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Vie politique - Deux ans après sa naissance, le Rassemblement se livre à un réquisitoire plus sévère que jamais contre le pouvoir KC appelle à un « changement » par le « retour » à Taëf

Pour les deux ans de son existence, le Rassemblement de Kornet Chehwane, principal pilier de l’opposition chrétienne, s’est livré hier à un sévère réquisitoire contre le pouvoir, lui reprochant d’avoir délibérément ignoré ses demandes et ses mises en garde et d’avoir ainsi conduit le pays à une situation qui, aujourd’hui, du fait de la pression des événements dans la région, se révèle difficile à gérer.
Dans un communiqué-fleuve publié à l’issue d’une réunion à Bkerké, chez le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir – qui célébrait lui aussi son anniversaire, le 83e –, KC en conclut que le changement est devenu « urgent », tout en se refusant à un coup d’État et en prônant plutôt un « retour » à Taëf.
« Il y a deux ans, les Assises de Kornet Chehwane avaient lancé leur appel en faveur d’un dialogue national qui, comme cela a été souligné dans la déclaration fondatrice du rassemblement, constitue l’option la plus saine en vue de la réédification de l’État et de la société », rappelle le communiqué.
« Deux années entières sont passées au cours desquelles l’appel de Kornet Chehwane a, d’une part, suscité une réaction positive au sein de l’opinion publique libanaise et s’est heurté, d’autre part, à l’obstruction du pouvoir en place », note le texte.
« Aujourd’hui, après le séisme qui a frappé la région dans son ensemble du fait de la guerre en Irak, le Liban se trouve confronté à des échéances décisives avant qu’il ne soit parvenu à édifier son État, cet État de droit capable d’encadrer la formule de coexistence, de la moderniser et de dynamiser la démocratie en élargissant la participation », affirme KC.
« Le Liban se retrouve dans le même temps doté d’un gouvernement que les Libanais sont unanimes à considérer comme incapable de répondre aux exigences posées par l’entrée du pays et de la région toute entière dans une zone dangereuse. Cette incapacité a d’ailleurs été démontrée par la faillite et l’embarras qui ont caractérisé le comportement du gouvernement à l’égard des questions suscitées par le secrétaire d’État américain (Colin Powell) lors de sa dernière visite au Liban. Le langage confus et contradictoire adopté par le pouvoir face aux développements actuels illustre l’ampleur de l’impasse », estime-t-il.
Ainsi, poursuit le texte, « le pouvoir réclame des États-Unis qu’ils recourent à la logique du dialogue plutôt qu’à celle de la force. Et c’est ce même pouvoir qui insiste simultanément pour utiliser la seconde option, plutôt que la première, face à son propre peuple. C’est ce même pouvoir qui continue de refuser de tourner la page en maintenant des détenus politiques en prison et en contraignant les exilés à demeurer hors du pays ».
« C’est aussi ce pouvoir qui entrave le processus de dialogue, tantôt sous prétexte de divergences sur les thèmes qu’il recouvre, et tantôt en renvoyant ce processus devant les instances constitutionnelles, tout en sachant très bien que celles-ci souffrent d’un manque de représentativité », accuse le Rassemblement.
« Tout récemment encore, on a vu comment le pouvoir a montré sa détermination à garder la MTV sous scellés et à s’en prendre à des manifestants en les agressant physiquement et en procédant à des arrestations arbitraires », souligne-t-il.

