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Come See the Paradise*

« Vous qui entrez ici, laissez toute espérance.» D’après Dante, l’enseigne de l’Enfer. Bizarrement, elle paraît tout aussi valable pour l’Eden. Car l’on n’y a plus rien à souhaiter… Halleluia, Libanais, Libanaises, que l’on a tant fait marcher, nous voici arrivés. Arrivés au Nirvana, au septième ciel. Où il n’y a plus rien à attendre. En effet, tout est appelé à rester en l’État (de grâce, pas de jeu de mots !). Par la volonté de la trinité qui veille sur notre commune félicité (vous, pour un tel tutorat-triumvirat).
Voyez-vous, le message qu’inscrivent les dernières initiatives politiques du pouvoir est clair : notre avenir, c’est le statu quo. Le ménage à trois, qui a contracté un drôle de mariage maronite (selon une expression chère à Berry), n’engage de vrais-faux changements que pour mieux assurer sa perpétuité. En apportant de légères nuances au système pâtissier dit du partage.
À un an de la fin, toute présumée, du mandat présidentiel, le régime et ses partisans annoncent le lancement d’un chantier pour le moins quinquennal : l’épuration, la réforme, la modernisation de l’Administration. Et sa décentralisation, pour faire bonne mesure. Un objectif stratégique, quasi vital, qu’en bonne logique seule la reconduction permettrait d’atteindre. Tout à fait dans l’esprit de l’ère Chéhab, qu’on s’efforce de recopier.
Les deux autres partenaires ciblent pour leur part les législatives, source première de leur puissance respective. D’où la création de deux nouveaux mohafazats, le Baalbeck-Hermel chiite pour l’un, le Akkar sunnite pour l’autre. Kesrouan-Jbeil réclame le même privilège ? On l’envoie sur les roses, sans autre forme de procès : l’axe metniote loyaliste ne doit pas être érodé.
Tout ce petit monde, qui se déchire ordinairement à belles dents pour des questions d’intérêts à tous les sens du terme, s’unit donc de manière touchante. Pour nous promettre une sereine, une éternelle continuité. Où le bon peuple crédule que nous sommes se verrait initié aux joies métaphysiques d’un pur dédain des gros sous. Souci avilissant que les gardiens de notre quiétude se réservent d’assumer. En dignes responsables, mais non coupables, qu’ils s’affirment. On veut donc notre bien. Et on ne nous laisse pas en disposer. Tout comme on veut nous faire chanter… la réforme, ce miroir aux alouettes (sinon aux alaouites). Alouette, gentille alouette, alouette, je te plumerai, j’te dis. Et je ferai de toi, que tu le veuilles ou non, un ange. Au Paradis.

Jean ISSA

*d’Alan Parker, 1990, avec Dennis Quaid.
« Vous qui entrez ici, laissez toute espérance.» D’après Dante, l’enseigne de l’Enfer. Bizarrement, elle paraît tout aussi valable pour l’Eden. Car l’on n’y a plus rien à souhaiter… Halleluia, Libanais, Libanaises, que l’on a tant fait marcher, nous voici arrivés. Arrivés au Nirvana, au septième ciel. Où il n’y a plus rien à attendre. En effet, tout est...