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Rencontre - Chargé du portefeuille des Déplacés, le député membre du bloc de Joumblatt estime que les critiques sont injustifiées Abdallah Farhat : J’espère être mieux entendu, maintenant que je suis ministre(photo)

Pour un professeur, détenteur d’un doctorat en droit bancaire, Abdallah Farhat n’a pas le ton docte et le verbe haut, si cher à ses collègues. Élu sur la liste de Joumblatt, au cours des dernières législatives, il est devenu ministre des Déplacés apparemment sans faire d’efforts et sans être très présent sur la scène médiatique. Ce que certains pourraient qualifier de « réussite fulgurante », ou encore d’un « coup de chance extraordinaire », est pour lui une étape, une occasion à saisir pour montrer ses vraies capacités. Un jeune homme ambitieux, certes, mais aussi soucieux de l’intérêt de son pays et des chrétiens qui y vivent.
Du propre aveu de Abdallah Farhat, le portefeuille ministériel n’a pas changé grand-chose à sa vie. Pour l’instant du moins. Son téléphone ne cesse de sonner, mais ses amis sont les mêmes et il les mobilise pour l’aider, sans vouloir encore se doter d’une équipe professionnelle. Il ne se sent pas déplacé dans son ministère, Walid Joumblatt, à qui il doit sa nomination, ayant apparemment donné des instructions strictes pour que tout le monde coopère avec lui.
Compte-t-il laisser tomber les cours qu’il donne à l’USJ ? « Je ne pense pas. L’enseignement, c’est mon métier, voire ma vocation. Même si je suis un peu dispersé, je souhaite continuer à donner des cours. Rester en contact avec les jeunes est très important pour moi. Et j’aime aussi le côté académique de l’enseignement. »
Ce qui gêne le nouveau ministre, c’est qu’il a désormais moins de temps pour tout, et surtout pour son électorat, dans la montagne. Il essaie encore de passer tous les week-ends dans la maison familiale à Hammana, mais il ne peut plus être aussi disponible qu’auparavant pour les habitants du village, « même si faire partie du gouvernement permet d’être au cœur du pouvoir exécutif et c’est certainement très intéressant. On se sent plus fort ».

« Qu’on nous juge
sur nos actes »
Comment perçoit-il les critiques violentes adressées au gouvernement ? « Je les trouve sincèrement injustifiées. Cette tendance à critiquer et à porter des jugements sur les noms, ou l’absence de noms, et non sur les performances, n’est pas très utile. Il faut attendre et juger sur l’action. À mon avis, il s’agit d’un gouvernement politique par excellence, et non d’une équipe de technocrates. Il s’agit de gérer une situation de pressions internationales sur la région. Je crois que malgré ce mauvais démarrage, ce gouvernement sera plus performant que le précédent, car il y a une certaine cohésion entre ses membres, et tout le monde a tiré les leçons de l’expérience passée, lorsque le cabinet était paralysé à cause des conflits internes. Aujourd’hui, je crois que tous les ministres savent qu’ils doivent être solidaires, car toute velléité de dissension porterait atteinte à la mission régionale de l’équipe ».
Représente-t-il les maronites au sein du gouvernement ? « Je suis membre du bloc de Walid Joumblatt et je le représente au sein du gouvernement. Je coordonne toute action avec lui et les autres membres du bloc parlementaire. Le ministre Fouad es-Saad (qui était dans la précédente équipe) a été le premier à me féliciter et il n’y a aucune susceptibilité au sein du bloc. En tant que député maronite, j’ai aussi des relations très étroites avec Bkerké et j’essaierai de coordonner mon action avec le patriarcat. »
Abdallah Farhat rappelle que sa famille, qui considère d’ailleurs que sa réussite est la sienne, a toujours été proche des Joumblatt, mais aussi des Eddé. D’ailleurs, le Amid du Bloc national, Carlos Eddé, l’avait appelé avant l’annonce du gouvernement, pour lui demander de ne pas y participer, car il ne souhaite pas qu’un proche de son parti soit membre d’une formation si peu représentative. Farhat a refusé car il a d’autres considérations et sa décision dépend du bloc parlementaire auquel il appartient. Cela n’a pas empêché M. Eddé de le rappeler pour le féliciter.

Solidarité avec la Syrie
Sur le plan des relations libano-syriennes, Abdallah Farhat est convaincu que les deux pays doivent être solidaires dans l’étape actuelle. C’est à cette condition seulement qu’ils pourront traverser cette période difficile sans trop de dégâts. Le nouveau ministre préfère toutefois ne pas s’étendre sur les grandes questions régionales, sur lesquelles, selon lui, tout le gouvernement est d’accord. Ce qu’il voudrait, c’est profiter de son portefeuille ministériel pour lancer de nouvelles idées. Avec modestie, M. Farhat explique qu’il compte proposer un système de guichet, « afin d’éviter le contact direct entre le citoyen et le fonctionnaire de l’administration, ce contact favorisant, selon lui, la corruption. La formalité serait ainsi présentée au guichet et le dossier suivrait un système de rotation, sans que le citoyen ne puisse identifier l’employé qui s’en est occupé et le pourboire qu’il comptait payer pour accélérer la formalité serait en partie intégré au prix total de la démarche. De cette manière, le citoyen ne sera plus en situation de quémandeur et de corrupteur... ». Il souhaite appliquer ce système dans son ministère, pour l’essayer.
Le nouveau ministre a aussi des idées pour les écoles publiques. Au lieu de payer les enseignants dans des écoles où il y a peu d’élèves, Abdallah Farhat estime qu’il serait plus utile de payer directement les scolarités des élèves aux écoles qui paieraient, elles, les salaires des enseignants. Les établissements auraient ainsi une certaine autonomie et, en donnant aux parents la possibilité de choisir l’école publique où ils souhaitent placer leurs enfants, les établissements scolaires seraient ainsi incités à être plus performants, pour attirer le plus d’élèves et donc le plus d’argent.
Abdallah Farhat aimerait exposer ses idées au sein du Conseil des ministres, qu’il conçoit aussi comme un forum de discussion, et non seulement comme un centre de décision. « J’espère pouvoir être mieux entendu, en tant que ministre », dit-il.
Beaucoup d’idées et de projets donc, mais surtout une volonté de réussir, pour lui... et pour le pays.

Scarlett HADDAD
Pour un professeur, détenteur d’un doctorat en droit bancaire, Abdallah Farhat n’a pas le ton docte et le verbe haut, si cher à ses collègues. Élu sur la liste de Joumblatt, au cours des dernières législatives, il est devenu ministre des Déplacés apparemment sans faire d’efforts et sans être très présent sur la scène médiatique. Ce que certains pourraient qualifier...