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Actualités

Conseil des ministres probablement calme demain


Ordinairement, une décadence s’annonce comme une période contrastée, faite à la fois d’une décomposition mortelle du corps social, et des flamboyances glauques que la corruption organique génère.
Ici, Taëf se meurt dans les conditions les plus sordides qui se puissent imaginer. Sans même la beauté noire que des poètes maudits, comme Baudelaire, prêtent au mal sinon au diable. Une querelle de clocher à Clochemerle n’est pas précisément ce que l’on peut appeler une fin glorieuse. Et c’est un faire-part quasi honteux que des opposants néanmoins taëfistes balbutient à l’adresse du public. Une sorte d’aveu implicite d’une responsabilité partagée : en réclamant un changement de pouvoir, ces personnalités oublient d’une part qu’elles y ont adhéré. Et omettent, d’autre part, d’indiquer quel peut bien être le système de remplacement. Ce qui donne à penser que, finalement et à tort, elles confondent l’ordre (?) établi avec le personnel en place.
Tout cela sent donc un peu trop la précampagne électorale. En vue de la présidentielle d’abord, des municipales et des législatives ensuite. Or, malgré la force de la secousse Bteghrine, l’opinion libanaise ne semble pas vouloir, cette fois, donner dans le panneau des politiciens, toutes tendances confondues. Dans ce sens qu’au niveau de la rue, comme de certaines professions libérales ou de quelques corps constitués, la question que l’on entend le plus souvent fuser aujourd’hui se résume comme suit : à quoi jouent-ils ?
Certains vétérans tentent, à leur manière, de cerner les polygones de culpabilité. Ils soutiennent ainsi que les causes de la crise chronique sont essentiellement de nature extérieure. Pour ces anciens, les éléments, les mécanismes importés ont fleuri sur un terreau de mentalités locales favorisant les appétences autochtones de lucre, de luxe et de puissance factice, sinon de vrai pouvoir. En d’autres termes, les étrangers ont joué sur les ambitions, sur les intérêts des uns ou des autres, pour mieux dominer la scène locale. Ils y sont facilement parvenus, et les intérêts particuliers ont fini par l’emporter largement sur le sens de l’État comme de l’intérêt national bien compris, chez les responsables libanais désignés ou parachutés.
Ces explications mi-figue, mi-raisin, qui dédouanent en partie le Libanais en tant que tel (bien qu’elles le déconsidèrent), conviennent assez à nombre de piliers de la Rencontre de Kornet Chehwane. Pour qui la cause est entendue : le fautif, c’est le pouvoir en place. Ils lui reprochent, avant tout, de se montrer incapable de renverser la vapeur et le cours des choses. C’est-à-dire d’inverser le courant magnétique pour que de négatif il devienne positif. En d’autres termes, ces opposants pensent que s’il y avait eu un minimum de cohésion et de volonté de travail au sein de l’équipe dirigeante, au lieu d’un maximum de pugnacité catcheuse en circuit fermé, le pays serait déjà sorti d’affaire. Et il aurait accompli un bond en avant vers le retour à sa prospérité d’antan. Insistant sur ce slogan, qui date de quelques mois, des pôles de la Rencontre affirment pour leur part que les causes étrangères sont secondaires en regard de l’incapacité nocive du personnel dirigeant. Ils en exigent dès lors le départ, comme début de toute solution raisonnable. Pour ces contestataires, des responsables dignes de ce nom auraient eu à cœur de contrer d’éventuelles visées toxiques extérieures. Et ils auraient dû, en tout cas, mettre à profit le soutien sans réserve que la Syrie leur accorde pour ramener la barque nationale à bon port.
Du côté des prosyriens, rien de bien nouveau. Ceux d’entre eux qui reviennent de Damas affirment, comme toujours, que les décideurs sont fortement indisposés par les développements sur la scène libanaise. Dans le cas actuel précis, les Syriens font valoir, d’après ces témoins, que nul ne doit se considérer comme étant au-dessus des lois. Que nul ne doit se prévaloir d’un quelconque privilège acquis, ni se croire à la tête d’un royaume bien à lui. Les prosyriens ajoutent que Damas appuie à fond la ligne dite nationale. Dans ce cadre, elle se soucie de préserver ses amitiés mais en précisant qu’aucun pôle ne doit s’en autoriser pour transgresser les règles générales. Dont la toute première est le maintien de la stabilité politique autant que sécuritaire, en cette dangereuse phase régionale. Les mêmes sources ajoutent que sur un plan global, les décideurs soutiennent tout autant le gouvernement que le régime. En prônant l’entente comme la détente, notions qu’aucun pôle ne doit outrepasser en s’imaginant bénéficier d’une ombrelle tutélaire. Le message est assez clair. Et la volonté syrienne de calmer le jeu, comme les ardeurs intempestives de certains de ses poulains, devrait se traduire demain jeudi par un Conseil des ministres plutôt calme. Amorçant ce mouvement, un dirigeant affirme qu’il ne faut pas gonfler l’affaire de Bteghrine, surtout que de premières mesures de rectification ont été prises aussitôt. Cette personnalité ajoute que le chef de l’État ne permet pas que l’on joue avec la loi, qu’il suit de près les enquêtes en cours et interdit toute réédition des incidents, toute atteinte aux libertés constitutionnelles.
Philippe ABI-AKL
Ordinairement, une décadence s’annonce comme une période contrastée, faite à la fois d’une décomposition mortelle du corps social, et des flamboyances glauques que la corruption organique génère.Ici, Taëf se meurt dans les conditions les plus sordides qui se puissent imaginer. Sans même la beauté noire que des poètes maudits, comme Baudelaire, prêtent au mal sinon au...