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Actualités

Bonjour Les Vacances*

Le fair-play ne paye pas. Le cycliste Jan Ullrich a attendu Lance Armstrong, quand le champion est tombé sur les pentes du Tour de France. Et c’est ce deuxième qui a gagné, pas le premier !
Ici, les loyalistes proches du régime ne prennent aucun risque d’élégance sportive. C’est au moment où Hariri a le dos tourné, pour goûter au tournedos sarde, qu’ils lui décochent leurs flèches de Parthes les plus venimeuses. Allant bien plus loin que le régime qu’ils servent, ces ultras menacent d’ouvrir des dossiers (métaphore pudique pour scandales) mettant en cause le chef du gouvernement en personne. Pour abattre, dès à présent, leur jeu sous la forme d’une prétendue équation : ou tout le monde reste, ou tout le monde s’en va…
La campagne s’instrumentalise autour d’un thème présumé populaire : la lutte contre la corruption, en vue d’une vraie réforme administrative. L’objectif est double :
– Préparer l’opinion à la nécessité d’une prorogation du bail présidentiel. Justifiée par le fait que la modernisation de l’État, opération de longue haleine, ne peut être menée à bien que par les purs et durs déjà en place. Car personne d’autre ne dispose d’une autorité plus tangible sur le terrain. Comme veut en attester la participation des forces régulières au plan de recouvrement EDL.
– Exercer sur Hariri une pression suffisante pour qu’il accepte la reconduction. En le poussant sinon vers la sortie, du moins hors de ses gonds. Pour qu’il aille de lui-même à la faute. Et retombe en disgrâce auprès de Damas.
L’utopisme, sincère ou non, du premier point saute tout de suite aux yeux. Corriger les mœurs politiques, qui sont la matrice même de la corruption, s’attaquer donc aux mentalités, prendrait à tout le moins un demi-siècle. Sans compter qu’on détruirait un système dont on est soi-même un sous-produit. Don Quichotte aidant Samson à démolir le temple sur sa propre tête, un spectacle qu’on aimerait voir. Ensuite, sur le plan pratique, les leviers d’exécution sont manquants (faute de législations adéquates) ou défaillants à leur corps défendant. Il n’y a qu’à voir les pauvres âmes en peine, les voix criant dans le désert, que sont devenus tous les organismes dits de contrôle. Depuis le Conseil de la fonction publique jusqu’à la Cour des comptes, en passant par les différentes Inspections ou encore par la machine judiciaire elle-même. Ces départements se plaignent d’être ignorés, leurs rapports jetés au panier aussitôt que remis. Pire encore, ils gémissent d’être à la merci de l’immixtionnisme politicien, qui les bourre tellement de ses hommes à lui que leur marge de manœuvre autonome est réduite à zéro. Ces services de surveillance, d’organisation et de conseil, indispensables pour engager la réforme, ont eux-mêmes besoin d’être réformés. Par qui, puisqu’il leur est impossible d’effectuer ce travail sur eux-mêmes ?
En 1998, le cabinet Hoss, on le sait, avait tenté de prendre le taureau (ou l’hydre) par les cornes. Fiasco lamentable. Le régime soutient aujourd’hui que ses adversaires avaient fait capoter le projet. Comment l’auraient-ils pu, en étant hors du pouvoir ? Hoss, pour sa part, avait franchement reconnu les bavures commises. Et replié le dossier quelques mois avant de céder sa place à Hariri.
Il faudra donc voir quelle peut être la rentabilité tactique du mouvement tournant articulé autour du slogan de la réforme. Il ne s’agit là, en tout cas et de l’avis de tous les observateurs, que d’une manœuvre de harcèlement et de diversion. Par les flancs.
Car, au centre de la bataille-reconduction, il y a le décompte des voix, puisqu’on parle d’une élection. Si l’on fait abstraction des décideurs (qui, comme leur nom l’indique, détiennent la vraie décision), la majorité parlementaire se compose, pour l’essentiel, de trois grands blocs : Berry, Hariri, Joumblatt. Le premier attend sagement le fameux mot d’ordre final. Le deuxième espère que son veto à la reconduction pourra infléchir éventuellement le choix des grands électeurs. Surtout s’il peut s’appuyer sur un panel d’opposition assez large, et significatif. Il espère, dans ce cadre, bénéficier d’un soutien actif de la part de l’Est et tente, dès lors, de se rapprocher de Bkerké. Il souhaite, surtout, retrouver l’alliance de Joumblatt. Ce dernier, toutes proportions gardées, se retrouve donc en position d’arbitre. Pour le moment, il est à fond avec le régime. Mais, comme nul ne l’ignore, la versatilité n’est pas la moindre de ses qualités politiques.
Comme tous les autres, cependant, Joumblatt croit savoir qu’en définitive tout dépendra de la Syrie. Donc, de l’état des relations de cette puissance avec les États-Unis d’Amérique. Pour le moment, ces rapports sont mi-figue, mi-raisin. La pression US sur Damas semble décroître, en partie à cause de la dégradation en Irak, qui devient une priorité absolue pour Washington. Mais, au fil des jours, ce problème même pourrait de nouveau envenimer les échanges syro-américains. Surtout si la trêve en Palestine devait voler en éclats, le climat régional vibrant de nouveau au son des tambours de guerre. Quoi qu’il en soit, c’est dans ce champ précis que se prépare la moisson de la prochaine présidentielle libanaise. Il faut attendre quelques semaines, peut-être quelques mois, pour savoir comment, cette fois, les rôles vont se répartir, qui va désigner, qui va avoir un droit de veto. Sur les destinées de ce pays.
Jean ISSA

*National Lampoon’s Vacation, de Harold Ramis, 1983.
Le fair-play ne paye pas. Le cycliste Jan Ullrich a attendu Lance Armstrong, quand le champion est tombé sur les pentes du Tour de France. Et c’est ce deuxième qui a gagné, pas le premier !Ici, les loyalistes proches du régime ne prennent aucun risque d’élégance sportive. C’est au moment où Hariri a le dos tourné, pour goûter au tournedos sarde, qu’ils lui décochent...