Rechercher
Rechercher

Actualités

CONGRÈS - Des spécialistes discutent du « Savoir-vivre dans la vie » Rencontre sur la bioéthique à l’hôpital Saint-Georges

Depuis quelques décennies, les recherches scientifiques avancent à pas de géant : découverte du génome humain, procréation médicale assistée, tests génétiques, greffes... autant de découvertes qui, tout en donnant l’espoir pour le traitement de certaines maladies ou l’allègement des douleurs, sèment la peur notamment en ce qui concerne les dérives qui peuvent être commises. Au sein de cette effervescence scientifique, quelle place occupe l’homme en tant qu’être libre ?
La bioéthique sous ses aspects religieux, laïc et social a été ainsi au cœur du symposium sur le thème « Le savoir-vivre de la vie » organisé hier par l’hôpital Saint-Georges des grecs-orthodoxes, à l’auditorium Batlouni, dans le cadre des festivités marquant son 125e anniversaire.
Rendant un vibrant hommage au métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audeh, M. Marwan Hamadé, ministre de l’Économie et du Commerce, président du Comité consultatif national libanais d’éthique (CCNLE) et membre du Comité international de bioéthique-Unesco, a souligné que « dans un pays où les traumatismes cumulatifs de la guerre comme de l’après-guerre ont souvent relégué la bioéthique au énième rang des préoccupations nationales, il reste impératif de réinscrire la bioéthique au premier de ces rangs, pour des considérations tout à la fois morales et politiques ».
Précisant qu’au cours des quinze derniers jours, lors des déplacements qu’il a effectués dans le cadre de ses fonctions en tant que ministre de l’Économie, il a vécu, en acteur et en témoin, « la lutte sans merci que se livrent les nantis, les moins nantis et les laissés-pour-compte », M. Hamadé a souligné que la frontière entre le Nord et le Sud n’est pas une simple latitude, mais « elle démarque tous nos états et tous nos comportements, riches et pauvres, malades et bien portants, assistés et délaissés ». Il a dans ce cadre rappelé que « sur les six milliards d’habitants de la Terre, un milliard détiennent 80 % du PIB mondial alors qu’un autre milliard se battent pour survivre avec moins d’un dollar par jour ».
« Au cours des vingt-cinq prochaines années, 50 millions de personnes naîtront dans les pays riches, ajoute-t-il. Environ un milliard et demi naîtront dans les pays pauvres. Beaucoup rejoindront les rangs des démunis, des chômeurs et des déçus d’une mondialisation inéquitable à leurs yeux. Ils seront de plus en plus nombreux à quitter leur pays pour trouver du travail. » Et d’ajouter qu’en Afrique, seule la moitié des enfants termineront leurs études primaires et qu’un sur six mourra avant l’âge de 6 ans, souvent du sida. « De Cancun, je rapporte ce fulgurant cri de douleur du paysan mexicain qui révélait que le subside annuel accordé à une vache européenne était supérieur au revenu de toute sa famille », rapporte-t-il. Et de se demander si la bioéthique peut faire valoir ses droits juridiques, consolider ses assises morales et acquérir son autorité planétaire.
« C’est ce que nous avons voulu faire valoir chez nous », note M. Hamadé, qui affirme que malgré toutes les mesures prises jusqu’à ce jour (création du CCNLE, ratification du projet de loi sur les examens et les données génétiques), elles ne sont pas encore à la hauteur des engagements pris. Et de conclure en espérant que « ce colloque contribuera au rattrapage national ».

La bioéthique laïque
« Les tests génétiques et bioéthiques : les considérations éthiques et respect des droits des sujets » selon la loi française ont été évoqués par Mme Anne-Marie Duguet, maître de conférences des universités en médecine légale et droit de la santé, Inserm unité 558. De son côté, l’archimandrite Nikolaos Hatzinikolaou, doyen du Comité bioéthique de l’Église grecque à Athènes, a insisté sur « La bioéthique spirituelle : la préservation de la personne humaine » à la lumière des enseignements de l’Église orthodoxe.
« La bioéthique laïque au Liban » a été au cœur de l’intervention du Dr Fouad Boustany, ancien président de l’Ordre des médecins et secrétaire général du CCNLE. « Les découvertes biomédicales posent des problèmes éthiques, sociaux, juridiques qu’elles ne peuvent résoudre elles-mêmes, affirme-t-il. La recherche scientifique en tant que telle n’a pas d’éthique et ne reconnaît d’autres barrières que celles de son propre progrès. Il revient donc à la société de poser des limites à la recherche et à ses applications afin de protéger la dignité de la personne humaine. »
La question qui se pose au niveau du Liban, estime le Dr Boustany, est celle de savoir si la bioéthique peut avoir un parcours aisé avec « notre système politique, nos différents statuts civils, nos croyances actuellement traversées par des mouvances exacerbées ». « Comment, dans ces conditions, un comité consultatif peut-il dégager un socle de principes fondamentaux reconnus par toutes les composantes de notre société, qui ont, face aux percées scientifiques, des perceptions éthiques différentes ? Vu le désert juridique existant dans ces domaines, devons-nous, avant chaque décision, exiger l’accord écrit des dis-sept communautés ? » se demande-t-il. Et d’expliquer que la bioéthique laïque s’efforce de clarifier et de résoudre les problèmes et les conflits éthiques soulevés par la biotechnologie survenant dans une civilisation contempraine multiculturelle. Elle laisse de même à chaque individu la totale liberté de ses actions dans un espace limité par des barrières que la société civile, détentrice de la protection de la dignité humaine, considère comme fondamentales puisque basées sur la Déclaration universelle de 1948. Elle respecte enfin toutes les croyances mais ne s’inspire d’aucune d’entre elles et n’obéit à aucune.
« Au Liban, une scission s’opère entre la loi et l’expérience du quotidien vécu qui souvent la contredit, affirme le Dr Boustany, qui conclut : « La bioéthique discute à partir de quel seuil on commence à être humain et à partir de quel seuil nous cessons de l’être et nous empêche de conduire les hommes de la nuit des temps au temps de la nuit. »
Enfin, « La bioéthique sociale et la bioéthique chrétienne » et « Les techniques de procréation médicalement assistée et l’éthique » ont été développées tour à tour par le Dr Constatine Scouteris, directeur du laboratoire d’éthique médicale, de droit de la santé et de santé publique à la faculté de médecine de Necker-France, et par le Dr Adnan Mroué, ancien ministre de la Santé et vice-président du CCNLE.

N.M.
Depuis quelques décennies, les recherches scientifiques avancent à pas de géant : découverte du génome humain, procréation médicale assistée, tests génétiques, greffes... autant de découvertes qui, tout en donnant l’espoir pour le traitement de certaines maladies ou l’allègement des douleurs, sèment la peur notamment en ce qui concerne les dérives qui peuvent être...