Interrogé sur l’impact des concerts classiques sur le jeune public, M. Brossmann signale que « les grandes salles de concert entretiennent, presque tous les soirs, une vraie politique musicale et culturelle en direction d’un jeune public qu’on cherche à attirer, à capter ». Pour ce qui est du Liban, il ajoute qu’il est « fantastique d’avoir des festivals, mais il faut aussi élaborer une stratégie qui s’étalerait sur l’ensemble de l’année avec des concerts, de l’opéra. Mais il s’agit d’avoir les moyens de mener cette politique, c’est-à-dire trouver des financements, et ce n’est pas facile ». Tout en restant positif, il précise que « si l’audience est restreinte, c’est parce qu’il n’y a pas un engouement à longueur de saisons. En ouvrant ses portes, l’opéra Bastille a créé tout un nouveau public pour le bel canto. Et certains soirs à Paris, entre Bastille, Garnier, Chavard, Champs-Élysées et Châtelet, il y a 8 000 places d’opéra à vendre. C’est énorme, mais c’est plein ».
Pour ce qui est des « musiques du monde », le directeur général du Châtelet souligne que c’est le Théâtre de la ville et la Maison du monde, dirigée par Charif Khaznadar, qui les prennent en charge. « Et c’est très bien ainsi», commente J.-P.B. « Chacun a sa spécificité, son identité, sans concurrence. Cela dit, Fairouz voulait venir chanter au Châtelet, je l’aurais accueillie à bras ouverts. Mais nous n’avons pas pu tomber d’accord sur les dates. Donc, cela dépend aussi de la volonté des artistes qui, parfois, veulent passer dans certaines salles. Je prends à titre d’exemple les Rolling Stones qui, en l’espace d’une semaine, se sont produits sur trois scènes différentes : Bercy, le Stade de France et l’Olympia ». Selon lui, « l’émulation qui draine des publics divers est formidable. Celui du Châtelet n’est pas forcément celui du Théâtre de la ville ou d’autres théâtres. Or, c’est bien d’ouvrir de temps en temps des passerelles.»
Des passerelles qui peuvent mener au Liban, par la voie du Web : « Il y a toujours des possibilités de trouver des places dans nos théâtres », précise-t-il. « Si les spectateurs libanais, de passage à Paris, veulent aller au théâtre, il leur suffit de se connecter à notre site Internet pour y trouver les programmes et y louer des places. » Le Châtelet mise cette saison (2003-2004) sur Berlioz et présente Les Troyens, une mise en scène de Yannis Kokkos, avec le mezzo moiré de Suzan Graham et, en Cassandre, Anna Caterina Antonacci. Face à elles, le rôle énorme d’Enée sera assuré, par alternance, par Gregory Kunde et Hugh Smith. Quant à Béatrice et Bénédict, les textes de transition, signés Yasmina Réza, seront dits par Carole Bouquet. Au programme aussi, La belle Hélène d’Offenbach et Les paladins de Rameau. Par ailleurs, 13 formations symphoniques ou philharmoniques dirigées par des chefs d’orchestre prestigieux, comme Riccardo Muti, Esa-Pekka Salonen, John Eliot Gardiner, Wolfang Sawallisch, Jean-Claude Casadesus, Yutaka Sado, Michel Legrand et d’autres, sont invitées à tisser le fil musical de l’Europe. La danse est également au rendez-vous avec Julia Migenes (tango), les Girls et les Boys de Broadway (un best-of des meilleures pièces de Bob Fosse). Même Jessye Norman, Misia (fado), Daniil Shtoda et Irina Mataeva, « petite merveille au sein de la jeune garde du Mariinski », se donneront un soir pour envoûter Paris de leurs voix. Mais la liste est longue. Pour assurer la production de leurs opéras, le Châtelet et l’Opéra de Paris s’autofinancent à hauteur d’un tiers des dépenses. « En ce qui concerne l’Opéra de Paris, c’est l’État qui assure le reste. Pour le Châtelet, c’est la ville de Paris, explique J.-P.Brossmann. Aussi, le coût de revient d’une place vendue à 100 euros s’élève en fait à 300 euros. En règle générale, ce ne sont pas seulement les cachets des artistes qui coûtent chers. Il faut compter différentes charges: l’orchestre qui peut regrouper jusqu’à 100 musiciens, le chœur, la troupe de danseurs d’un ballet, les techniciens, les machinistes, les décors, les costumes. On s’en sort tout de même. Mais je trouve que la meilleure façon d’amortir les frais est de filmer les spectacles. Un accord a été signé avec le président de France Télévision, Marc Tessier, pour la diffusion en direct des Troyens à Carthage, le dimanche 26 octobre, à 14 heures, sur FR2 et FR3». Avis aux spectateurs libanais.
Propos recueillis par M.M.
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