Diplomatie - Moratinos a effectué hier une tournée auprès des dirigeants libanais Lahoud réaffirme la position attentiste du Liban concernant la « feuille de route »

Quelques jours avant l’ouverture des travaux de la conférence euro-méditerranéenne qui se tiendra en Crète les 26 et 27 mai, et à laquelle participera le chef de la diplomatie, Jean Obeid, l’émissaire européen pour le processus de paix, Miguel Angel Moratinos, a effectué hier une tournée auprès des dirigeants libanais, s’entretenant successivement avec le président de la République, le général Émile Lahoud, avec le chef du gouvernement, Rafic Hariri, et avec le ministre des Affaires étrangères, Jean Obeid. À sa sortie du palais Bustros, M. Moratinos a notamment indiqué que l’Union européenne comprenait les appréhensions du Liban concernant une implantation des réfugiés palestiniens sur son territoire. Le chef de l’État a réaffirmé pour sa part qu’il était « prématuré » pour son pays de prendre position à l’égard de la « feuille de route ».
Le chef de la diplomatie a reçu pendant quarante-cinq minutes l’émissaire européen, en présence du secrétaire général du palais Bustros, Mohammed Issa, et du directeur des Affaires politiques, Nagi Abi-Assi. Au centre des discussions, deux sujets majeurs, déjà évoqués lors de l’escale beyrouthine du haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère, Javier Solana : les préparatifs liés à la conférence euro-méditerranéenne, qui se tiendra en Crète les 26 et 27 mai, ainsi que la « feuille de route » du quartette euro-américano-russo-onusien, consacrée au règlement du conflit israélo-palestinien.
L’ambassadeur Moratinos s’est félicité de la participation du Liban à la conférence crétoise. « Le Liban joue un rôle essentiel dans le partenariat euro-med. Le ministre Obeid m’a assuré que son pays participera d’une manière active, et je suis sûr que le Liban ne se contentera pas d’apporter avec lui son expérience ou sa réalité de multiculturalisme, mais qu’il sera armé d’une véritable décision politique qui ne pourra que développer ces nouvelles relations » euro-méditerranéennes.
Pour lui, cette conférence est « une étape cruciale dans l’évolution des relations entre l’Union européenne et ses voisins les plus proches, notamment après la crise irakienne ». Le diplomate européen a précisé que cette conférence, à laquelle participeront Israël ainsi que les pays arabes signataires du processus de Barcelone – « c’est la première fois depuis 1995 » –, sera informelle. « Et l’on sait que lorsque c’est informel, c’est souvent bien plus riche en idées », a-t-il indiqué. Précisant que les débats porteront sur la situation au Proche-Orient et sur le processus de paix et ses défis vus sous l’angle euro-méditerranéen, ainsi que sur des questions économiques, culturelles et sociales. Le dossier du terrorisme prendra également une place importante au cœur des discussions crétoises.
Deuxième sujet à l’ordre du jour de l’entretien Obeid-Moratinos : la « feuille de route ». Le diplomate européen est venu prendre (bonne) note des réactions de Beyrouth au plan du quartette, dont Jean Obeid avait officiellement reçu une copie des mains de Javier Solana, il y a près d’une semaine. « L’UE est prête, de même que l’ensemble du quartette, à donner au Liban un espoir de paix et d’essor pour la région », a-t-il dit, en précisant qu’il avait informé le ministre Obeid des derniers développements dans la crise israélo-palestinienne.
Interrogé sur la réaction de Beyrouth, qui avait répondu à la formule « Le Liban soutient la “feuille de route” » de Javier Solana par un « Cela est bien prématuré », Miguel Angel Moratinos a fait écho au haut représentant européen pour la politique étrangère, en répétant que le Liban avait dit qu’il accepterait ce que les Palestiniens accepteront.
Il a également rappelé les craintes et les interrogations du Liban au sujet du devenir des réfugiés palestiniens, soulignant qu’il fallait traiter ce dossier « minutieusement et avec concentration ». « Je me rends au Liban depuis six ans et demi, et nous avons compris les appréhensions du Liban en ce qui concerne les réfugiés. Je pense que c’est un sujet fondamental, et j’ai toujours fait en sorte d’assurer aux dirigeants libanais que l’UE prend tout cela très au sérieux », a-t-il ajouté.
D’autre part, à la veille de son départ demain pour la Grèce, M. Obeid a appelé au téléphone son homologue syrien Farouk el-Chareh pour des concertations au sujet des questions qui seront soulevées à la conférence euro-med, en l’occurrence : le processus de paix dans la région et son corollaire, la « feuille de route », la situation en Irak et le terrorisme.

Au palais de Baabda
De son côté, le président de la République, Émile Lahoud, a émis l’espoir de voir les États-Unis continuer à soutenir la position du Liban, dont a été informé le secrétaire d’État US, Colin Powell, lors de son escale beyrouthine il y a quelques semaines. Et qui consiste en l’urgence de trouver une solution juste et équitable au problème dans lequel se débat le peuple palestinien – une solution qui garantirait leur droit au retour et leur non-implantation au Liban.
Le président Lahoud a également évoqué le retrait israélien des territoires occupés au Liban et en Syrie, condition nécessaire selon lui à l’instauration d’une paix juste, durable et globale dans la région. « Il serait fort utile que les Américains et les autres membres du quartette restent attachés au bon aboutissement de ces deux points », a-t-il indiqué, soulignant que le Liban attend toujours que les parties concernées se prononcent clairement sur la « feuille de route », pour le faire à son tour.
Et toujours devant Miguel Angel Moratinos, le chef de l’État a déclaré que les efforts fournis par le quartette pour stopper l’escalade au Proche-Orient « se heurtent aux agressions continues d’Israël à l’encontre des Palestiniens, comme aux bâtons que l’État hébreu met dans les roues de la “feuille de route” et de son application ».
M. Moratinos a déclaré pour sa part : « Nous comprenons les craintes libanaises. Mais ces craintes doivent être abordées et résolues au moment opportun. »
« Nous sommes encore au début de l’application de la “feuille de route”. C’est pour cela que nous appelons à concentrer nos efforts sur le lancement du processus », a-t-il ajouté.
« La question des réfugiés palestiniens au Liban et celle des Palestiniens en général sont incluses dans la dernière phase de la “ feuille de route” », a souligné M. Moratinos.
« J’espère que dans les jours et semaines à venir, nous aurons l’occasion de progresser sur le volets palestino-israélien de même que sur les volets libanais et syrien » des négociations de paix, a-t-il déclaré.