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LIVRE - « Arrêtez, je veux descendre », de Fawzi Yammine À l’ombre des plaisirs…

Avec une ironie mordante, un sens lapidaire de la formule, un regard impitoyable et scanneur, Fawzi Yammine vit à l’ombre des plaisirs (et déplaisirs) de la vie. Poète au verbe arabe virulent et sarcastique, révélant toutefois une sensibilité d’écorché vif, après deux ouvrages parus successivement en 1994 et 1996, Al-moustalki ala tabiki el-ardi (Celui qui est appuyé sur l’étage du rez-de-chaussée) et Hayat bidoun filter (Une vie sans filtre), il publie aujourd’hui un livre où l’esprit, mutin et libre, vagabonde au fil des pages et de l’inspiration à la fois irrévérencieusement et avec une certaine sagesse. Un livre intitulé Tawakafou, ourid an anzel (Arrêtez, je veux descendre…), éditions Dar an-Nahar, en collaboration avec la Fondation Nadia Tuéni (192 pages). Titre ressemblant à un cri de ras-le-bol et que confirme cette prose poétique à l’humour corrosif, à la vision particulière, aux propos révoltés. Un texte presque surréaliste où, en correspondances secrètes, se répondent en toute harmonie l’inattendu des images singulières, la douceur d’une musicalité aux stridences modernes et au lyrisme feutré, sans oublier le plaisir et la tourmente des mots («ces putains de la nuit », dit-il…) qui font chavirer le poète vers des abîmes inattendus ou l’élèvent vers des cimes coruscantes…
Poésie délirante et délire de la poésie pour cette inspiration nourrie d’un quotidien qui refuse la banalité et surtout la médiocrité. Sous le couvert d’une belle excentricité littéraire, Fawzi Yammine fustige les travers d’une société étouffante, desséchante. Sous le signe aussi du mythe de Sisyphe, se déploie ce verbe aux diaprures paradoxalement acides et fastueuses s’entretenant de la mort, de l’absence, de l’amour, bien entendu, sous ses divers aspects… En prise avec les mots, jetant un regard circonspect sur l’existence et l’être, le poète fait des raccourcis admirables. Un livre qui se lit avec plaisir et plonge dans une certaine méditation où la gravité n’est jamais ni lourde ni insoutenable.
E.D.

Extraits
Attention,
Les nuages avalent le ciel sans bruit
Et leur voix s’étend sans ombre.
Pressé je suis, ma chaussure me suit.
Les communistes disent que Dieu au-dessus de nous roule en Rolls-Royce. Mon père demande : quel modèle ?
Possède le temps, tu l’as acheté le jour où tu es né, le jour où tu es mort !
Mon père s’assoit au salon, allume une cigarette après l’autre et lance la fumée de ses narines en nuages qui s’élèvent jusqu’à ce que disparaissent les murs et le plafond. Mon père qui n’est pas aux cieux mais au salon.
Que nul d’entre vous ne fasse un effort
La montagne apparaît seule, comme la lune sd’ailleurs.
Je t’offre mon silence puis je
ne sais ce qui m’arrive
Je cours me réfugier derrière le crépuscule.
Non pour retourner à l’enfance
Non pour être vieillard
Mais comme ça, rester suspendu entre tête et chaussures
Compressé comme un bocal.
Avec une ironie mordante, un sens lapidaire de la formule, un regard impitoyable et scanneur, Fawzi Yammine vit à l’ombre des plaisirs (et déplaisirs) de la vie. Poète au verbe arabe virulent et sarcastique, révélant toutefois une sensibilité d’écorché vif, après deux ouvrages parus successivement en 1994 et 1996, Al-moustalki ala tabiki el-ardi (Celui qui est appuyé sur...