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CINÉMA - L’actrice et le réalisateur arméniens de passage au Liban Atom Egoyan et Arsinée Khanjian : l’engagement au service de l’identité(photo)

Le réalisateur arménien Atom Egoyan et son épouse, l’actrice Arsinée Khanjian, née au Liban, ont passé douze jours (du 24 juin au 6 juillet) au Liban au cours desquels ils ont rencontré la presse, mais aussi les étudiants en audiovisuel, auxquels le cinéaste a remis des diplômes à l’Iesav. Mais le principal but du voyage des deux naturalisés canadiens a été la découverte, pour Atom Egoyan, et les retrouvailles, pour Arsinée Khanjian, avec la communauté arménienne au Liban. Tous deux ont d’ailleurs été décorés par le patriarche Aram 1er, quelques jours après leur arrivée.

Pendant la conférence de presse qu’ils ont donnée au catholicossat d’Antélias, ils se sont largement attardés sur Ararat, la fresque historique racontant le génocide et l’exil arménien qu’Atom Egoyan a réalisée en 2000 : « Dans ce film, j’ai montré le trauma qui est passé à travers quatre générations de survivants, explique-t-il. Comme je n’ai pas grandi dans ma communauté, j’ai découvert, à 18 ans, ce que pouvait être l’obsession de l’identité, en m’engageant dans la cause arménienne et en commençant à faire des films. » Selon lui, Ararat a été raconté pour deux raisons simples : «Laisser accéder les non-Arméniens à la compréhension du génocide et pousser à la reconnaissance de ce même génocide. Chacun mérite la reconnaissance de son existence personnelle, et c’est très douloureux quand ce n’est pas le cas. »
Atom Egoyan considère son film comme « un pont entre les Arméniens et les non-Arméniens, mais cela risque de ne pas être valable en Turquie, où les projections ont été interdites. Il y a été présenté comme un film de propagande. L’affaire a d’ailleurs pris une telle ampleur que, lorsque Ararat a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes, en 2001, le comité organisateur m’a affublé d’un service de sécurité. Selon moi, ç’aurait été la meilleure publicité pour le film ».
Quant à Arsinée Khanjian, elle a été très tôt confrontée à la mémoire arménienne : « Les survivants du génocide ont fait partie de mon quotidien, que ce soit au Liban ou au Canada, précise-t-elle. L’appartenance à une identité dans une identité, c’est-à-dire l’Arménie dans le Liban, l’histoire, la mémoire, je vis dans ces réalités depuis toujours et je m’y suis engagée très tôt. » Selon elle, la valeur d’Ararat s’explique par la nécessité « du passé pour le présent et le futur. Sans, on devient fou ».

Investigation et déni
Pour ce qui est de son œuvre cinématographique, que la plupart des critiques s’accordent à rapprocher du genre du film noir, Atom Egoyan, qui approuve cette approche de classification, explique qu’entre son obsession de l’identité, l’écriture et la réalisation de ses scénarios, il y a un fil rouge, « l’investigation », le long duquel le cinéaste arménien élabore des histoires à première vue indépendantes les unes des autres mais qui finissent par raconter la même histoire : « Chez moi, ce procédé d’écriture n’est pas un jeu, il est organique. Autrement dit, il retranscrit mes propres émotions. » Et qui dit investigation, dit situation obscure : « La vérité cachée m’intéresse, la catastrophe qui détruit ceux qui en sont les victimes, confie-t-il. Le genre du film noir révèle des niveaux de vulnérabilités multiples que je me plais à mettre en avant. Cela correspond à ma personnalité propre. »
Les personnages masochistes, fétichistes hantent ses films : «J’aime défier les symboles forts, mon arrogance est très grande envers eux. On ne peut pas tout le temps célébrer l’évident, le transparent que représentent les piliers d’identité, et c’est pourquoi mes dialogues, très condensés et durs, trahissent la pensée. » Atom Egoyan, qui s’apprête à mettre en scène un des opéras de Wagner au Canada et à adapter à l’écran « un roman noir et kitsch », conclut en affirmant que « d’un point de vue artistique, c’est le déni qui domine et qui exprime le mieux l’obsession de l’identité».

Travail à valeur morale
Arsinée Khanjian a mené plusieurs activités avant 1993, année à partir de laquelle elle s’est entièrement consacrée à son métier de comédienne : « Ma famille a mis beaucoup de temps à me considérer comme actrice, explique-t-elle. Alors, parallèlement aux films de mon mari, j’ai fait des études de sciences politiques et de langues, puis j’ai été responsable des subventions accordées au cinéma par le ministère de la Culture, tout en étant très engagée dans ma communauté. »
Engagée serait le qualificatif le mieux adapté à une actrice et comédienne qui s’intéresse uniquement au théâtre et au cinéma d’auteur : « Mon désir est d’accomplir un travail à valeur morale et éthique, souligne-t-elle. Je me sens investie de la confiance que m’accorde un cinéaste », en faisant allusion à la réalisatrice syrienne Rouba Nada, vivant et travaillant comme elle au Canada, qui lui confie prochainement le rôle d’une musulmane de 40 ans, célibataire, qui fait le choix d’une vie différente de celle dictée par sa communauté. Actrice confirmée, Arsinée Khanjian passerait derrière la caméra pour mettre en scène « la dernière partie de la vie de Maria Callas, pour me confronter à la solitude qu’a connue cette femme. Est-ce pour me retrouver ou pour mieux la connaître, je ne saurais dire », conclut-elle.

Diala GEMAYEL
Le réalisateur arménien Atom Egoyan et son épouse, l’actrice Arsinée Khanjian, née au Liban, ont passé douze jours (du 24 juin au 6 juillet) au Liban au cours desquels ils ont rencontré la presse, mais aussi les étudiants en audiovisuel, auxquels le cinéaste a remis des diplômes à l’Iesav. Mais le principal but du voyage des deux naturalisés canadiens a été la...