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Assomption - Messe traditionnelle, à Aïn-Saadé, à l’intention de la France « Nos liens avec les maronites ne se limitent pas à l’histoire ancienne », souligne le chargé d’affaires français

L’évêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar, a présidé hier, à l’occasion de la fête de l’Assomption, la messe traditionnelle annuelle à l’intention de la France. L’office divin, célébré au siège d’été de l’archevêché maronite, à Aïn-Saadé, a été suivi d’un déjeuner donné par Mgr Matar en l’honneur des diplomates français accrédités à Beyrouth et du personnel de l’ambassade.
Étaient notamment présents à la cérémonie religieuse et au déjeuner, le chargé d’affaires français, M. Christian Testot, ainsi que de nombreuses personnalités politiques et diplomatiques, dont notamment les députés Salah Honein et Ghassan Moukheiber, les anciens ministres Michel Eddé et Fouad Boutros, les anciens députés Pierre Daccache et Riad Aboufadel, le président de la Ligue maronite, l’émir Harès Chéhab, MM. Élias Abou Assi, membre du Rassemblement de Kornet Chehwane, et Massoud Achkar.
Au cours du déjeuner, M. Testot a prononcé une allocution dans laquelle il a évoqué l’histoire des relations entre son pays, d’une part, et les maronites et les Libanais en général, d’autre part, soulignant sur ce plan que les liens de la France avec la communauté maronite « ne sont pas seulement de l’histoire ancienne, mais aussi du présent et de l’avenir ». Mgr Matar a déclaré, de son côté, que « l’Église maronite ne revendique pas à elle seule le rôle de conduire le pays », mais les maronites désirent vivre dans un pays « jouissant de sa pleine souveraineté ».

L’allocution de Testot...
Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits du discours de M. Testot :
« Il y a dans toute relation forte des rituels ou des cérémonies qui donnent l’occasion de se retrouver à une date régulière pour, comme l’on dit, entretenir l’amitié. La messe que l’archevêque de Beyrouth célèbre chaque année le 15 août à “l’intention de la France” pour la fête de la Sainte Vierge et la réception qui la suit constituent l’un de ces rituels qui nous rappellent, à nous Français et représentants de la France, qu’il y a quelque chose de spécial entre la France et le Liban.
« Naturellement, cette rencontre aujourd’hui chez vous, Monseigneur, est placée sous le signe de la relation particulière que nous entretenons entre nous. Mais naturellement, cela ne signifie pas que nous oublions pour autant les liens profonds qui se sont tissés avec votre communauté en particulier, dont Napoléon III avait qualifié les membres, en recevant en 1867 le patriarche Massaad, alors en visite officielle en France, de “Français d’Orient”. Ces liens ne sont pas seulement de l’histoire ancienne, mais aussi du présent et de l’avenir, et je me contenterai de mentionner le rôle que vous jouez, votre Église, votre communauté et vous-même personnellement, Monseigneur, en faveur de l’enseignement scolaire et universitaire en français, qui est, comme vous le savez, l’une des priorités de notre politique de coopération.
« Il faut se réjouir que ces liens spécifiques, fondés sur un attachement profond à la langue française, sur l’instruction, la culture et la référence partagée à certaines valeurs universelles, soient devenus l’un des éléments, et non des moindres, d’une relation globale, celle que nous entretenons aujourd’hui avec le Liban dans toutes ses dimensions et toutes ses communautés.
« Cette relation et ce dialogue, que l’importance et la qualité de la communauté française au Liban et de la communauté libanaise en France suffiraient à justifier, couvrent tous les domaines, ceux de la diplomatie et du commerce naturellement, mais aussi, et peut-être surtout, ceux de l’éducation et de la culture à travers, notamment, nos établissements scolaires et culturels répartis sur l’ensemble du territoire libanais.
« Depuis notre dernière rencontre à Aïn Saadé, il y a un an, nos deux pays ont eu plusieurs occasions de célébrer et d’approfondir la relation qui les unit. Le sommet francophone en octobre 2002, remarquablement organisé par le Liban, a permis de mettre en valeur un thème qui a une résonance toute particulière ici, celui du dialogue des cultures. La tenue quelques semaines plus tard de la réunion dite « Paris II » a illustré un autre aspect de l’engagement de la France en faveur du Liban, celui du soutien aux efforts de redressement économique et financier du pays. Enfin, je mentionnerai la visite de M. de Villepin en avril dernier, la seconde en moins d’un an, qui a bien illustré l’attention que la diplomatie française porte aux positions et aux préoccupations du Liban.
« Les mois qui viennent donneront sans aucun doute de nombreuses occasions à nos deux pays de se retrouver. À cet égard, je suis heureux d’évoquer ici, en une telle occasion, l’importante visite officielle et pastorale que le patriarche Sfeir va effectuer dans un peu plus d’un mois en France, conformément à une longue tradition de contacts du chef de la communauté maronite avec les plus hautes autorités françaises. D’autres visites en France sont prévues, de ministres ou de responsables libanais, qui permettront de nourrir et d’approfondir le dialogue.
« La situation régionale actuelle, avec ses espoirs mais également ses incertitudes et ses motifs d’inquiétude, rend plus utile que jamais le maintien d’un contact étroit entre nos deux pays. L’engagement profond de la France en faveur des solutions pacifiques, son attachement aux perspectives actuelles de règlement dans la région en dépit de la permanence de tensions sérieuses, son souci que le Liban y soit pleinement associé, tout cela ne peut que nourrir un dialogue utile. Certes les défis sont importants pour votre pays, mais chacun sent bien qu’il saura les relever.
« Votre communauté vient, pour sa part, d’illustrer cette capacité des Libanais à se projeter dans l’avenir en dépassant les contraintes du présent, à travers la tenue d’un synode qui lui a permis, dès ses premiers travaux, d’évoquer les grandes questions de l’heure dans un esprit de modération, de coexistence et d’ouverture. »
Et de conclure : « Je voudrais, pour finir, vous redire, au nom de l’ambassade de France réunie ici, tout l’attachement que nous avons pour cette belle tradition qui nous permet, en célébrant la fête de la Vierge Marie, de célébrer aussi l’amitié qui nous unit. »

