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Le projet de budget risque de provoquer de nouveaux conflits au sein du système

Le projet de budget 2004 risque de cristalliser un regain de confrontation au sein du pouvoir en place. Que cela soit en Conseil des ministres ou, ultérieurement, à la Chambre. D’autant que, contrairement aux autres sujets qui fâchent, ce dossier ne peut être mis sur une étagère et gelé, au nom de la trêve.
Le ministre des Finances, Fouad Siniora, a élaboré, peut-être à dessein, ou sous la contrainte de circonstances déterminées, un texte expurgé. Il a escamoté ou éludé les éléments susceptibles d’entraîner de forts remous, comme le relèvement des impôts. Mais il a, du même coup, gommé les mesures visant à l’assainissement des finances publiques. Siniora ne souhaite visiblement pas assumer seul la responsabilité d’une telle réforme qui serait forcément vouée à l’échec si chacun n’y met pas du sien. Il ne veut manifestement pas essuyer une prévisible grogne populaire et parlementaire que certains exploiteraient à des fins électorales.
En tout cas, le temps où l’on parlait de stratégie de redressement est bien révolu. Siniora présente au Conseil des ministres un texte neutre, pour lui laisser le soin de l’amender éventuellement à sa guise. Et d’en assumer la responsabilité devant le Parlement. En sachant pourtant que le budget 2004 tourne carrément le dos aux engagements pris à Paris II. Et contredit les directives pressantes du Fonds monétaire international en ce qui concerne la réduction des frais et du déficit. Ce qui risque d’aggraver la crise au point que ce même Fonds monétaire soit obligé d’intervenir directement et d’imposer des mesures draconiennes à haute dose d’impopularité. De plus, il est évident qu’au fur et à mesure que l’on se rapprochera de la présidentielle, le climat politique interne va se tendre et s’alourdir. À quoi s’ajoutent les inquiétants remous régionaux. Du côté extérieur, il faut dès lors souhaiter que les autorités locales conjuguent leurs efforts pour obtenir un délai de grâce, dans l’espoir d’une amélioration dans les mois à venir.
Pour en revenir à Siniora, il risque de faire les frais d’un paradoxe facile : il aurait été sûrement attaqué s’il avait opté pour un budget engagé. Et il va certainement l’être, pour avoir choisi un texte plat ! On lui reprochera, sans doute, l’excuse même dont il se prévaut. À savoir que le climat politique bloque toute dynamique positive et impose un budget vide de sens. On lui remontrera en effet qu’en ce disant, il politise la question des finances publiques et l’utilise, subtilement, pour servir les intérêts du camp haririen. Objectivement, cependant, ces observations constitueraient un simple procès d’intentions. Car on voit mal comment Siniora aurait pu insuffler de la vie à son projet quand les tiraillements interprésidentiels concourent à tout paralyser.
On sait en effet que les dirigeants ne s’entendent ni sur le palais des congrès, ni sur le cellulaire, ni sur la formation d’un comité ministériel de suivi, ni sur la Sécurité sociale, ni sur les privatisations. Dans l’état actuel des tensions, Siniora, en augmentant les impôts ou même la TVA, aurait provoqué une tempête mettant le pays, le système et le camp loyaliste au bord d’un clash définitif, irréparable. Il s’est résigné à se priver de ressources supplémentaires, donc à maintenir lui-même la tête du Trésor sous l’eau, comme prix à payer pour la sauvegarde d’un minimum de calme politique et social. Siniora a même sacrifié ses dadas connus : la révision à la baisse des indemnités de fin de service, des pensions de retraite et l’extension de l’horaire officiel. Le ministre ne mentionne pas non plus les biens domaniaux maritimes, qui ont représenté pour l’État, cette année, un manque à gagner de 80 milliards de LL. Parce que la Chambre traîne encore les pieds pour l’adoption des réglementations d’arbitrage. De plus, Siniora, si sourcilleux sur les dépenses d’habitude, prévoit avec flegme, dans son projet, un accroissement des crédits, d’ordre politique, engagés pour servir, d’une manière ou d’une autre, les intérêts ou l’influence de pôles déterminés. Ainsi le Conseil du Sud, au lieu d’être supprimé, voit son budget passer de 45 à 60 milliards (de livres). La Caisse des déplacés fait encore mieux, puisqu’elle obtient 60 milliards contre 15 pour l’année en cours !

Émile KHOURY
Le projet de budget 2004 risque de cristalliser un regain de confrontation au sein du pouvoir en place. Que cela soit en Conseil des ministres ou, ultérieurement, à la Chambre. D’autant que, contrairement aux autres sujets qui fâchent, ce dossier ne peut être mis sur une étagère et gelé, au nom de la trêve.Le ministre des Finances, Fouad Siniora, a élaboré, peut-être à...