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Musée des célébrités - De la silicone et un senseur pour faire plus vrai Porté disparu en Irak, Saddam parade à Jeïta (photos)

Où peut-on rencontrer des célébrités ? Une tripotée de princes, de présidents, de politiques, de génies, de peintres, de chanteurs ? Pas dans un salon, ni au Parlement, ni dans un congrès... Pour les voir en vrai, on se rend au Musée des célébrités, à Jeïta.
Ici, tout est fait pour que le vrai soit vrai (même si ce n’est pas toujours vrai). À commencer par la matière première maison, la silicone qui recrée une peau de joie ou de chagrin dans laquelle se creusent les rides, se dessinent les sourires, s’esquissent les émotions. Et puis le maquillage et les costumes qui ne signifient pas seulement habits. Il y a les chaussures, les chapeaux, les coiffures ou plus exactement les cheveux, plantés un à un, lissés, peignés, bouclés, frisés, et les poils, les barbes, les barbichettes, les moustaches...
Toutefois, ce qui contribue à la magie du spectacle, c’est un senseur, dispositif optoélectronique de télédétection, qui permet à tout ce beau monde de remuer la tête, de battre les cils, de bouger le petit doigt, de parler, ou de fustiger à coups de phrases historiques. La programmation est bien conçue. Parmi ces gens célèbres, les uns mènent une vie dorée, d’autres sont décédés de mort violente, d’autres encore ont été portés aux nues, admirés un jour ou dix ans avant de tomber soudain dans l’oubli.
Le rideau se lève sur Sa Sainteté le pape (donnant la bénédiction) et le patriarche Nasrallah Sfeir observant tristement le chaos politique planté par Bush qui assène que la cruauté de Saddam Hussein à l’égard de sa propre population justifie à elle seule la guerre. Fier comme Artaban, un rien amusé, Mohammed Saïd al -Sahhaf cartonne toujours. Le vilain ministre irakien de l’Information, qui adorait choquer à coups de phrases mensongères, assure avec aplomb que les Américains ne sont pas aux portes de Bagdad, et, le cas échéant, ils auraient tous la tête coupée. Plus loin, un dialogue de sourds s’installe entre Berri au rictus amer et Hariri le milliardaire qui en a marre, marre de se faire traiter en étranger. « Je suis l’un de vous », dit-il, alors que dans son discours, Clinton nie catégoriquement toute aventure avec Monica. Mais dans les deux cas de figure, personne ne veut rien entendre. Rien à faire, il y a toujours des jaloux.
L’ancien président-martyr Béchir Gemayel fait toujours rêver. Face à son frère Amine, il expose son vaste programme et déclare établir des « chances égales pour tous les Libanais, quelle que soit leur confession ». Pour les uns, une époque révolue, pour les autres, une occasion perdue. En tout cas, la chance sourit pour Saddam. Si ses statues sont déboulonnées en Irak, il tient toujours la vedette à Jeïta. Il a même bonne mine. Avec le Cubain Fidel Castro, il orchestre la parade des chefs d’État et des grands de ce monde : Jacques Chirac, Tony Blair, Kofi Annan, le roi Abdallah de Jordanie, Husni Moubarak, le roi Fahd ben Abdel-Aziz, Yasser Arafat, le prince Jaber Ahmed al-Sabbah, cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane et un seul député et ministre libanais, Marwan Hamadé. Plébiscités aussi pour la silicone, le président Camille Chamoun et le roi Hussein de Jordanie. Pour eux tous, Wadih Safi, cravate légèrement dénouée, chante et joue du oud. Certains regards, certains gestes, quelques attitudes évoquent un souvenir, provoquent notre imagination. Les personnages sont (parfois, pas toujours) si vivants qu’ils nous perturbent et vous serez tentés de les toucher pour vous assurer de leur vrai irréalité. Mais attention, ils sont fragiles !
D’autres pensionnaires ont élu domicile dans cet internat extraordinaire : Gébran Khalil Gébran, plongé dans sa lecture. L’inventeur américain Thomas Edison faisant fonctionner sa lampe électrique à incandescence. Léonard de Vinci et Van Gogh composant leur palette alors que le physicien Albert Einstein nous observe comme si nous étions des insectes à décortiquer. Les Guiness aussi sont là : Robert Hughs (484 kilos), Robert Wadlo (2 mètres 83 et une pointure de 64) et l’Indien Mohammed al- Ghoul (57 cm). Au rendez-vous également, le Libanais le plus âgé : Assad Hanna Sleiman, 119 ans, originaire de Mayfouk. Et comme les femmes n’en peuvent plus du machisme ambiant, elles font leur entrée au rythme de Aboul zoulouf et Bhibak ya loubnan (je t’aime, ô Liban) : Sabah et Magida el-Roumi, parées de tous leurs atours, s’installent pour une opération de charme commanditée par les frères Maalouf (Georges, Michel, Pierre, Sélim, Charbel et Paul). Les personnages, créés dans les ateliers de Los Angeles, sont faits pour nous surprendre.
En bref, maison des mirages, le Musée des célébrités nous donne l’irrésistible envie de revenir pour nous replonger dans un monde... plus amusant que le monde.

May MAKAREM
Où peut-on rencontrer des célébrités ? Une tripotée de princes, de présidents, de politiques, de génies, de peintres, de chanteurs ? Pas dans un salon, ni au Parlement, ni dans un congrès... Pour les voir en vrai, on se rend au Musée des célébrités, à Jeïta. Ici, tout est fait pour que le vrai soit vrai (même si ce n’est pas toujours vrai). À commencer par la matière...