La participation d’un responsable « aouniste » à une élection législative constitue un précédent qui a donné lieu à de multiples commentaires sur ce qu’elle implique au niveau de la reconnaissance du processus de Taëf par le général Michel Aoun. Mais là n’est pas le point essentiel. Le débat sur la légalité ou la légitimité du pouvoir issu de Taëf est en effet dépassé depuis longtemps.
Le principal facteur significatif de la bataille électorale menée par le candidat aouniste réside en réalité dans la mobilisation de cette base populaire qui vivait jusque-là pratiquement en marge de la République. Si ce scrutin mérite qu’on y prête quelque attention, c’est parce qu’il a permis aux jeunes, ceux qui sont dans le collimateur des « services » depuis plus de douze ans, de se réconcilier avec la vie politique. Cette jeunesse a, enfin, le sentiment qu’elle peut encore, en dépit de tout, jouer un rôle et avoir son mot à dire.
Quelle que soit l’issue du scrutin, il s’agit là d’un tournant, d’un point d’inflexion sur lequel il faut à tout prix capitaliser. Le développement d’un pays est compromis lorsque sa jeunesse, ses cadres et son élite se désintéressent de la chose publique. Les chrétiens étaient plongés dans une telle situation du fait des événements sanglants de 1990, du déséquilibre politique qui en a résulté et de l’application sélective de l’accord de Taëf. Ce type d’attitude est classique: toute population a tendance à se replier sur elle-même, à effectuer une traversée du désert, à vivre dans un état de léthargie après avoir subi une dure épreuve. La période de convalescence peut être plus ou moins longue en fonction des circonstances.
D’une certaine façon, l’implication active des partisans du candidat aouniste dans cette élection législative marque la fin de cette période de convalescence. Les prémices d’une telle réconciliation avec la vie politique étaient, certes, déjà apparues à la faveur du scrutin partiel du Metn. Mais le régime avait alors commis l’impardonnable faute d’effacer d’un trait de plume le résultat de cette élection. Du coup, certains cadres n’ont pas manqué de s’interroger à nouveau avec amertume sur la possibilité pour les générations montantes d’avoir encore un rôle à jouer dans la vie publique. L’enthousiasme manifesté par certains pour le scrutin de Baabda-Aley montre que le sentiment d’espoir demeure, contre vents et marées, toujours vif.
Le pouvoir assumerait une grave responsabilité au niveau national s’il venait à réprimer et étouffer dans l’œuf, une fois de plus, cette réconciliation d’une partie de la jeunesse avec la vie politique. Les Libanais ont toujours présents à l’esprit les effets dévastateurs du 7 août 2001 lorsque le régime, en réaction au rapprochement entre Bkerké et l’opposition chrétienne, d’une part, et M. Walid Joumblatt, d’autre part, avait jeté des dizaines d’opposants en prison et fait tabasser, deux jours plus tard, les jeunes devant le Palais de justice.
Nul ne demande, à l’évidence, que le pouvoir favorise d’une quelconque façon le candidat aouniste dans le seul but de résorber le déséquilibre des douze dernières années. M. Henri Hélou possède suffisamment de qualités et d’atouts pour remporter le scrutin du 14 septembre. Que cette consultation électorale se déroule donc suivant les règles et en respectant les pratiques démocratiques, loin de toute indimidation militaro-sécuritaire, afin que cette partielle puisse attiser durablement un message d’espoir à l’adresse des générations montantes.
Michel TOUMA
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