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Consanguinité

C’est là une bien bonne nouvelle : que le chef de l’État se soit enfin décidé à mettre le doigt là où ça fait mal. Qu’il se soit enfin décidé à s’employer, par tous les moyens – du moment qu’ils sont légaux – à mettre à exécution son discours d’investiture prononcé il y a cinq ans – on essayera de comprendre comme on peut en se convaincant qu’en grand sage, il s’est hâté lentement... Qu’il se soit enfin décidé, par exemple, à offrir à l’EDL les moyens de sortir de sa mouise séculaire. Qu’il se soit enfin décidé à affirmer haut et fort que, désormais, plus personne ne pourra s’opposer aux réformes.
C’est effectivement une bien bonne nouvelle – même si elle ne l’est, pour l’instant, que sur le papier. D’autant que le sous-entendu est on ne peut plus clair, comme évidente est l’allusion au Premier ministre. L’on ne peut être que bien content de voir le chef de l’État gagner en assurance, appeler un chat (presque) un chat et cesser de perdre son temps et celui de ses concitoyens en lavages de cœurs stériles sur fond de guéguerres de prérogatives. Surtout que, pour une fois, l’accusation n’est pas surfaite : le maître de Koraytem a toujours eu une fâcheuse et wahhabite tendance à concevoir, définir et appliquer, d’une manière plus que personnelle, le concept de réformes. À entraver avec beaucoup de maestria les mesures réformatrices des uns ou des autres sous le prétexte, fallacieux, qu’elles ne correspondaient pas à sa vision politique et, surtout, économique des choses.
Sauf que le président de la République semble visiblement avoir, lui aussi, ses tics. Et l’un d’entre eux – particulièrement récurrent – s’est avéré être tout aussi dommageable que celui du président du Conseil. Souvent prompt à ne voir que la paille dans l’œil de Rafic Hariri et pas la poutre dans le sien – et encore moins celles, énormes, dans les yeux de ses lieutenants –, Émile Lahoud a scandaleusement brillé par ses silences, ses absences, ses « no hear no see, don’t tell don’t ask », à chaque fois que la démocratie, l’État de droit et les libertés publiques étaient massacrés dans le seul pays proche-oriental censé les sanctifier.
Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que ces putschs contre les fondements du Liban ont été, bien évidemment, nombreux, très nombreux, et tellement réguliers. Comme il n’est pas inutile de rappeler que ces concepts en question – aujourd’hui bien archaïques : démocratie, État de droit, libertés, justice indépendante, etc. – étaient l’hypercentre de la déclaration ministérielle cuvée 2000 de Rafic Hariri. C’était à l’époque, aussi, une bien bonne nouvelle, et l’on avait applaudi le Premier ministre comme aujourd’hui on claque des mains pour le chef de l’État. Sauf qu’à chaque viol infligé à ces credos, le Premier ministre ne trouvait rien de mieux à faire que d’aller bouder en Sardaigne, de marmonner que la vengeance est un plat qui se mange aussi glacé qu’une cassate, ou de se murer dans des silences qui, même s’ils en disaient long, résumaient à eux seuls toutes ses incapacités. Une question : sur quelle île pourrait donc bien aller bouder, dans quelques jours, quelques semaines, le chef de l’État ?
Émile Lahoud, Rafic Hariri et leurs tuteurs syriens aujourd’hui par trop handicapants, comprendront-ils un jour que réforme (celle que semble souhaiter Damas) sans principes républicains (ceux honnis par Damas, donc par Beyrouth) et principes républicains sans réforme ne serviront strictement à rien ? Sans doute jamais. Mais puisque pour l’heure la mode est aux réformes – et en particulier l’assainissement de l’agonisante EDL – et que le chef de l’État semble avoir beaucoup de choses à dire et à faire à ce sujet, il aurait bien mieux valu qu’il ne limite pas ses seules piques au Premier ministre. Il aurait pu faire tout un tour d’horizon... Puisque Nabih Berry a bon dos de clamer sur tous les toits que l’heure est aux comptes à rendre, lui qui a fait de la démagogie et du communautarisme un instinct de survie politique. Et que les ministres renflouent impunément les stocks impressionnants de fonctionnaires surnuméraires de leurs ministères. Sans parler de ces pauvres députés qui devront trouver – espérons-le – dans près de deux ans un autre argument électoral que la promesse faite à tel ou tel de leur circonscription de l’exonérer de ses factures d’électricité, d’eau, de téléphone et tutti quanti.
Restent un espoir et une certitude. Espérer que le dynamique, l’ultrazélé, le drogué du travail qu’est le ministre d’État chargé du Développement administratif, Karim Pakradouni, soit capable de gérer son maroquin autrement qu’il ne l’a fait avec sa carrière politique personnelle (sinon c’est d’une inutile et schizophrène réforme, mi-Jekyll mi-Hyde, que l’on risque d’hériter). Et garder en tête cette certitude énoncée un jour, presque par hasard, dans un communiqué d’un Kornet Chehwane désormais réduit, presque par sa faute, aux rôles de cinquième catégorie : « Un pouvoir de substitution est aujourd’hui indispensable. » Effectivement. Puisque, qu’ils soient présidents, ministres, députés, présidents de municipalités ou moukhtars, les actuels hommes politiques libanais ont en commun, dans leur écrasante majorité, quelque chose d’absolument létal pour leur pays : ils se ressemblent tous d’une façon effarante.

Ziyad MAKHOUL
C’est là une bien bonne nouvelle : que le chef de l’État se soit enfin décidé à mettre le doigt là où ça fait mal. Qu’il se soit enfin décidé à s’employer, par tous les moyens – du moment qu’ils sont légaux – à mettre à exécution son discours d’investiture prononcé il y a cinq ans – on essayera de comprendre comme on peut en se convaincant qu’en...