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Sfeir en vedette, à son corps défendant

En cette période de festivals, les incidents de Bteghrine ont généré une nouvelle tragi-comédie sur la scène locale. Avec un recours spontané autant que général vers le cardinal, qui n’est pourtant ni auteur ni producteur de la pièce, pour arbitrer. C’est d’ailleurs ce qu’il tente de faire comprendre aux uns et aux autres. En prenant quand même sur lui d’apporter un certain éclairage mettant en lumière l’intérêt national bien compris.
Ce qui n’est pas facile, quand l’image se brouille de la sorte. Car le tableau nouveau manque de netteté. Non pas du côté de l’opposition, qui se retrouve unie, mais du côté de la nébuleuse loyaliste. Où des relations intérieures, pour ne pas dire des alliances, sont remises en question, comme l’indiquent les positions des joumblattistes. Tandis que certains s’interrogent sur leurs rapports avec les décideurs. Ou plutôt l’inverse, dans la mesure où Damas avoue ne pas bien comprendre les comportements de certains de ses fidèles. Et ne pas les admettre.
En tout cas, tout le monde relance Dimane, siège patriarcal d’été. Chacun tient à expliciter sa version des faits, ses motivations ou ses réactions, au patriarche Sfeir. Les pôles du Metn ont, bien entendu, été les premiers à amorcer ce mouvement. Suivis par des personnalités qui ont préféré visiter d’abord Damas. Le prélat accueille toutes les parties à bras ouverts. Mais souligne avec insistance que les détails ne le concernent pas. Ce qui signifie, en langage diplomatique courtois, qu’il ne souhaite rien arbitrer sur le terrain. Car il garde, pour sa part, à l’esprit des priorités nationales autrement plus importantes, des problèmes qui touchent gravement la population. Ainsi que des principes de base devant lesquels les querelles intestines, pour ne pas dire de clocher, doivent s’effacer.
Les protagonistes ont, pour leur part, tenté de détailler leur exposé autant que faire se peut, comme devant un tribunal. Les mieux intentionnés ont prié le patriarche sinon de rendre un verdict du moins d’user de son autorité morale en vue d’une réconciliation. Notamment entre les frères Murr. Michel Murr, pour sa part, a accusé l’opposition de s’immiscer dans son domaine politique, de l’avoir attaqué en présentant son frère à la partielle du Metn. Il ajoute que la réconciliation signifie à ses yeux que Gabriel doit renoncer à se porter candidat dans le Metn, région qui ne supporte pas, selon l’aîné, la présence de deux Murr. Cela dit en oubliant le fils, Élias, qui n’est sans doute pas député, mais peut légitimement aspirer à le devenir, du moment qu’il est déjà ministre. Toujours est-il que Michel Murr, qui a comme tout le monde, sollicité les bons offices de Mgr Sfeir, s’est vu répondre en substance : « Vous avez vos propres autorités religieuses, que nous respectons. Vous avez également un fils, alors pourquoi vous adresser à nous ? » Certains opposants, rebondissant sur ces propos attribués à Mgr Sfeir, rappellent perfidement qu’il fut un temps où le même Michel Murr tirait à boulets rouges sur le patriarche en l’invitant à ne pas se mêler de politique. Indépendamment de toute considération d’échelle des valeurs, Mgr Sfeir ne veut pas intervenir, indiquent des sources fiables, parce que le contentieux politique du Metn, qui déborde largement le cadre du conflit au sein de la famille Murr, est trop compliqué. Et toute initiative pourrait aggraver les malentendus au lieu de les aplanir.
Du côté de la Syrie, selon un ministre qui en revient, l’on est très mécontent de l’histoire de Bteghrine. Les dirigeants syriens craignent que ces complications ne laissent des séquelles au niveau du pouvoir libanais en tant que tel. Ils se sont étonnés que les Libanais puissent se divertir avec des faits divers quand l’heure régionale est si grave. Et quand ils feraient mieux de songer aux réformes à accomplir pour redresser la barre.
Partageant manifestement leur point de vue, le régime a été le premier, comme on sait, à condamner les incidents et à ordonner une enquête impartiale. De son côté, Élias Murr a pris des sanctions disciplinaires contre certains éléments relevant de son autorité. Il a précisé, comme jadis lors de la partielle, qu’il agit en tant que ministre de l’Intérieur, non en tant que fils de Michel Murr, et que cela lui coûte. Apportant de l’eau au moulin de ceux qui lui attribuent des ambitions électorales, Élias Murr ajoute qu’il a décidé de mettre de côté (de démissionner, a-t-il dit plus précisément) sa propre personne, sa famille, son village et sa région, pour appliquer la loi.
Quoi qu’il en soit, selon un loyaliste modéré, il se prépare quelque chose de positif du côté de Damas, en direction du patriarcat maronite. Des messages discrets, indirects, seraient actuellement échangés, assure cette source. Les responsables syriens ne cessent, ajoute le ministre, de faire l’éloge de Mgr Sfeir devant les dirigeants libanais. Et d’affirmer, en conclusion, que le pouvoir local a été prié de prendre en compte les remarques du patriarche concernant la future loi électorale.

Philippe ABI-AKL
En cette période de festivals, les incidents de Bteghrine ont généré une nouvelle tragi-comédie sur la scène locale. Avec un recours spontané autant que général vers le cardinal, qui n’est pourtant ni auteur ni producteur de la pièce, pour arbitrer. C’est d’ailleurs ce qu’il tente de faire comprendre aux uns et aux autres. En prenant quand même sur lui d’apporter...