Internal Affairs*

Panem et circenses. Du pain, d’abord, des jeux ensuite, réclamait le peuple de Rome.
Des jeux de cirque, on nous en offre bien plus que nous n’en demandons. Mais le pain, le pain qui passe avant tout, qui s’en préoccupe, qui s’en occupe ?
La République (des camarades) est une nouvelle fois en émoi. Des jours durant, les bagarres de Clochemerle entre frères ennemis obligent la presse, complice involontaire d’un détournement d’attention (s) publique(s), à leur consacrer la une, plus deux ou trois pages intérieures.
Il ne faut sûrement pas minimiser l’importance institutionnelle de prises de bec qui mettent en jeu les libertés ou la démocratie. Mais ces crises, à répétition, minent le pays depuis de trop longues années. Et, surtout, elles phagocytent, elles monopolisent la vie publique. En entraînant, veut-on seulement s’en rappeler chez les soi-disant professionnels, le pays vers la faillite économique et financière.
Parce qu’il y a des élections en vue, tantôt les présidents tantôt les frères se battent comme des chiffonniers. Leurs partisans mis à part, quel individu parmi nous se sent concerné, sinon à se dire que l’on est en train de lui gâcher la vie ? Le chômage, par exemple, l’industrie en difficulté, les entreprises qui battent de l’aile, les agriculteurs dont on a volé le marché, l’eau, l’électricité, les routes qui tuent, tous les vrais, les durs problèmes, aucun responsable, mais aussi aucun opposant, n’en fait vraiment son cheval de bataille. Sauf à exploiter de temps à autre ces thèmes à des fins démagogiques. Et jamais, d’ailleurs, au point qu’ils constituent le pivot d’une lutte qui ne soit pas d’influence, mais d’intérêt public bien compris. Finalement, il y va de notre faute à nous, la faute d’un peuple qui se laisse mourir à petit feu, sans réagir, sans crier basta. Sans avoir rien appris.
Jean ISSA

* Titre français : Affaires privées, de Mike Figgis, 1990, avec Richard Gere et Andy Garcia.