Mais les milieux politiques craignent à l’unisson que la dernière année du régime ne soit aussi difficile que les derniers temps. À cause des tiraillements entre les responsables, notamment entre les présidents Lahoud et Hariri. Ces frictions à répétition ont eu des conséquences fâcheuses sur la situation économique et financière du pays. La rendant tellement précaire qu’elle ne supporterait plus de nouvelles tensions au sein du pouvoir. Les réserves de la Banque centrale n’y suffiraient plus. Le pire des dangers, soulignent ces milieux, c’est qu’un effondrement économique entraînerait sans nul doute de graves troubles sociaux et sécuritaires. Des grèves, des manifestations, des actes de violence se produiraient, à travers toutes les régions comme au sein de toutes les communautés, dans un pays porté à ébullition, chauffé à blanc.
Les professionnels appréhendent également les dures retombées éventuelles d’un blocage de la « feuille de route » sur le front israélo-palestinien. La reprise du cycle de violence entre ces protagonistes risquerait de réveiller la combativité de la Résistance libanaise et d’embraser le Sud. Ce qui provoquerait, sans doute, une riposte israélienne d’envergure, frappant le pays en profondeur et s’y attaquant aux positions syriennes. D’où le danger d’une nouvelle guerre généralisée. Sans aller jusque-là, il y aurait à redouter que les États-Unis ne mettent la pression au maximum pour obtenir la neutralisation du Hezbollah autant que des organisations palestiniennes radicales. En exigeant le déploiement de l’armée libanaise sur la ligne bleue.
Pour ces sources, le seul moyen de protéger le pays reste d’en conforter l’unité intérieure, en commençant par la tête. À leur sens, il est indispensable de réaliser une véritable entente nationale, couronnant des accords sur toutes les questions, sur tous les projets qui peuvent affecter le domaine économique, social et financier. Les conflits d’intérêt, aggravés par des aversions ou des susceptibilités à caractère personnel, doivent impérativement être mis de côté.
Le président Lahoud déclare que, malgré le laps de temps réduit, il tient toujours à concrétiser les engagements de son discours d’investiture, pour un État de droit et des institutions. Il impute la récession, la pluie d’impôts et de taxes au blocage de la réforme administrative. En mettant en garde contre la perte des acquis de Paris II. La question qui se pose dès lors est de savoir si les dirigeants vont s’entendre sur le redressement, qui passe par la réforme administrative. Faute de quoi, les secousses se succéderaient, obligeant la Syrie à intervenir pour les apaiser, en demandant le gel des sujets, comme des projets, litigieux.
Pour en revenir au chef de l’État, il tient des propos rassurants. Il indique, en effet, que le gouvernement va dans la bonne direction. Que le Conseil des ministres est redevenu une institution à part entière, où les décisions sont adoptées par consensus, des commissions ministérielles étant éventuellement chargées de traiter des questions conflictuelles. Ces affirmations permettent de penser que le risque d’une implosion du pouvoir exécutif est désormais écarté. Mais on attend en pratique que l’esprit d’entente se traduise par des solutions pour des problèmes comme les carrières, les véhicules à mazout, l’organigramme du CDR, la privatisation du cellulaire, la Sécurité sociale, l’électricité, la fusion des banques, la composition du Conseil constitutionnel ou du Conseil supérieur de l’information, etc.
Le test probant, pour l’État, se situe au niveau de l’élaboration du budget de l’an prochain, qui devrait être prêt à la rentrée d’octobre. Ce projet de loi de finances devrait en effet montrer si oui ou non le Liban commence à tenir les engagements pris à Paris II. En initiant un assainissement des comptes publics sans nécessairement recourir à une nouvelle rafale d’impôts.
Émile KHOURY
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