Diktats extérieurs
D’autre part, « le pouvoir annonce aujourd’hui qu’il a pris la décision de déployer l’armée au Liban-Sud alors qu’hier encore, il prétendait qu’un tel déploiement sur la frontière internationale constituerait une protection pour Israël, oubliant de ce fait que le refus d’envoyer l’armée dans cette région est une violation au document d’entente nationale (Taëf) », ajoute KC.
« Ce pouvoir proclame aujourd’hui avoir beaucoup souffert du régime de Saddam Hussein et applaudit à sa chute, alors que la veille, il avait mené campagne contre l’opposition qui exprimait son hostilité à la guerre et sa solidarité avec le peuple irakien. Pendant ce temps, certains représentants du pouvoir prenaient fait et cause pour le régime de Bagdad, n’hésitant pas à provoquer une confrontation avec le Koweït, un pays qui a soutenu le Liban dans sa crise », poursuit le Rassemblement.
« Si ce pouvoir avait accepté le dialogue auquel avait appelé KC, il y a deux ans, il aurait évité l’impasse dans laquelle il se trouve à l’heure actuelle et allégé, en conséquence, les souffrances des Libanais », estime-t-il.
« KC avait réclamé – et réclame toujours – des autorités, gardiennes de la Constitution, d’œuvrer en vue de mettre en application les dispositions de la loi fondamentale, de recouvrer l’entière souveraineté nationale par le biais de l’application de Taëf et d’obtenir un redéploiement des troupes syriennes en prélude à leur retrait total du Liban, conformément à un calendrier bien défini », rappelle le texte.
« Mais cette demande a pour objectif de corriger les relations avec la Syrie, pas d’en faire une ennemie. Or, c’est le pouvoir, en violant de façon continue la Constitution, qui s’est placé lui-même dans la situation où il se trouve aujourd’hui, confronté à des diktats extérieurs, lui enjoignant d’appliquer des résolutions internationales portant sur cette question précise », souligne-t-il.
« KC avait aussi réclamé du pouvoir d’œuvrer en conjonction avec la Syrie afin de fixer définitivement la libanité des fermes de Chebaa devant les Nations unies, mais il a refusé d’agir en ce sens, entraînant de ce fait le Liban dans une position de confrontation avec l’Onu », ajoute-t-il.
« Les assises avaient invité par ailleurs les autorités à protéger la démocratie, en se basant sur le principe selon lequel le peuple est la source de tous les pouvoirs. Elles ont riposté en frappant les fondements de la démocratie : libertés publiques confisquées, médias muselés, indépendance et rôle de la justice bafoués, richesses nationales dilapidées en faveur des hommes-lige et des clients, deniers publics détournés au profit d’intérêts particuliers... Tout cela pour en arriver aujourd’hui à se voir sommé de l’étranger de promouvoir l’État de droit, la démocratie, la transparence et les droits de l’homme », constate encore le Rassemblement, avant de conclure : « Voici un pouvoir qui, sous la pression extérieure, en vient à condamner aujourd’hui ce dont il faisait l’éloge hier. »

À contre-courant
« Pour sortir de notre crise nationale, il nous faut un pouvoir alternatif, qui ne serait pas fabriqué par un autre pouvoir, mais serait véritablement issu de la volonté libre des Libanais, fondé sur la démocratie et la participation, digne de respect, soumis à la loi et au contrôle. Un tel pouvoir est aujourd’hui une nécessité absolue pour la pérennité de la nation et l’avenir de ses fils », lance KC.
« La région arabe est en effet entrée dans une phase de changement rapide dont on entrevoit déjà les signes ici ou là. Le Liban qui, dans le passé, montrait aux Arabes le chemin de la modernité, marche aujourd’hui à contre-courant, perdant de ce fait ses principales caractéristiques issues de son histoire, de sa formule de coexistence, de sa pluralité et de son ouverture sur le monde. Ce sont bien ces caractéristiques que le président iranien Mohammed Khatami a remémorées dans son discours devant le Parlement », souligne encore le communiqué.
« Le pouvoir croit être en mesure de dissimuler les grandes transformations qui s’opèrent autour de nous et cherche à créer l’illusion que rien ne s’est passé dans la région et que s’il y a un changement quelconque, il ne toucherait pas le Liban. Il pense être capable de convaincre (les Libanais) qu’en échange de quelques concessions limitées, il pourrait passer un marché extérieur lui permettant de maintenir le statu quo dans le pays. Mais il s’agit d’une tentative désespérée et vouée à l’échec et voilà pourquoi tous les Libanais inquiets pour leur avenir sont unanimes à penser que le changement est devenu urgent », souligne-t-il.
« Cependant, nul ne souhaite que ce changement s’opère par un coup d’État. Tout le monde voudrait que cet instant précis soit celui du retour à ce que les Libanais, chrétiens et musulmans, ont déjà adopté » dans le cadre de Taëf, c’est-à-dire à « une formule de coexistence fondée sur la liberté, la participation, l’égalité, la justice, dans le cadre d’un État indépendant, souverain, démocratique, uni, actif dans son environnement arabe et jouissant des meilleures relations possibles avec la Syrie », conclut Kornet Chehwane.
Pour les deux ans de son existence, le Rassemblement de Kornet Chehwane, principal pilier de l’opposition chrétienne, s’est livré hier à un sévère réquisitoire contre le pouvoir, lui reprochant d’avoir délibérément ignoré ses demandes et ses mises en garde et d’avoir ainsi conduit le pays à une situation qui, aujourd’hui, du fait de la pression des événements...