« Selon moi, le 11 septembre a été un déplacement géographique important, explique-t-il. Il y a eu un décentrement culturel des valeurs, si bien que les Européens font face à une question paradoxale : défendre leurs valeurs tout en sachant rester critiques vis-à-vis de l’ensemble historique de ces dernières. Comme l’affirme Fernand Braudel, il faut penser à une nouvelle grammaire des civilisations. »
Confrontation
Pour Olivier Mongin, la réponse est claire : « Oui, il faut défendre ces valeurs, mais pour leur donner corps, précise-t-il. Pour exemples, la tolérance active, et non par défaut. Ensuite la valeur critique, qui oblige au décentrement et à la distanciation, et enfin la valeur éducative, qui est en Europe une des traditions de l’esprit critique. »
Deuxième conséquence de l’attentat contre le WTC : «Depuis le 11 septembre, le monde est entré dans une logique sécuritaire menée par le gouvernement américain, poursuit l’intéressé. Les changements idéologiques ont été forts aux États-Unis, ce qui intéresse d’autant plus l’Europe.» À considérer que « la démocratie est constituée de principes qui sont élaborés pour pouvoir ne pas être d’accord », il avance que « la vraie définition d’une vie culturelle serait la confrontation ».
Non-défaitisme
Pour ce qui est d’Esprit, Olivier Mongin précise que « la revue tient à garder une place discrète, en travaillant à l’écart d’une machine médiatique très lourde, tenue par les médias qui organisent à grande échelle l’espace intellectuel ». Il résume en ajoutant qu’elle « essaie de lever les lièvres ». Face à la mondialisation généralisée, elle se veut « une rupture dans le continuum ». Face à la soi-disant disparition de la pensée, Esprit s’inscrit dans la tradition du non-défaitisme.
En somme, l’équipe des huit collaborateurs constitue « une sorte de passeur du devenir du monde, de moins en moins tourné vers l’Europe, même si cette constatation peut paraître alarmante ».
Dans un monde culturel «voué à l’horizontalité et dominé par une logique de l’instant», Olivier Mongin constate la nécessité des « groupes verticaux comme notre revue, qui sont de toute manière plus légers que les institutions lourdes».
La faiblesse d’énonciation
libanaise
Interrogé sur la question libanaise, le directeur d’Esprit commence par constater « l’absence de centre culturel libanais à Paris », avant de qualifier le pays du cèdre d’« image caricaturale de l’hyper-Occident ». Selon lui, il est actuellement constitué d’«une société fragile qui a peur de sa propre culture mais qui, de toute manière, ne peut pas faire l’économie de la confrontation». Un interlocuteur clair et plutôt bien renseigné sur l’histoire du pays qui conclut en ces termes: «L’angoisse doit passer dans de nouvelles formes d’expression mais, pour cela, le Liban doit se débarrasser de sa faiblesse d’énonciation. »
Diala GEMAYEL
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