Dossier régional - Les pressions US favorisent Israël La triple alliance arabe tente de sauver les meubles

Comme le souligne un diplomate arabe en poste à Beyrouth, seul un esprit d’union peut permettre aux Arabes de limiter les dégâts, face aux pressions US. C’est dans cette optique que l’Égypte, la Syrie et l’Arabie saoudite conjuguent leurs efforts. Leur attitude de base commune peut se résumer comme suit : il n’est pas question d’être hostile à Washington ; mais d’exercer un droit de légitime défense pour amortir l’impact des pressions américaines défavorables au camp arabe. Les exigences US ne sont évidemment pas les mêmes, et n’ont pas la même intensité, pour chacun des trois États.
Mais ces derniers doivent se solidariser, faire front commun, car le prix éventuellement payé par l’un affaiblirait automatiquement l’autre, dans sa propre sphère. De plus, en se donnant la main, Le Caire, Damas et Ryad espèrent provoquer un effet boule de neige au niveau de l’ensemble de la Ligue, par trop morcelée. Une organisation qui a dès lors besoin d’être restructurée. Afin, notamment, de pouvoir jouer un rôle en Irak, à la lumière de la situation qui prévaut dans ce pays, sur le terrain comme dans le domaine politico-institutionnel. De même, et à plus forte raison, la Ligue doit devenir capable d’avoir son mot à dire sur le problème palestinien, dans le cadre de la « feuille de route ». Elle est également appelée à faire acte de présence sur le front libano-syro-israélien, surtout au Sud qui reste le théâtre de flambées épisodiques dangereuses pour toute la région.
Sur ce plan, le diplomate arabe cité estime que les contacts entrepris après l’agitation du week-end devraient permettre de conforter le retour au calme. Mais, à son avis, il faudrait songer à traiter les causes de ces cycles de violence, pour prévenir leur répétition. Ce qui signifie, en pratique, qu’on devrait trouver un moyen d’imposer à Israël une retenue effective. Pour qu’il cesse ses constantes violations aériennes, provocations frontalières, agressions et autres attentats, comme l’assassinat du cadre du Hezbollah dans la banlieue sud. En bonne logique, la pression devrait être retournée, du côté arabe vers Washington, afin que l’Amérique veille à contenir l’agressivité d’Israël. Du côté de l’Onu, indique ce professionnel, il n’y a pas grand-chose à attendre. Au mieux, une déclaration informelle du président en exercice du Conseil de sécurité, un simple appel au calme, suite à l’échange de plaintes entre le Liban et Israël. Ce dernier État va certes tenter d’obtenir une résolution du Conseil, enjoignant à l’État libanais de déployer son armée sur la ligne bleue, pour neutraliser le Hezbollah. Mais il est probable que cette démarche ne va pas réussir. Car nombre de pays membres du Conseil restent convaincus de la légitimité de la Résistance libanaise, même si l’Onu ne reconnaît pas que Chebaa soit un territoire libanais.
Au-delà du court terme, le diplomate arabe en question prévoit qu’un jour ou l’autre Israël serait tenté de faire monter la tension sur le terrain, au Sud, si les causes des frictions actuelles ne sont pas traitées. D’après lui, il est possible qu’Israël profite ultérieurement de l’entrée en campagne électorale présidentielle de l’Administration Bush, pour frapper un grand coup, que cela soit dans les Territoires ou du côté du Liban, peut-être même de la Syrie. L’État hébreu créerait ainsi un nouveau fait accompli, qu’il imposerait aux États-Unis. Dont le processus régional de paix devrait alors repartir de zéro. Perspective qui met encore plus en relief une solidarité arabe, comme la Syrie, l’Égypte et l’Arabie saoudite en donnent l’exemple.

Émile KHOURY