Ligue à l’écart des tiraillements politiques.
Le cardinal Sfeir a, par ailleurs, suggéré les mesures suivantes : créer un cadre de travail pour les membres de l’assemblée générale qui seraient répartis à cet effet dans des commissions se rapportant à leur activité professionnelle ; créer des instances, telles qu’un conseil de délégués ou un conseil de secrétaires, appelées à accompagner l’action du comité exécutif ; ouvrir l’adhésion non seulement aux maronites qui assument des postes de responsabilité, mais aussi à ceux qui sont susceptibles de « militer et de s’engager à réaliser les objectifs de la Ligue, conformément aux orientations du synode maronite ».
En conclusion, Mgr Sfeir a réclamé la convocation d’une assemblée générale extraordinaire afin qu’elle approuve la formation du comité exécutif restreint qu’il a suggéré.
Après la lecture du message du patriarche, M. Chéhab a soumis la proposition de Mgr Sfeir au vote. La proposition a alors été approuvée à l’unanimité, à main levée.

Le discours de Eddé
Le nouveau président de la Ligue, M. Eddé, a ensuite pris la parole. Il a d’abord rendu un hommage émouvant à feu Pierre Hélou, mettant l’accent sur l’empreinte qu’il a laissée en tant qu’ancien président de la Ligue ainsi qu’au niveau national. M. Eddé a ensuite remercié le patriarche maronite pour la confiance qu’il a placée en lui, de même qu’il a exprimé ses remerciements au président Lahoud pour son appui à l’initiative de Mgr Sfeir portant sur la formation du comité restreint chargé de mener l’opération de restructuration.
Après avoir souligné que « les maronites devraient rester la pierre angulaire de la formule avant-gardiste de coexistence au Liban », M. Eddé a souligné le caractère historique du récent synode maronite qui s’est tenu en juin dernier et de l’Exhortation apostolique (rendue publique au terme de la visite du pape Jean-Paul II au Liban). « Ces deux événements, a-t-il souligné, sont historiques, compte tenu des circonstances et des changements sur les plans libanais, arabe, régional et international. L’Exhortation et le synode ont avancé des solutions et des propositions qui devraient être à la base de l’action de nos institutions religieuses et laïques. »
Rendant hommage à l’action des anciens présidents et responsables de la Ligue, M. Eddé a souligné qu’il bâtira son action sur ce qu’ont réalisé ses prédécesseurs. “ Nous n’avons pas de solutions préconçues, a déclaré M. Eddé. Nous avons plutôt des orientations, certaines idées et une méthodologie de travail. Je m’engage à nous conformer aux orientations du patriarche et à nous inspirer dans notre action du patrimoine maronite, de l’Exhortation apostolique, des recommandations du synode maronite, ainsi que des constantes de la Constitution, notamment en ce qui concerne l’attachement au régime parlementaire démocratique, l’appartenance arabe et les fondements du Liban, axés sur la liberté, la justice, la diversité religieuse et la coexistence, loin de tout extrémisme, d’où qu’il vienne. »
M. Eddé a, d’autre part, souligné que le Liban devrait rester « le creuset du dialogue des cultures et des religions afin d’être un exemple face aux thèses sur le prétendu conflit de civilisations ». Il a rappelé à ce sujet les propos du souverain pontife qui avait souligné, à l’occasion de la publication de l’Exhortation apostolique, que « les chrétiens du Liban devraient préserver et renforcer leurs liens de solidarité avec le monde arabe, de même qu’ils devraient mettre à profit leur adhésion à la culture arabe, à laquelle ils ont largement contribué, afin d’engager, tout comme les autres chrétiens du monde arabe, un dialogue sincère avec les musulmans ».
En conclusion, M. Eddé a souligné que la mission du nouveau comité exécutif ne pourrait être menée à bien qu’avec le concours de tous les membres de la Ligue. « Nous avons besoin d’œuvrer ensemble, et nous sommes en mesure d’œuvrer ensemble », a-t-il souligné sous les applaudissements de l’assistance.

M.T.