Rechercher
Rechercher

Actualités

Éducation - Entre critique et autocritique, le XIe colloque à la recherche d’une « charte de l’enseignement catholique au Liban » Le patriarche Sfeir réclame la baisse des scolarités et une aide de l’État (photo)

C’est en présence du patriarche Sfeir que les travaux du XIe colloque annuel des écoles catholiques ont démarré hier, à l’école des Sœurs Antonines de Ghazir. Et pour cause, l’enseignement catholique tente, pour répondre au souhait de l’Église, de se donner une charte, d’adopter une politique unifiée pour faire face aux nombreux défis auxquels il est confronté, tout en restant fidèle à sa mission éducative et religieuse. Le rôle de l’État, la crise économique, le poids des scolarités, mais aussi le travail éducatif et l’éducation religieuse, les défis ne manquent pas. L’école catholique entend bien les relever, même si pour cela elle doit quelque peu pratiquer une autocritique ou rectifier le tir.L’école catholique est-elle un choix stratégique pour la présence de l’Église au Liban ? Comment l’Église envisage-t-elle la mission éducative ? Quels sont les défis de l’école catholique et comment les relever ? C’est à ces interrogations posées par l’Église que devra répondre la charte des écoles catholiques.
« Les défis auxquels doit actuellement faire face l’école catholique sont nationaux, humains et éducatifs », explique le père Marwan Tabet, secrétaire général des écoles catholiques.
« Quelle éducation l’école catholique doit-elle donner à ses élèves chrétiens mais aussi à ceux qui appartiennent à d’autres communautés religieuses, demande-t-il à ce propos, notamment en cette période de crise économique, et d’instabilité sociopolitique, où il faut faire face aux spectres de la laïcisation, du confessionnalisme et du fondamentalisme ? » Dans ce contexte, l’école catholique se doit de former un homme libre et juste qui travaille pour le bien public, dans le respect des droits de l’homme et des valeurs humanitaires. C’est la raison pour laquelle elle envisage de revoir radicalement ses méthodes d’éducation religieuse, tout en mettant le travail éducatif au service de l’élève, en favorisant l’esprit d’unité au sein de l’école catholique, la cohabitation entre élèves de différentes religions, mais aussi en créant une caisse d’entraide à l’intention des plus démunis.
Certes, se poser de nouveaux défis implique pour l’école catholique de savoir se remettre en cause afin de mieux évoluer, d’atteindre ses objectifs et de véhiculer les valeurs morales qu’elle s’est fixées. « La tâche n’est pas aisée », remarque le secrétaire général des écoles catholiques. « Elle est d’autant plus difficile que l’État ne fait rien pour faciliter la tâche de l’école catholique qui est un symbole de coexistence », conclut-il.

Pour une caisse de solidarité
« Il est pourtant du devoir de l’État d’aider les écoles catholiques en diminuant les charges dont elles doivent s’acquitter », estime à son tour le cardinal Nasrallah Sfeir. « Un État qui doit aussi assister les élèves les plus démunis dont les parents ne parviennent pas à payer les scolarités », dit-il, prônant ainsi la création d’une caisse de solidarité à leur intention. Et le patriarche d’axer son intervention sur la nécessité pour les écoles catholiques de se conformer au message papal en révisant les scolarités à la baisse et en gardant les enfants dont les parents n’ont pas payé leur dû.
Le cardinal Sfeir insiste, de plus, sur l’importance de l’éducation qui élargit l’horizon culturel des jeunes, et sans laquelle ils ne sont rien. « Une éducation qui se base sur des valeurs religieuses et humaines, comme la bonté et l’amour », poursuit-il. Mettant en garde contre les dangers d’une éducation laïque, qui élève les enfants à l’écart de la religion et des valeurs qu’elle véhicule, le prélat déplore que l’éducation religieuse soit souvent sacrifiée au sein même des écoles catholiques, notamment dans l’enseignement secondaire, faute de temps.
Comment l’Église et l’école catholique envisagent-elles de faire face à ces défis ? « Il n’y a pas de solution-clé en main, observe l’évêque Boulos Haddad. Nous n’avons certes pas de réponses à tous les problèmes posés. Mais nous devons tenter d’y remédier afin d’améliorer la situation. » « Un des défis de l’école catholique est le droit de l’Église de régir ses écoles », poursuit Mgr Haddad, ajoutant que si le gouvernement veut intervenir dans le travail éducatif des écoles catholiques, ce n’est certes pas par bonté d’âme.
Aussi observe-t-il que malgré la menace, l’école catholique a traversé de longues distances et accompli d’immenses progrès. Mais il ajoute que les défis sont perpétuels et qu’il faut les accepter même si la lutte pour la survie est souvent difficile, même si les luttes sont parfois intestines.
Et de mentionner à ce propos le défi de l’école catholique face à la laïcisation, au confessionnalisme et au radicalisme religieux, mais aussi celui que représente le meilleur enseignement qu’elle entend donner à ses élèves. En évoquant ces nombreux défis, l’évêque Boulos Haddad ne peut s’empêcher de poser certaines questions quelque peu taboues : À quel point l’école catholique éduque-t-elle sans pratiquer un lavage de cerveau ? À quel point forme-t-elle des hommes et des femmes, et non seulement des détenteurs de diplômes ? À quel point forme-t-elle des étudiants chrétiens actifs et des citoyens responsables, et non des extrémistes qui ne font que suivre le courant ?
Accepter l’autocritique ou la critique implique une bonne dose d’humilité. La virulence du ton de Mgr Haddad n’étonne pas. Virulence à l’égard de l’État, mais aussi des parents négligents, des éducateurs incompétents, des établissements scolaires qui prônent chacun son propre projet éducatif au lieu de faire partie d’une seule grande école catholique.
Aucune faille n’est négligée, même pas ce projet de caisse d’entraide qui n’a pas encore été réalisé et qui se fait toujours attendre. « Car, conclut-il, et comme pour excuser le ton de ses propos, sans cette franchise, nos écoles deviendraient exclusivement réservées aux riches. » L’enseignement catholique est-il en péril ? Cette question brûle les lèvres de plus d’un au terme de cette journée qui a mis sur le tapis de nombreux problèmes. Problèmes pour le moins épineux et qui attendent toujours d’être résolus.

Anne-Marie EL-HAGE
C’est en présence du patriarche Sfeir que les travaux du XIe colloque annuel des écoles catholiques ont démarré hier, à l’école des Sœurs Antonines de Ghazir. Et pour cause, l’enseignement catholique tente, pour répondre au souhait de l’Église, de se donner une charte, d’adopter une politique unifiée pour faire face aux nombreux défis auxquels il est confronté,...