Rechercher
Rechercher

Actualités

Interview - L’opposant mise sur la société civile et plaide pour un nouveau pacte national Riad el-Assaad : Se constituer en réseaux pour initier un changement (photo)

Riad el-Assaad fait partie de cette nouvelle vague d’opposants qui militent pour un changement national, à commencer par le Liban-Sud, une région accaparée par le mouvement Amal et le Hezbollah. Opposé à ces machines bien huilées, pour lesquelles il constitue aujourd’hui une véritable menace au même titre que le coordinateur du Forum démocratique Habib Sadek, M. Assaad avait réalisé à Zahrani le score non négligeable de 50 000 voix lors des législatives de l’an 2000, un chiffre supérieur à ceux de Habib Sadek, Kamel el-Assaad ou Saadallah Mazraani. Et son adversaire principal n’était autre que Nabih Berry...
Le PDG de la société South for Construction est une figure atypique, et son discours sort totalement des sentiers battus. Pour atouts majeurs, l’homme a beaucoup d’originalité, de l’audace, de la décence, du charisme et un héritage politique et national d’un poids indiscutable : il est le petit-fils de Riad el-Solh.
Une ascendance qui n’est pas sans avoir des implications directes sur sa manière de percevoir le champ du politique. Riad el-Assaad l’affirme d’entrée, sans détours : il refuse de faire de la « philosophie » ou de la « surenchère » politique. « Toute cette vapeur politique qui habite l’esprit de beaucoup de loyalistes et d’opposants n’a aucun effet sur moi. C’est peut-être parce que j’ai un héritage politique et historique, qui m’a appris à prendre mon temps, à envisager la politique sous l’angle d’une action à long terme, d’un paisible combat de longue haleine : Riad el-Solh a entamé son parcours politique en 1910. Il est arrivé au pouvoir en 1943, avec trente-trois ans d’expérience à la clé », affirme-t-il. Et c’est uniquement dans cette optique que Riad el-Assaad se réclame de l’héritage Solh.
« Ce qui m’intéresse, c’est la dynamique des citoyens », qui est motivée par « deux éléments indissociables » : d’un côté les besoins essentiels et les droits sociaux et économiques du citoyen, et de l’autre ses droits civils et politiques, dit-il. Pour M. Assaad, « il faut qu’un changement en profondeur, radical et libérateur se produise. Un changement global, national, qui puisse toucher toutes les strates de la société ». Mais, pour cela, deux conditions sont nécessaires : « D’abord, une constance dans l’opposition. Et là, je suis en désaccord avec la majorité des opposants, qui sont devenus réactionnaires, presque folkloriques. Beaucoup attendent qu’on leur propose un poste pour changer leur fusil d’épaule. Ensuite, une légitimité qui provient d’un souci constant des problèmes du citoyen et de ses droits politiques et sociaux, estime-t-il. Et il convient de trouver qui sont les personnes qui jouissent d’une légitimité au Liban. Tel est mon objectif. »
Par « personne légitime », Riad el-Assaad veut dire toute personne qui, à tous les niveaux de la société civile et politique, serait capable de contribuer à l’édification du pays en apportant sa propre pierre à l’édifice. « Nous sommes passés par 25 années de guerre, avec de mini-États palestiniens et une “milicianisation” à outrance, dit-il. Dès la première moitié des années 60, le concept de l’État s’est effondré. Le contrat social qui existait entre l’État et le citoyen a été rompu. Il faut donc élaborer un nouveau pacte. Pour opérer un changement, il faut créer des partis nationaux. Et un parti ne peut exister s’il n’est pas basé sur des assises populaires. C’est pour cela que notre souci primordial est de développer la société civile, pour trouver ces personnes capables de briller de mille feux et d’initier un changement. Il faut ensuite encourager ces personnes à briller encore plus fort. »

