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Beyrouth suit avec appréhension le match de ping-pong Washington-Damas

Quand le roi éternue, la France s’enrhume, disait-on sous l’ancien régime. Et lorsque le couple terrible Washington-Damas toussote, le Liban se grippe. C’est pourquoi Beyrouth suit, en retenant son souffle, l’évolution heurtée des relations syro-américaines. Marquée par deux éléments : la relance, avec escalade à la clé, des exigences et des sommations de l’Administration US. Et le démarrage en trombe, au Capitole, de la procédure consacrée au projet dit Syria Accountability (and Lebanese Sovereignty Restoration) Act. Dans ce cadre, Aoun a pu se faire entendre pour exiger le départ des troupes syriennes.
En se fondant sur la souplesse affichée par la diplomatie syrienne, qui souligne avec insistance sa volonté de coopérer avec les Américains pour peu que leurs demandes soient réalistes, les pôles libanais veulent croire que les tensions actuelles n’iront pas trop loin. Selon un ancien ministre des Affaires étrangères, l’on n’arrivera pas à des sanctions et encore moins à une guerre comme contre l’Irak. Pour ce spécialiste, les attaques US ne sont qu’une forme de pression visant à porter la Syrie à accepter de jouer un rôle favorisant les desseins régionaux de la superpuissance mondiale. À court et moyen terme, il s’agirait pour Damas d’aider à la stabilisation de l’Irak ainsi qu’à la remise sur les rails du processus de paix concernant le conflit israélo-arabe. Un processus fortement compromis par la guerre larvée que se livrent Israéliens et Palestiniens. Du fait de l’intransigeance des ultras des deux bords. Par rapport à ce dossier précis, les Américains exigent de Damas, comme on le sait, de cesser tout appui aux organisations radicales palestiniennes et de fermer leurs bureaux. Par extension et dans le même esprit, Washington veut que la Syrie lâche le Hezbollah. Aux protestations syriennes d’ouverture, Colin Powell réplique sèchement que ces assertions ne suffisent pas, qu’il faut des actes. Il précise qu’il attend toujours une réponse concrète positive à la liste de demandes qu’il avait remise il y a quelque temps au chef de l’État syrien.
Mais depuis lors, et en peu de temps, les choses ont changé. Lors de son passage à Damas, le secrétaire d’État US pouvait encore se prévaloir d’un changement des donnes comme des rapports de force, à la faveur du renversement de Saddam Hussein et de la pénétration US en Irak. Or cette occupation tourne à l’enlisement genre Somalie ou même Vietnam, du fait d’une résistance irakienne ou arabe de plus en plus violente, quoique non organisée. Dès lors, il y a encore deux semaines, certains esprits fins croyaient pouvoir prédire que l’Amérique, ayant manifestement besoin de la Syrie comme des autres pays voisins de l’Irak, allait mettre de l’eau dans son vin. D’autres analystes, sans doute plus expérimentés, répondaient qu’au contraire, Washington allait devoir hausser le ton, du moment qu’il avait décidé de classer les événements en Irak comme une véritable guerre contre le terrorisme. C’est ce point de vue qui s’est vérifié exact. On sait en effet qu’en écho aux avertissements de Powell, Bush a récemment répété que l’Irak est au centre même de la guerre contre le terrorisme. En égratignant fortement la Syrie au passage, pour lui reprocher de laisser s’infiltrer en Irak des éléments subversifs armés.
Toujours est-il que selon un ministre de l’actuel gouvernement libanais, ministre considéré comme spécialiste des questions relatives aux affaires étrangères, les flèches US partent d’un arc mal ciblé à dessein. Dans ce sens que ces traits ont pour objectif d’impressionner plutôt que d’atteindre. À preuve que les accusations des responsables US se fondent à ce stade, d’une façon déclarée à dessein, simplement sur des rapports de presse et non sur des rapports de services officiels. C’est ce qu’a d’ailleurs précisé, lors de son audition au Congrès, l’un de membres de cette instance qui a ajouté que les indications reçues ont encore besoin d’être vérifiées. Selon le même ministre, l’Amérique veut apprivoiser la Syrie plutôt que la mater. Ce qui impliquerait qu’après le bâton, il pourrait y avoir la carotte. Entendre que Washington favoriserait la reprise des pourparlers concernant le Golan et veillerait à juguler les débordements de Sharon. Et cela pour que Bush puisse marquer des points diplomatiques, en avant-propos de la campagne pour sa réélection.
En tout cas, on devrait en savoir plus s’il se confirme que Powell va de nouveau visiter Damas à la mi-octobre. À la lumière sans doute des entretiens que les délégués américains et syriens peuvent avoir dans les coulisses du Palais de verre, en marge des travaux de l’Assemblée générale de l’Onu à New York.
Quant à Aoun, il n’a pas fourni des indications de terrain sécuritaires, comme certains congressmen antisyriens l’auraient souhaité. Et il s’est limité, dans son réquisitoire, au volet politique.
Philippe ABI-AKL
Quand le roi éternue, la France s’enrhume, disait-on sous l’ancien régime. Et lorsque le couple terrible Washington-Damas toussote, le Liban se grippe. C’est pourquoi Beyrouth suit, en retenant son souffle, l’évolution heurtée des relations syro-américaines. Marquée par deux éléments : la relance, avec escalade à la clé, des exigences et des sommations de...