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Une victoire relative pour les aounistes et un casse-tête pour tout le monde

Les députés et futurs candidats aux élections de 2005 dans les régions à dominante chrétienne doivent aujourd’hui revoir leurs calculs, sinon leur stratégie. Dans une première lecture des résultats de la partielle de Baabda-Aley, on serait tenté de croire que la seule force mobilisatrice de la rue chrétienne serait celle qui tient le discours le moins modéré. Même si le courant aouniste a mis ces derniers jours un peu d’eau dans son vin, ce que les électeurs chrétiens de ce dimanche de septembre ont probablement choisi, ce n’est pas le symbole de la coexistence, mais bien celui d’une époque où les chrétiens pouvaient imposer leurs choix et décider de leurs représentants.Ce n’est sans doute pas un hasard si l’ombre du président assassiné Béchir Gemayel a plané sur le scrutin, faisant de celui-ci un des facteurs déterminants de cette élection. D’ailleurs, dans un élan de franchise désarmante, et alors que les résultats du caza de Baabda venaient de tomber, donnant l’avantage au candidat aouniste, Hikmat Dib, Nadim Béchir Gemayel a déclaré devant les caméras de la NTV : « Le chrétien est redevenu fort, comme le druze, et c’est ce que tout le monde doit comprendre. »
Les résultats définitifs du scrutin ont toutefois atténué la portée de cette déclaration puisque c’est finalement le candidat « modéré » (selon la terminologie actuelle), Henri Pierre Hélou, qui l’a emporté grâce aux voix du caza de Aley.

Une place à prendre sur la
scène chrétienne
Certains pourraient d’ailleurs le lui reprocher, mais ce serait méconnaître la composition du Liban, qui reste un mélange de toutes les communautés. Et si le général Aoun et ses nouveaux alliés peuvent mobiliser dans la rue chrétienne, qui souffre d’une grave absence de leadership « local » et où l’amertume de se sentir exclus reste immense, ils auront plus de problèmes à le faire, malgré leur assurance affichée, dans la rue musulmane, qui a ses propres leaders, dont certains ont d’ailleurs des programmes nationaux. Le danger de ce genre de constatation, c’est qu’on se retrouve face au schéma détestable « des chrétiens souverainistes » et « des musulmans aliénés », avec en filigrane de nouvelles perspectives de dissensions et de conflits.
L’État, en particulier le ministre de l’Intérieur M. Élias Murr, a bien cherché à maintenir la mobilisation aouniste sous le plafond toléré par le régime en assurant un climat démocratique pendant la campagne et tout au long du scrutin, afin de donner le sentiment aux électeurs d’être traités à égalité. Il n’a quand même pas effacé le fait que le vote en faveur de M. Hikmat Dib était surtout un vote contre lui, comme beaucoup d’électeurs l’ont déclaré devant les caméras de télévision.
Reste à savoir ce qu’on entend par mobilisation de la rue. En dépit d’une campagne rondement menée et très dynamique, avec la participation active de Nadim Béchir Gemayel comme héritier de son père et nouvel espoir de résurrection de ceux qui n’ont pas fait le deuil d’une certaine époque, le courant aouniste n’a pu entraîner aux urnes que près de 28 %, au maximum 30 %, des chrétiens de Baabda-Aley, en sachant que Baabda est après tout son fief traditionnel.
C’est donc loin d’être la mobilisation massive et le raz-de-marée attendu, même si ce pourcentage est celui qui fait le plus de bruit. La victoire annoncée et commentée dans la presse du courant aouniste est donc toute relative, même si celui-ci est désormais et de façon éclatante un élément dont il faudra tenir compte sur la scène politique.
Le scrutin de Baabda-Aley doit donc donner à réfléchir à tous les acteurs sur la scène libanaise. Au-delà des résultats concrets, c’est toute une stratégie qu’il faut revoir, pour trouver le moyen de mobiliser ces 70 % de Libanais, toutes confessions confondues, mais particulièrement les chrétiens d’entre eux, qui ne se sentent plus concernés par la vie publique et éviter que par leur silence, ils ne laissent le champ libre à tous les dérapages. Le ministre Élias Murr – qui peut donc se targuer d’avoir organisé un scrutin démocratique – l’a bien compris, puisqu’il a déclaré, dimanche soir, que c’est leur abstentionnisme que devra prendre en considération la nouvelle loi électorale, qui se présente désormais comme un véritable casse-tête.
Mais le plus triste serait qu’à défaut de savoir leur parler, le régime ne soit contraint à des prouesses en matière de découpage électoral pour assurer la victoire de ses candidats à travers des combinaisons officiellement mixtes, en fait destinées à masquer l’échec d’un dialogue réel avec les citoyens.
Scarlett HADDAD
Les députés et futurs candidats aux élections de 2005 dans les régions à dominante chrétienne doivent aujourd’hui revoir leurs calculs, sinon leur stratégie. Dans une première lecture des résultats de la partielle de Baabda-Aley, on serait tenté de croire que la seule force mobilisatrice de la rue chrétienne serait celle qui tient le discours le moins modéré. Même si le...