Quatre dossiers
Pour Riad el-Assaad, il existe en matière de politique locale quatre dossiers fondamentaux sur lesquels il convient d’établir un dialogue : les relations libano-syriennes, l’abolition du confessionnalisme politique, la conception de l’État que nous voulons et l’identité économique de cet État. Mais, souligne-t-il, ce dialogue pour un changement ne peut se tenir ni au sommet ni à la base de la pyramide sociale libanaise. Et il cite à cet égard plusieurs exemples. « Le changement ne peut se faire ni par le haut ni par le bas. Il s’opère, à travers plusieurs générations, par une métamorphose, une interaction, une participation, une culture, un dialogue. Cela suppose de pouvoir écouter et accepter l’autre », précise-t-il. Selon M. Assaad, il est illusoire de créer une opposition nationale en faisant la jonction entre opposants chrétiens et musulmans. « Le Liban est un pays pluraliste, mais il n’est pas dualiste, chrétien-musulman. Si l’on confond le caractère communautaire avec le caractère national, il n’y a plus que des oppositions partielles. Par exemple, Kornet Chehwane ne peut pas toucher la rue musulmane. Or il existe une expérience et une nation libanaises, en dépit de toutes les difficultés qui se posent... » C’est pourquoi il faut revenir à l’esprit du pacte. « Le pacte national de 1943 a créé une entité unique et indépendante. Malheureusement, notre interprétation de ce pacte a été rigide. Nous en avons fait un monopole pour les sunnites et les maronites. Pourtant, la force de ce pacte résidait dans sa flexibilité, son caractère consensuel. Le pacte a réussi à préserver les spécificités du pays au début du tourbillon régional, jusqu’à ce que le Liban s’éloigne de sa vocation et se perde dans des combats latéraux. Taëf, de son côté, a consacré le confessionnalisme et le texte comporte trop de choses floues et confuses. D’ailleurs, il était impossible à appliquer. Le pacte national était le fruit des circonstances régionales et locales de son temps, et il correspondait à une réalité. Taëf, lui, est né dans l’hostilité de la communauté régionale qui, paradoxalement, en était à l’origine. Et ceux qui étaient censés développer l’accord étaient des gens qui étaient incapables d’en comprendre l’esprit, à commencer par les seigneurs de la guerre », précise-t-il.
Qu’est-ce qui empêche, selon lui, l’émergence d’une dynamique de changement ? « Cette dynamique existe. L’opposition contre les “bulldozers”, au Sud, a obtenu 26 % des voix, c’est-à-dire qu’une personne sur quatre a dit “non” au terrorisme, à l’oppression, au Conseil du Liban-Sud, au pouvoir de l’argent. Ce qui manque, c’est un discours de l’opposition... et des opposants. Une classe politique qui puisse se soucier de l’opinion des Libanais. »
Selon Riad el-Assaad, « le discours ne correspond pas à la réalité, ce qui a incité les Libanais à s’éloigner du politique. D’autant plus que les citoyens s’éloignent de plus en plus de la politique pour entrer dans le monde de la technologie, du “www.com” ». M. Assaad propose une nouvelle approche, en réseaux, qui assurerait l’émergence naturelle des structures de l’opposition. « Tous les bastions finissent par s’écrouler. Le “www” est souple, dynamique. Il s’agit d’un réseau de contacts, d’interactions, d’opinions, et les hommes politiques doivent adopter cette approche. Le réseau suppose la transparence, la compétence, la profondeur au niveau de la pensée... » En d’autres termes, une rencontre naturelle entre les différents potentiels, au niveau de la société civile, à même de créer un enchevêtrement et, partant, une dynamique nationale. « C’est une mentalité qui est aux antipodes du statisme du pouvoir et de la caste politique », dit-il.

L’esprit du pacte
Pour M. Assaad, la base du nouveau pacte national, c’est l’adoption de la proportionnelle. « On ne peut affaiblir le chrétien, si l’on accepte que l’essence du Liban est pluraliste, consensuelle. Il faut donc préserver l’essence du pays en sortant du confessionnalisme. En créant un sénat au niveau des mohafazats, confessionnel, à la proportionnelle et en adoptant une seule circonscription au Parlement, Chambre nationale. »
Mais un nouveau pacte est-il possible sans souveraineté et sans retrait syrien ? « Non. Le Liban n’a toujours pas recouvré sa souveraineté, mais il ne le fera jamais sans cohésion nationale. Il n’y aura pas non plus de changement au Liban sans changement en Syrie. Le changement en Syrie ne peut pas être uniquement au niveau des relations privilégiées. Il faut s’impliquer dans les affaires syriennes, au niveau économique, au niveau de la société civile. Tout est désormais interconnecté, interrelié. La société syrienne est en train de changer, parce qu’il y a un nouveau président, du sang neuf. Tout évolue, le monde entier est en train de s’ouvrir, le secteur privé va entrer en Syrie, le paysage politique syrien va changer... »
D’où le pari de Riad el-Assaad sur une société civile libanaise nationale, qu’il pense être actuellement en pleine recomposition, pour sauver le pays.

Michel HAJJI GEORGIOU
Riad el-Assaad fait partie de cette nouvelle vague d’opposants qui militent pour un changement national, à commencer par le Liban-Sud, une région accaparée par le mouvement Amal et le Hezbollah. Opposé à ces machines bien huilées, pour lesquelles il constitue aujourd’hui une véritable menace au même titre que le coordinateur du Forum démocratique Habib Sadek, M. Assaad...