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CORRESPONDANCE Le 19e prix Méditerranée Des « Alexandrins » aux déportés de Cabrera (PHOTO)

Paris – De Mirèse AKAR
Jean-Paul Alduy, sénateur-maire de Perpignan, a bien failli se plaindre de répéter chaque année à peu près la même chose au déjeuner où est proclamé le prix Méditerranée. Mais, à y réfléchir, n’aurait-il pas eu mauvaise grâce à se plaindre de faire, pour la dix-neuvième fois, des variations et des variantes autour de sa « petite ville » qui tient son rang « aux marches de l’empire » ? Et n’a-t-il pas tout intérêt à enfoncer le clou, à dire et à redire, même s’il a déjà été entendu, la signification d’une récompense inséparable de l’affirmation d’une identité ?

Une société brillante
Créé en 1985 à l’initiative d’André Bonet, président du Centre méditerranéen de littérature, ce prix distingue en 2003 Les Alexandrins (Gallimard), un roman magnifique de plus de 500 pages où François Sureau raconte comment, entre novembre 1956 et janvier 1957, la cosmopolite Alexandrie, qui avait été la ville de Cavafy, Durrell et Marinetti, entre autres, perdit son âme quand Nasser, à la faveur de l’affaire de Suez, décida d’en expulser toutes les colonies étrangères. Des indicateurs chevronnés qui noyautaient le pays à l’époque de Farouk avaient été encouragés à reprendre du service, et quelque cinquante mille étrangers furent très vite débusqués et contraints à l’exil. Ainsi disparut une société brillante en même temps qu’adonnée à la mollesse de l’Orient. C’est en quelque sorte métaphoriquement que François Sureau semble l’observer, dans les glaces biseautées qui tapissent les murs des cafés de la ville. Et des personnages transfuges de son précédent roman (Lambert Pacha, Grasset, 1998) paraissent indiquer qu’il ne s’arrêtera pas en si bon chemin dans sa « Description de l’Égypte. »

« Catalan par volonté »
Il y a aussi un prix Méditerranée étranger qui, après avoir couronné l’an dernier l’Italien Umberto Eco, est allé cette fois à Baltasar Porcell, natif de Majorque, qui se dit « espagnol par la force des choses, catalan par volonté ». Ce militant bon teint écrit d’abord ses livres en catalan avant de les traduire lui-même en castillan, et la démarche n’est pas aussi vicieuse qu’on pourrait le croire! Dans son roman Cabrera ou l’empereur des morts (Actes Sud), un vétéran de l’armée napoléonienne propose en 1850 à un éditeur le récit de la tragédie vécue, entre 1809 et 1814, par près de dix mille grognards de l’armée impériale, déportés sur l’îlot de Cabrera après la capitulation de Bailén, et dont il fut l’un des rescapés.
Président du conseil régional du Languedoc-Roussillon – qui finance en partie le prix –, Jacques Blanc trouva deux raisons de protester. À croire que Jean-Paul Alduy d’une part, André Bonet de l’autre avaient concocté avec lui des numéros de duettistes. Après avoir récusé l’appellation de « petite ville » pour désigner Perpignan qui, pour lui, est véritablement la capitale d’une euro-région, il s’étonna de façon plaisante qu’on puisse parler de prix Méditerranée étranger à propos de Baltasar Porcell. Avec cet argument inattaquable : «Comment un Catalan pourrait-il être étranger en terre catalane?»
Paris – De Mirèse AKARJean-Paul Alduy, sénateur-maire de Perpignan, a bien failli se plaindre de répéter chaque année à peu près la même chose au déjeuner où est proclamé le prix Méditerranée. Mais, à y réfléchir, n’aurait-il pas eu mauvaise grâce à se plaindre de faire, pour la dix-neuvième fois, des variations et des variantes autour de sa « petite ville » qui tient son...