... et celle de Matar
De son côté, Mgr Matar a prononcé une allocution dont nous reproduisons les extraits suivants :
(...) « Certains pourraient s’interroger sur la forme de cette tradition qui leur semblerait peut-être d’un temps révolu. Quant à ceux qui goûtent aux joies de l’amitié vécue entre nos deux pays, la France et le Liban, ils y découvrent toujours une saveur nouvelle, comme un vin qui avec le temps ne fait que se bonifier.
« Personnellement, j’ai essayé de relire le sens de notre amitié franco-libanaise ou franco-maronite à la lumière du synode patriarcal que notre Église est en train de vivre à l’aube de ce troisième millénaire et dont la première session s’est achevée au mois de juin dernier. Parmi les préoccupations de ce synode figure le thème de l’identité de l’Église maronite, de sa vocation et de sa mission dans la région et dans le monde. Et la réflexion sur ce thème central du synode nous a révélé que cette Église porte un destin particulier tout d’abord au Liban, ce pays auquel elle a donné une grande partie de son âme, mais aussi dans la région du Moyen-Orient et dans le monde où nos enfants se sont répandus jusqu’aux confins de la terre (...).
« Au Liban, l’Église maronite ne revendique pas à elle seule le rôle de conduire le pays, mais elle est concernée par tout ce qui le touche dans l’âme et dans le corps. Ce que nous voulons, c’est vivre à l’ombre d’un État de droit, dans un pays jouissant de sa pleine souveraineté, dans le cadre d’une démocratie qui préserve les droits des personnes et des groupes dont se compose notre société. Notre communauté tient à ce que ce pays soit préservé comme un haut lieu de convivialité et de civilisation, où le dialogue est vécu au quotidien, au-delà des efforts louables, mais toujours insuffisants, que peuvent offrir les spécialistes en ce domaine. Cette œuvre gigantesque, qui a consisté à assurer au Liban une ouverture aux valeurs universelles, ou à veiller à son redressement suite aux vicissitudes de toute sorte, a été menée et continue de l’être par son peuple tenace et courageux, appuyé constamment par la France amie qui partage avec lui les mêmes visions de l’homme et de l’humanité. Dans ce domaine, notre amitié a été spontanée, elle mérite néanmoins d’être mentionnée.
« Quant à notre présence dans le monde arabe qui nous entoure et dont nous partageons le même destin, elle est aussi appuyée par la France qui, depuis le général de Gaulle en particulier, a porté aux peuples de cette région un intérêt fait de justice et de solidarité à des moments décisifs de son histoire moderne. Ils sont déjà révolus, les temps où les conflits arabo-européens ont pu donner des chagrins aux riverains de la même Méditerranée. Aujourd’hui, la culture l’emporte sur les individualismes ; et l’Église maronite proclame dans son nouveau synode être fidèle à elle-même en demeurant sensible à tout effort mené pour assurer à cette région le meilleur avenir auquel elle a droit. Là aussi, l’amitié franco-libanaise s’est renforcée en s’ouvrant à une vision plus large d’elle-même et en se dotant de moyens d’action à portée plus grande (...).
« L’Église maronite est aussi présente dans de nombreux pays du monde. Là encore, elle vit avec la France une connivence pour l’humain et pour la justice internationale. Ce n’est pas un hasard si nos écoles maronites continuent à enseigner le français à nos émigrés jusqu’en terre d’Australie, ou si les membres de notre communauté envoient leurs enfants vivant dans des pays lointains aux lycées que la France essaime aux quatre coins de la terre. N’y a-t-il pas là un signe d’attachement de leur part tant au Liban qu’à la culture française devenue partie intégrante de leur identité ?
« Mais au-delà de l’enseignement et de l’éducation, nous nous sentons concernés par le même combat universel pour la rencontre des cultures, leur harmonie et le dialogue qui doit se faire entre elles, loin de toute exclusion et de tout conflit. Le monde auquel nous voulons appartenir est un monde ouvert à la diversité et à l’enrichissement mutuel des peuples, loin de toute terreur, mais aussi de toute injustice, quelle qu’elle soit.
« Nous voici donc ouverts à un destin aux dimensions de la terre. À ce sujet, certains se demandent si les maronites vont demeurer eux-mêmes en s’universalisant pour ainsi dire jusqu’à ce point. Rassurons-nous, l’Église maronite restera sans aucun doute fidèle à son identité en restant attachée à ses racines et au Liban qui a été son compagnon d’histoire pour plus de quatorze siècles. Cela est son choix de toujours, cela est sa vie. Le Liban fait partie de ses origines, ainsi que de son expression renouvelée dans toute l’histoire. Quant à son amitié avec la France, elle fait et fera toujours partie de son orientation d’esprit. C’est ainsi que nous sommes faits, la France et nous, et c’est ainsi que nous allons demeurer. »
L’évêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar, a présidé hier, à l’occasion de la fête de l’Assomption, la messe traditionnelle annuelle à l’intention de la France. L’office divin, célébré au siège d’été de l’archevêché maronite, à Aïn-Saadé, a été suivi d’un déjeuner donné par Mgr Matar en l’honneur des diplomates français accrédités à...