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Le boycott électoral, une arme devenue caduque

Le boycott de 1992. Parrainé par le patriarche Sfeir et suivi à 87 % dans le pays. Le but des forces actives concernées, il faut le souligner, n’était pas de démissionner de la vie politique. Mais, plus simplement, d’exercer une pression populaire sur les autorités pour qu’elles reportent le scrutin. Car cela faisait quelques mois à peine que l’on avait comblé le vide dans les travées de la Chambre en désignant une quarantaine de « députés ». Mais le pouvoir, soutenu par la Syrie, avait refusé de plier et avait maintenu les dates annoncées. L’élection avait donc été boudée par la majorité écrasante (mais écrasée) des Libanais. De ce fait, il y avait eu des élus par 134 ou même par 40 voix dans certaines régions. Moins que ce qu’un moukhtar de quartier obtient.
En 1996, le nombre des boycotteurs avait largement diminué. Parce que la non-participation n’avait eu aucun effet sur une gouvernance du pays qui se faisait de l’extérieur. En 2000, l’afflux aux urnes avait été encore meilleur. Mais le vote continuait à être boudé par certaines forces politiques. Dont le courant aouniste. Qui ne voulait pas reconnaître le système issu de Taëf. Et protestait en outre contre l’organisation d’élections alors qu’une partie du pays restait sous occupation israélienne et que les forces syriennes étaient déployées presque partout ailleurs. Lors de la partielle du Metn, l’opposition a participé en bloc et en force, ouvertement pour certains, sans l’annoncer pour d’autres. Enfin, à Baabda-Aley, le courant aouniste s’est lancé dans la bataille à visage découvert. Passant du boycott à une participation à fond, il a présenté un candidat. Qui a obtenu un nombre marquant de suffrages, malgré l’abstention de certaines formations et l’opposition coalisée d’autres. Donc, l’orientation est désormais qu’aux législatives générales de 2005, tout le monde devrait participer, parce que le boycott ne donne pas de résultats et ne change rien.
Ce changement de cap se trouve consacré dans le dernier sermon dominical du patriarche Sfeir. En 1992, sans appeler directement au boycott, le prélat avait insisté pour un report d’élections qui ne pourraient pas déboucher sur une représentation authentique de l’électorat. Il estimait que les députés potentiels, imposés, n’auraient pas de légitimité. Aujourd’hui, il invite les laïcs chrétiens à contribuer activement à la vie politique nationale, notamment sur le plan législatif. En élargissant du reste l’impératif de participation au domaine socio-économique.
Mais pour que l’adhésion ait un sens, il faut avant tout un consensus sur une loi électorale équilibrée et juste. Ce qui implique, tout d’abord, que ce code doit être prêt plusieurs mois avant le scrutin. Et non pas bâclé à la toute dernière minute, comme ce fut le cas pour la dernière édition. Car les candidats doivent savoir sur quel pied danser, sur quelle base contracter des alliances et mener leur campagne. Les électeurs aussi ont besoin de connaître à l’avance le découpage de circonscriptions et le tableau politique.
À ce propos, le vice-président du Conseil Issam Farès estime qu’il serait meilleur de promouvoir un système de partis aconfessionnels dégageant une majorité qui prendrait le pouvoir et une minorité qui assumerait l’opposition. Dans un cadre de démocratie effective, de liberté responsable, à l’ombre de la Constitution comme de la légalité. Il ajoute que l’édification d’un Liban nouveau est liée à la mise en chantier d’un nouveau code électoral. Ainsi que de la décentralisation administrative, accompagnée d’un plan de développement et de la consolidation des libertés publiques. Comme beaucoup, Farès insiste pour que la nouvelle loi électorale soit disponible dans des délais raisonnablement rapprochés, pour que nul ne se sente placé devant un fait accompli.
Depuis toujours, le patriarche Sfeir insiste pour sa part, redisons-le, sur la nécessité d’une loi électorale qui produise une représentation de proximité authentique, sans discrimination et sans parachutage. Ce point de vue est largement partagé, notamment par le ministre Élie Skaff qui souligne que le Parlement doit refléter une image exacte du pays et de ses composantes. Il ajoute que si l’on devait faire du Liban une seule circonscription, alors il faudrait à la fois abolir le confessionnalisme et permettre aux émigrés de voter. Cela étant, beaucoup se demandent si le gouvernement va agir dans le bon sens. Et craignent qu’en définitive, la nouvelle loi électorale soit aussi parachutée et aussi inique que les précédentes.
Émile KHOURY
Le boycott de 1992. Parrainé par le patriarche Sfeir et suivi à 87 % dans le pays. Le but des forces actives concernées, il faut le souligner, n’était pas de démissionner de la vie politique. Mais, plus simplement, d’exercer une pression populaire sur les autorités pour qu’elles reportent le scrutin. Car cela faisait quelques mois à peine que l’on avait comblé le vide...